Les manufacturiers québécois et ontariens devront éliminer encore 350 000 emplois environ d'ici quatre ans pour rivaliser avec leurs concurrents occidentaux contre la montée asiatique.

Les manufacturiers québécois et ontariens devront éliminer encore 350 000 emplois environ d'ici quatre ans pour rivaliser avec leurs concurrents occidentaux contre la montée asiatique.

Aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, la part de l'emploi en usine dans l'ensemble du marché du travail est passée de 14% à 16% au début des années 90 à environ 10% en 2007.

Elle se situe encore à 14% en Ontario et au Québec, signale Derek Burleton, directeur des études économiques chez Banque TD Groupe financier.

«Pour que la proportion soit ramenée au même niveau dans ces provinces, l'Ontario et le Québec devront perdre encore 250 000 et 100 000 emplois manufacturiers.»

Depuis 2002, l'Ontario a perdu 180 000 emplois en usine et le Québec, 140 000. Toutes proportions gardées, c'est un emploi sur six dans la province voisine et un sur cinq dans la société distincte.

Dans son rapport spécial publié hier, l'économiste fait ressortir que la poussée du huard a le dos large dans les difficultés du secteur de la fabrication canadien.

Depuis 2000, l'emploi manufacturier a reculé en moyenne annuelle de 3,5% au Royaume-Uni, de 2,8% aux États-Unis, mais de tout juste 2% au Québec et moins encore en Ontario.

Pourtant, la Grande-Bretagne a souffert de l'appréciation de la livre comme le Canada de celle de son huard alors que les fabricants américains ont choisi aussi de supprimer des emplois, malgré la dépréciation du billet vert.

En fait, si notre monnaie a quelque chose à voir avec les maux actuels des exportateurs, c'est la période où elle se dépréciait qu'il faut montrer du doigt.

Les manufacturiers ont profité de l'ouverture du marché américain créée par l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange.

Dans la seconde moitié des années 90, ils ont pu tirer partie de la reprise du marché immobilier.

«Mais par-dessus tout, le déclin du dollar canadien, non seulement contre le billet vert mais aussi face aux autres grandes devises, a servi d'isolant aux nouvelles réalités de la concurrence, du moins temporairement», explique M. Burleton.

Depuis 2003, les fabricants canadiens doivent rattraper le retard qu'ils ont pris, ce qui rend leurs ajustements d'autant plus pénibles.

Dès les années 70, rappelle M. Burleton, l'emploi manufacturier a perdu de son importance relative aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en France.

En Allemagne, il a plafonné au début des années 90 au lendemain de la Réunification.

«Pourtant, dans toutes ces économies, la production manufacturière réelle a non seulement mieux fait que l'emploi en usine, mais elle s'est même étendue, observe l'économiste. Ce qui explique ce paradoxe apparent, ce sont des gains de productivité.»

La productivité mesure la quantité de travail, de capital et d'énergie, exprimée en argent, nécessaire à la production d'un bien donné.

Un gain signifie que la quantité requise diminue. Au bout du compte, les gains de productivité sont garants de l'augmentation du niveau de vie.

Le retard dans la productivité est surtout attribuable au sous-investissement en machinerie et équipement qui a prévalu durant le paradis artificiel qu'a représenté la faiblesse du huard.

À cet égard, les mesures annoncées par les gouvernements fédéral, ontarien et québécois soit pour réduire la taxe sur le capital, soit pour accélérer l'amortissement d'un nouvel investissement, vont dans la bonne voie, mais ne suffiront pas.

L'économiste met en garde les élus contre la tentation de lancer des programmes à court terme, à la fois coûteux et peu efficaces. Il préconise des moyens d'action sur un horizon de trois à cinq ans.

Ces moyens devraient aussi considérer que la plupart des fabricants, dont beaucoup de PME, écoulent le gros de leur production au pays.

«À long terme, les économies du Québec et de l'Ontario dépendront de plus en plus des secteurs non manufacturiers pour les emplois, le revenu et la prospérité», conclut l'économiste.