La devise canadienne pourrait bien poursuivre en 2009 le repli record qu'elle a connu en 2008, alors que la chute des cours du brut compromet les investissements étrangers nécessaires à l'exploitation des gisements pétroliers du pays, estiment plusieurs économistes.

La devise canadienne pourrait bien poursuivre en 2009 le repli record qu'elle a connu en 2008, alors que la chute des cours du brut compromet les investissements étrangers nécessaires à l'exploitation des gisements pétroliers du pays, estiment plusieurs économistes.

Le dollar canadien s'est déprécié de 18% cette année, la récession mondiale ayant eu raison de la demande de matières premières, lesquelles comptent pour la moitié des exportations du pays. Le compte courant du Canada, actuellement excédentaire, sera déficitaire en 2009, estime Scotia Capitaux, filiale de la troisième plus importante banque canadienne.

"Tout fléchissement de l'investissement étranger direct a un effet négatif sur le dollar canadien", explique Eric Lascelles, stratège économique en chef chez Valeurs mobilières TD, filiale de la deuxième plus grande banque canadienne. "Si on investit moins dans les sables bitumineux, la production et les exportations de pétrole finiront par chuter", dit-il en faisant allusion aux plus importantes réserves pétrolières du monde après celles de l'Arabie saoudite.

Selon l'estimation médiane de 42 analystes et économistes sondés par Bloomberg, la dévaluation du huard pourrait le porter à 1,28$ pour 1$US (78 cents US) d'ici la fin du premier trimestre; hier, il s'échangeait à 1,221$ contre 1$US (81,90 cents US). Il pourrait terminer 2009 à 1,24$ pour 1$US, estiment les experts consultés.

La société allemande Deutsche Bank, premier cambiste mondial, prédit que le dollar canadien atteindra 1,30$ pour 1$US (76,92 cents US) d'ici la fin de 2009, alors que sa principale concurrente, la suisse UBS, croit qu'il se dévaluera jusqu'à 1,33$ pour 1$US (75,18 cents US).

"Il est peu probable que les sociétés étrangères se lancent dans de nouveaux projets à moins que le prix du pétrole ne rebondisse, dit Dustin Reid, directeur des stratégies de change chez RBS Global Banking&Markets, à Chicago. À long terme, ce n'est vraiment pas de bon augure pour le dollar canadien."

La néerlandaise Royal Dutch Shell et StatoilHydro, première société pétrolière en Norvège, sont au nombre des entreprises ayant reporté ou annulé cette année au moins 14 projets d'exploitation des sables bitumineux en Alberta. Le pétrole a perdu plus de 100$US le baril depuis juillet pour sombrer à 32,40$US, soit moins de la moitié du seuil de rentabilité de l'exploitation des sables bitumineux, selon les estimations de l'Association canadienne des producteurs de pétrole.

Pétrole-huard

Chaque recul de 1$US du prix du baril de pétrole fait reculer de 0,3% le dollar canadien face à la devise américaine, selon une analyse publiée ce mois-ci par Valeurs mobilières TD. Le brut est le plus important composant de l'Indice des prix des produits de base de la Banque du Canada, puisqu'il compte pour 21% de sa valeur.

L'Agence internationale de l'énergie a indiqué au cours du mois que la demande mondiale en pétrole s'était contractée en 2008 pour la première fois depuis 1983; l'agence a revu à la baisse ses prévisions pour 2009.

Le déclin du huard cette année est survenu après que le devise eut atteint la parité avec le billet vert américain en septembre 2007. Pendant les cinq années précédentes, il avait fait un gain de 60%, porté par la hausse des cours des produits de base. L'investissement étranger dans le secteur énergétique canadien a bondi de près de 50% au cours de cette période pour atteindre les 86,7 milliards$, selon Statistique Canada.

Le gros de ces investissements était dirigé vers les sables bitumineux albertains où les réserves établies s'élèvent à 175 millions de barils de pétrole, selon l'Agence de conservation des ressources énergétiques de l'Alberta.

L'exploitation des sables bitumineux sera rentable lorsque le prix du brut atteindra les 95$US à 100$US le baril au cours des prochaines décennies, dit Ryan Todd, analyste chez Deutsche Bank à New York.