Avec le dollar canadien à parité, bien des consommateurs traversent la frontière pour saisir les aubaines sur les véhicules ou les appareils électroniques.

Avec le dollar canadien à parité, bien des consommateurs traversent la frontière pour saisir les aubaines sur les véhicules ou les appareils électroniques.

Les investisseurs devraient-ils suivre leurs traces et remplir leur portefeuille d'actions américaines?

«Oui, le niveau de la devise canadienne créé une opportunité pour investir à l'étranger. Il faut en profiter», répond Yves Erard, directeur général de Mirabaud Gestion, une firme de gestion de fortunes privées.

Peut-être serez-vous sceptiques si vous avez mis le cap sur les États-Unis, il y a déjà quelques années. Le huard a décollé de 65 ¢ à 1 $US, de 2002 à aujourd'hui, effaçant presque tout le rendement des Canadiens aux États-Unis.

La Bourse américaine (S&P500) a grimpé de 75 %. Mais son gain en dollars canadiens n'a été que de 11 %. Aurait mieux valu rester au Canada !

Mais il faut maintenant regarder en avant. «Il y a peu de chances que le dollar canadien bénéficie de conditions aussi favorables. Je doute qu'il monte encore de 10 ¢», dit Vincent Delisle, stratège pour la firme de courtage Scotia Capitaux.

Le dollar canadien suit de très près l'évolution du prix des ressources naturelles, et surtout du pétrole, qui a quadruplé depuis 2002.

Or, la demande pour les ressources se calmera si le ralentissement appréhendé de l'économie mondiale se concrétise.

À l'inverse, il ne faut pas investir aux États-Unis en espérant que le dollar canadien replonge à 65 ¢US, dit Rolf Spielmann, premier vice-président de Blue Bridge, une firme d'évaluation de gestionnaires.

Une fois l'euphorie de la parité dissipée, le huard pourrait frapper une poche d'air et baisser de 5 à 10 %, estime-t-il. Ce n'est donc pas un mauvais moment pour acheter de la devise américaine...

Mais pas au point d'accumuler des billets verts ou des Bons du Trésor américains, dans le seul but de profiter de la fluctuation des devises.

«Les taux de change pour les particuliers sont effrayants. Ils grugeraient tout le gain potentiel», explique M. Spielmann.

Reste que la parité est une occasion en or d'augmenter la pondération de son portefeuille en actions américaines, estime M. Delisle.

«Le Canada représente moins de 5 % de la valeur boursière mondiale. Quand on cherche le meilleur titre au monde, on le trouve parfois au Canada. Mais il faut regarder ailleurs», dit Georges Paulez, directeur général de Mirabaud Canada.

Les trois quarts de la Bourse canadienne reposent sur trois secteurs: les services financiers occupent 30 %, l'énergie, 26 % et les matériaux, 17 %. Dans d'autres secteurs, tels les soins de santé, la consommation et la technologie, le spectre d'investissement est très limité.

Alors pourquoi ne pas sauter sur l'occasion pour combler les vides de notre marché local, en achetant des titres américains? demande M. Delisle. Surtout que les actions y sont abordables...

Comment la Bourse américaine peut-elle être bon marché, alors qu'elle ne fait que monter depuis quatre ans?

Les profits des entreprises ont grimpé encore plus vite, rétorque M. Delisle. Et c'est la relation entre le cours des actions et les bénéfices par action des entreprises (le fameux ratio cours-bénéfices) qui détermine si les titres sont chers.

Présentement, le ratio pour les 500 plus grandes sociétés américaines se situe à 14,9 fois les bénéfices prévus en 2008, ce qui est inférieur à la moyenne des 20 dernières années, et ce qui est aussi inférieur au Canada.

«Présentement, le Canada se transige à une prime de 8 % par rapport aux États-Unis, alors qu'historiquement, il est à escompte de 7 %», pointe M. Delisle.

Cela était probablement mérité, compte tenu de la demande pour les ressources naturelles qui a propulsé la Bourse canadienne.

Mais dans un contexte de ralentissement économique, le climat sera moins favorables aux titres cycliques (exemple : énergie, matériaux) et plus favorables aux grandes entreprises solides.

Avec la faiblesse généralisée du dollar américain, les multinationales américaines qui exportent beaucoup à l'étranger seront favorisées.

Pourtant, les titres des grandes sociétés américaines sont à leur plus bas niveau des 12 dernières années par rapport aux petites entreprises, indique M. Delisle.

Normalement, les actions des entreprises de qualité se transigent à prime, explique François Rochon, gestionnaire de portefeuille et président de Giverny Capital.

Mais ces dernières années, les sociétés bien gérées n'ont pas été récompensées à leur juste valeur. Les investisseurs n'avaient d'yeux que pour les producteurs de ressources naturelles et les canards boiteux susceptibles de se faire racheter à forte prime par un fonds d'investissement privé, ajoute M. Rochon.

Baignant dans l'excès de liquidité, les investisseurs plus complaisants préféraient des placements plus risqués, comme les actions de petites entreprises. Mais avec la crise du crédit, ce sont les petites sociétés qui seront les plus pénalisées, car elles n'ont pas une cote aussi élevée que les multinationales.

«Aujourd'hui, les PME paient plus cher pour emprunter», note M. Érard. Cela a un effet sur leur croissance.