En 1977, Brigitte Bardot voit rouge. L'actrice française débarque sur la banquise canadienne et fait la leçon à l'administration de Pierre-Elliott Trudeau, alors premier ministre, en dénonçant les «massacres des phoques».

En 1977, Brigitte Bardot voit rouge. L'actrice française débarque sur la banquise canadienne et fait la leçon à l'administration de Pierre-Elliott Trudeau, alors premier ministre, en dénonçant les «massacres des phoques».

L'affaire fait grand bruit, les médias du monde entier en parlent. Le Canada qui a une bonne image à l'international devient délinquant pour les défenseurs des animaux. Le portrait est dévastateur pour la fourrure: le sang versé sur la neige immaculée, le visage poupin des blanchons, autant de symboles qui feront mal à ce marché.

Encore aujourd'hui, la fourrure ne fait pas l'unanimité, loin de là. Sur le site Internet de la Fondation Brigitte Bardot, plusieurs reproches sont adressés au gouvernement canadien, photos à l'appui. On vise également d'autres pays comme la Russie qui utilise selon eux, des méthodes barbares pour tuer les phoques.

Cette semaine, des militants de People for Ethical Treatment of Animals (PETA) ont manifesté à Paris pendant l'inauguration de la boutique parisienne de la griffe italienne Fendi, dont le directeur artistique est Karl Lagerfeld. Le dossier n'est pas réglé à l'évidence.

Pour les fourreurs canadiens, l'effet «Bardot» a été manifeste quoique difficile à quantifier.

«On sait que cela a eu un impact, mais on ne peut pas le chiffrer car l'avènement de l'anti-fourrure est arrivé en même temps que les récessions», affirme Betty Balaila de Fourrures Zuki, un des principaux ateliers de fourrure au Canada.

Ce qu'on sait toutefois, c'est qu'au détour des années 70 et 80, cette industrie se portait bien. Il y avait alors environ 3000 travailleurs de la fourrure à Montréal. Tout ça avant qu'une purge symbolique largue les 2/3 des employés concentrés sur rue Saint-Alexandre.

Depuis, les fourreurs se sont dispersés, certains ont maintenant pignon sur rue Chabanel, mais l'industrie a perdu des plumes.

«Nous ne sommes pas aussi grands que nous étions», concède Alan Herscovici, directeur du Conseil canadien de la fourrure.

Toutefois, selon lui, Montréal demeure le centre d'importance de ce secteur en Amérique du Nord.

Même son de cloche pour François Bousquet, directeur de l'école internationale de mode du Collège Lasalle. Les interventions de Brigitte Bardot ont causé un tort à l'industrie sans toutefois l'anéantir.

«Elle a affaibli le secteur, mais les fourreurs se sont relevés. Ils se sont restructurés. Ils ont changé les perceptions entourant l'industrie», souligne-t-il.

Selon lui, le textile maudit est revenu à la mode après des années de vaches maigres. Les grands couturiers l'utilise. Son retour est manifeste sur les passerelles. L'industrie jubile pour l'instant.

«Brigitte Bardot appartient au passé. Aujourd'hui c'est Jennifer Lopez, et Lopez, elle, porte des fourrures!», dit un entrepreneur grec dans un blogue sur Internet.

Chez Fourrures Zuki, on a confectionné le manteau de noce de Céline Dion, des vêtements pour Stevie Nicks - ancienne leader de Fleetwood Mac - et pour Steven Tyler, chanteur du populaire groupe Aerosmith.

C'est donc la revanche des fourreurs. D'une industrie jugée «quétaine» par certains et irresponsable du point de vue écologique, les artisans ont développé un argumentaire et ont répondu à leurs détracteurs.

«La fourrure est verte. C'est un produit naturel qui dure très longtemps. C'est bien mieux que les manteaux en nylon, car on les change plus souvent. Ça c'est du cheap fashion», clame Alan Herscovici.

«Nous sommes une industrie bien réglementée, il n'y a aucune utilisation des espèces menacées et l'utilisation de la fourrure est durable», poursuit-il.

Reste à connaître maintenant le tort qu'un ralentissement économique pourrait avoir sur le milieu de la fourrure, une industrie de luxe qui pourrait ballotter au vent avec une récession américaine. Un impact qui serait probablement plus important que dix Brigitte Bardot sur la banquise canadienne.

À lire aussi:

Grandeurs et misères de la fourrure canadienne