Les automobilistes excédés de l'essence à 1,50$ le litre devront prendre leur mal en patience. Pas seulement le temps de leurs vacances estivales, mais bien pendant quelques années.

Les automobilistes excédés de l'essence à 1,50$ le litre devront prendre leur mal en patience. Pas seulement le temps de leurs vacances estivales, mais bien pendant quelques années.

Hier, à l'occasion du 19e Congrès mondial du pétrole à Madrid, l'Agence internationale de l'énergie a lancé un avertissement aux automobilistes du monde entier: ne comptez pas trop sur une baisse drastique du prix de l'essence au cours des cinq prochaines années. Attendez-vous plutôt au scénario contraire.

Selon les données de l'Agence, le prix de l'essence devrait baisser légèrement en 2009 et 2010 avant de continuer son ascension jusqu'en 2013. «Nous ne faisons pas de prévisions sur le prix de l'essence, mais c'est le scénario que nous indiquent nos données économiques», dit David Fyfe, analyste à l'Agence, en entrevue téléphonique avec La Presse Affaires depuis le siège social de l'organisme à Paris.

L'Agence est convaincue que les hausses du prix du pétrole observées partout dans le monde occidental depuis le début de l'année sont causées par la loi de l'offre et la demande. Une loi qui ne jouera pas en faveur des automobilistes canadiens au cours des prochaines années, alors que la demande mondiale pour l'or noir sera à la hausse et la capacité de production à la baisse.

«Actuellement, les pays pourraient produire 2,5 millions de barils de plus par jour, dit David Fyfe. Nous pensons que l'OPEP pourrait produire 4 millions de barils supplémentaires par jour d'ici un an ou deux, mais cette proportion de barils en réserve reste tout de même très faible au plan historique.»

Pour expliquer la stagnation de la production, David Fyfe montre du doigt la gestion des pétrolières, qui ont très peu investi dans leurs infrastructures au cours de la dernière décennie.

«Il y a de plus en plus de trous dans le système de production, dit l'analyste de l'Agence. Les pétrolières manquent d'efficacité en matière de raffinage. Les gens ne réalisent pas qu'il en coûte de plus en plus cher de produire du pétrole. Les pétrolières ne peuvent pas trouver assez d'ingénieurs, de géologues, d'entrepreneurs pour réaliser tous leurs projets. Elles ont de la difficulté à répondre à la demande même si le prix du pétrole est très élevé présentement.»

Par surcroît, les projets de modernisation des infrastructures pétrolières ne se déroulent pas exactement comme prévu. «Il y a 250 projets de développement pétroliers dans le monde présentement, mais ils prennent du retard et ils coûtent plus cher, dit David Fyfe. Certains projets ont même vu leurs coûts doubler depuis l'annonce du début des travaux.»

Hausse de la demande

Selon l'Agence, la hausse du prix de l'essence aura au moins une conséquence positive: les automobilistes nord-américains et européens diminueront légèrement leur consommation d'essence - de 25 à 24,9 millions de barils par jour en Amérique du Nord et de 15,3 à 15,2 millions de barils par jour en Europe entre 2008 et 2013.

Malheureusement, chaque baril de pétrole économisé en Amérique du Nord ou en Europe prendra le chemin de la Chine, de l'Inde ou d'un autre pays émergent, qui verront leur consommation d'essence passer de 38,2 à 45,8 millions de baril par jour sur cinq ans.

«Comme l'essence est subventionnée là-bas, les consommateurs ne changent pas leurs habitudes en raison de la hausse du prix du pétrole», dit David Fyfe. Résultat: les efforts des automobilistes occidentaux ne se traduiront pas par une baisse du prix de l'essence.

D'autres facteurs pourraient influencer le prix de l'or noir, notamment les tensions géopolitiques au Moyen-Orient. Le scénario le plus redouté par les marchés financiers: une attaque d'Israël contre l'Iran, qui bloquerait ensuite le détroit d'Ormuz, point de passage de 40% des exportations mondiales de pétrole brut. Les États-Unis ont déjà indiqué qu'ils ne toléreraient pareille réplique de la part de l'Iran.

Hier, le baril de pétrole a clôturé en hausse de 97 cents US à 140,97$US à New York et en hausse de 84 cents à 140,67$US à Londres. Il s'agit de deux records de clôture.