À 10 jours de Noël, les Québécois bouderont sagement les files d'attente aux postes-frontière ou les achats internationaux en ligne qui cachent des frais d'envoi et de douane qui corsent la facture finale.

À 10 jours de Noël, les Québécois bouderont sagement les files d'attente aux postes-frontière ou les achats internationaux en ligne qui cachent des frais d'envoi et de douane qui corsent la facture finale.

Depuis la remontée rapide du huard face au billet vert amorcée en 2003, le nombre de voyages d'un jour aux États-Unis pour faire des emplettes a bien peu augmenté, révèle une nouvelle étude réalisée par Francine Roy, analyste à Statistique Canada.

«Le volume du magasinage aujourd'hui est faible si on le compare à la hausse phénoménale enregistrée à la fin des années 80 alors que le taux de change augmentait également», note-t-elle dans un article solide paru dans la dernière livraison de L'Observateur économique canadien.

De 1986, à 2001, le nombre de voyages au sud évoluait en étroite relation avec le taux de change. Plus notre monnaie s'appréciait, plus les achats aux États-Unis augmentaient, et vice-versa.

Le sommet a été atteint en juillet 1991 alors que le dollar canadien a flirté avec les 89 cents US, en même temps que l'impopulaire TPS était mise en place. Ce mois-là, 5,9 millions de Canadiens s'étaient rendus chez l'Oncle Sam pour moins d'une journée.

La moyenne mensuelle des neuf premiers mois de 2007 est d'à peine 1,9 million, soit très légèrement plus que celle de 1,7 million enregistrée en 2002, l'année la plus faible de la période étudiée.

«La relation étroite entre le taux de change et le magasinage transfrontalier entre 1986 et 2001 s'est considérablement affaiblie après que les événements terroristes du 11 septembre 2001 ont renforcé la sécurité aux frontières, écrit Mme Roy. Elle ne s'est jamais rétablie depuis.»

Elle fait même remarquer que la progression est encore plus marginale, si on l'étudie sur une base par habitant puisque la population canadienne est plus grande en 2007 qu'en 2002.

Elle précise que l'augmentation s'est surtout concentrée en Ontario, là où de grandes villes canadiennes avoisinent de grosses concentrations urbaines américaines.

Cette observation est corroborée par une étude publiée la semaine dernière par deux analystes de Valeurs mobilières Desjardins.

Keith Howlett et Shannon Molenaar prévoient que le commerce transfrontalier aura un léger impact négatif sur le bénéfice des détaillants canadiens au cours du présent trimestre.

«La chaîne West49, très concentrée dans le Sud ontarien, est celle qui exprime le plus d'inquiétude à ce sujet, écrivent-ils dans la revue Morning Pulse. La moins sensible est sans doute Rona, dont la gamme de produits ne paraît pas justifier des voyages d'achats.»

L'analyse de Mme Roy corrobore l'enquête des analystes de Desjardins. «Durant les neuf premiers mois de 2007, 73% des voyageurs franchissant les postes-frontière du Québec se destinaient vers les États-Unis, la plus faible proportion du Canada», écrit-elle.

Elle note en outre qu'ils ont diminué cette année par rapport à l'an dernier. Pour couronner le tout, la proportion de voyages-shopping aux États-Unis à partir du Québec représente à peine 10% de celle du Canada alors que son poids démographique est au moins deux fois plus élevé.

Mme Roy s'est aussi penchée sur les achats en ligne. Elle note une croissance annuelle moyenne de 300 millions de leur valeur depuis 1995.

«Plutôt que d'être exceptionnelle, la croissance est sous la moyenne en 2007», écrit-elle. En comparaison, les dépenses personnelles ont progressé de 127 milliards, entre janvier 2002 et septembre 2007.

Les Canadiens qui ont goûté aux achats en ligne transfrontaliers ont souvent trouvé l'expérience amère: frais de livraison élevés; droits de douane, taxes fédérale et provinciale et, pour les appareils électroniques dont les prix paraissent alléchants, garanties non honorées en dehors des États-Unis.

C'est un pensez-y-bien au moment où les commerçants multiplient les rabais.

«Cela aura pris un certain temps, mais le consommateur est finalement le grand gagnant de la montée du huard», écrit Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marché des capitaux.

Dans un article intitulé en clin d'oeil à Led Zeppelin «Whole Lotta Luck» (De sacrés veinards), il compare la chance des consommateurs canadiens aux déveines des américains et dresse un tableau de plusieurs promotions récentes des grands détaillants ou concessionnaires automobiles.

Mme Roy fait d'ailleurs observer que s'il est une chose qui a changé dans le commerce transfrontalier, c'est bien la baisse marquée des séjours de moins de 24 heures des Américains chez nous.

Par bonheur, ils pèsent peu dans les recettes des détaillants canadiens, moins encore dans celles des commerçants québécois.