Ne cherchez pas la binette chauve de Michael Roach à la une de votre magazine d'affaires préféré, vous ne la trouverez pas.

Ne cherchez pas la binette chauve de Michael Roach à la une de votre magazine d'affaires préféré, vous ne la trouverez pas.

«Je ne crois pas aux chefs d'entreprise qui se prennent pour des vedettes, dit-il. Quand ils font des erreurs et qu'ils tombent, ils ont toujours l'air de s'en sortir. Et ce sont les travailleurs qui en paient le prix.»

En un an et demi comme grand patron de CGI [[|ticker sym='T.GIB.A'|]], il a donné une entrevue au Globe and Mail et une autre à la revue Direction informatique en mai dernier.

Et le voici dans votre cahier Affaires du samedi. On est loin du gestionnaire qui cherche la gloire.

«Ma vision du leadership, c'est de transformer de bonnes intentions en résultats significatifs. C'est vraiment à propos des résultats. Les dirigeants qui jouent à la vedette, ça les distrait de cet objectif.»

Michael E. Roach a grandi à Pembroke, en Ontario, une petite ville située au sud de Petawawa. Un tableau représentant la rivière des Outaouais, accroché dans son bureau de la rue Sherbrooke, lui rappelle son patelin.

Il était le grand patron de Bell Sygma quand cette filiale de BCE a été fusionnée à CGI, en 1998. Quatre ans plus tard, il devenait chef des opérations chez CGI avant de remplacer Serge Godin dans le siège de grand patron en 2006 et de déménager de Toronto à Outremont.

«J'ai étudié le modèle d'affaires, dit-il en parlant de ses premières années chez CGI. J'ai probablement rendus Serge (Godin) et André (Imbeau, les deux fondateurs) fous avec mes questions.»

Qu'a-t-il trouvé? Michael Roach sort un stylo et dessine un triangle. Chacune des pointes représente un de ses partenaires: actionnaires, clients et employés.

«On croit que, à long terme, on ne pourra pas avoir du succès si on ne cherche pas un équilibre entre ces trois partenaires. C'est la philosophie que j'ai trouvée ici.»

L'intérêt des actionnaires de CGI Ne pourrait-on pas plutôt parler de leur grande patience, eux qui ont connu cinq années difficiles après l'éclatement de la bulle techno?

M. Roach a la réponse toute prête. Sur 15 ans, le titre de CGI, incluant les fractionnements, a pris 45 fois sa valeur.

Pour ceux qui veulent d'autres données, en voici deux: pendant la dernière décennie, les revenus ont été multipliés par 18 et les profits, par 32. CGI est ainsi devenue la plus grande entreprise de technologie d'information au Canada.

Mais ce qui anime davantage Michael Roach en ce matin de janvier, ce ne sont pas les chiffres, mais ses employés. Soit dit en passant, ils sont aussi actionnaires de l'entreprise.

Ils en détiennent 17%. Collectivement, ils en ont donc plus que tous les autres détenteurs d'actions.

«On est dans une industrie où le capital est humain», répète Michael Roach. Ça fait un peu cliché, mais dans une industrie de service comme la sienne, c'est particulièrement vrai.

«CGI a été structurée pour l'ère du capital humain. CGI a été construite pour attirer et retenir des gens.»

Pour chaque action qu'un employé achète, le patron en achète autant. Le travailleur peut ainsi acheter des titres à moitié prix.

Ça aide à motiver les troupes. «Personne ne lave une voiture louée», illustre-t-il. Chez lui, la voiture appartient aux employés, en partie du moins.

Avoir des employés qui sont actionnaires aide à réduire les taux de roulement, particulièrement élevés dans les T.I. «On a probablement le taux de roulement le moins élevé de l'industrie», lance M. Roach.

Celui-ci s'élève à un peu plus de 12%, alors que l'objectif est de le faire varier entre 10% et 12%. «Il recommence à descendre», précise-t-il.

Les dirigeants de la multinationale General Electric ont trouvé une expression pour résumer leur approche de gestion. Ils l'appellent la GE Way.

Chez CGI, on parle plutôt de CGI Way. Mais ne comptez pas sur Michael Roach pour se péter les bretelles avec ça: «Je pense que ça a l'air un peu arrogant.»

L'antistar en lui n'est jamais bien loin.

Paquet, StéphaneAttendre la récession de pied fermeLa récession américaine - réelle ou appréhendée- fait-elle peur à Michael Roach? Si oui, il le cache bien. Il parle plutôt d'«opportunités».

Il reprend le calepin et dessine un graphique bien sommaire représentant les activités d'une entreprise.

«Avant, le back room (secteur de soutien) était petit, dit-il. Mais il a pris de l'expansion. En période de récession, les dirigeants s'assoient et retracent la frontière entre le back room et le front room (les activités principales de la compagnie). Ils mettent l'accent sur le front room. La mondialisation les force aussi à faire ça. Les activités de soutien de cette compagnie, c'est l'activité principale de CGI.»

Idem pour les gouvernements, dit-il, qui se concentrent de plus en plus sur leurs activités premières.

Doubler de taille d'ici trois à cinq ans

Donc, récession ou pas, il garde en tête son objectif de doubler la taille de CGI d'ici trois à cinq ans.

«Ce n'est pas un objectif qu'on a eu en se levant un matin. Ce sont nos clients qui nous disent qu'ils prennent de l'expansion sur la scène mondiale et qu'ils veulent avoir un partenaire dans les T.I. qui sera capable de les suivre.»

Actuellement, 59% des revenus de l'entreprise viennent du Canada contre 41% de l'étranger. Un pourcentage qui sera inversé si le plan fonctionne comme prévu.

La prochaine acquisition se fera donc à l'étranger, aux États-Unis... ou en Europe de l'Ouest, tient à préciser le grand patron.

Retour au triangle des trois partenaires, dont il est si fier.

«Un client veut être associé à une compagnie qui grandit. L'employé veut aussi travailler pour une entreprise qui grandit. Et l'actionnaire met son argent dans une entreprise en croissance.»

Bientôt près de chez vous

Au Québec, CGI est présent à Montréal, Québec, Saguenay et l'ouverture d'un autre centre sera annoncée sous peu.

Le modèle de CGI est décentralisé: un centre principal, avec des centres régionaux qui lui sont rattachés. Comme les loyers sont moins chers en région, ça permet de réduire les coûts... et donc le taux de roulement, puisque les employés sont moins sollicités dans une petite ville de Caroline-du-Sud que dans un grand centre comme Chicago.

Pas n'importe où, par contre. Ça prend des gens qualifiés. «Si tu ouvres dans un endroit et que tu ne peux pas trouver les bons employés, c'est comme se rendre à Sudbury pour réaliser qu'il n'y a plus de nickel!» explique-t-il.

M. Roach se targue d'avoir «une philosophie différente» de celle de ses concurrents, en gardant en Occident la majorité de ses travailleurs.

«Un client ici ne veut pas avoir à chercher qui est responsable de son dossier en Inde. Il veut savoir que quelqu'un à Montréal est responsable, qu'il peut l'appeler et qu'il sera là. Notre modèle, c'est ça.»

CGI compte actuellement quelque 2000 employés en Inde (sur un total de 26 000) et pourrait facilement faire passer ce nombre à 5000. Le nombre exact, explique-t-il, sera décidé selon ce que demanderont les clients.