Longs trajets, solitude, famille qui s'ennuie: il faut être fait fort pour travailler loin de la maison.

Longs trajets, solitude, famille qui s'ennuie: il faut être fait fort pour travailler loin de la maison.

Que l'on soit PDG ou camionneur, on doit développer des stratégies pour concilier sa vie privée et un travail qui demande de s'absenter régulièrement.

Earle G. Hall est président et chef de la direction de DEQ Systèmes, qui fabrique des modules électroniques pour les casinos. Une semaine sur deux, il est aux quatre coins de la planète, de Las Vegas à Macao. L'impact sur sa vie privée?

«Je dirais que c'est une raison pour lesquelles je suis divorcé. J'ai la garde partagée de mon fils de 9 ans une semaine sur deux, quand je suis ici. Ma vie est maintenant organisée selon ma vie professionnelle.»

Pour concilier travail et vie familiale, le PDG doit faire preuve d'une discipline incroyable. «Quand je suis à Québec, il y a une semaine à rattraper dans la routine: entretien de la maison, devoirs et compagnie.»

Quand on voyage, la routine est bousculée, explique-t-il. «On est constamment dans un environnement différent. De retour à la maison, on est décalé mentalement.»

Le plus gros défi est de faire en sorte que l'enfant ne subisse pas ce décalage, dit-il. «S'il se lève le matin pour aller à l'école, il ne doit pas être pénalisé parce que je suis descendu d'avion la veille à minuit.»

Selon lui, les parents qui s'absentent souvent doivent éviter le piège de ramener des cadeaux pour se déculpabiliser. «On programme l'enfant avec un rachat d'amour, c'est très mauvais», dit-il.

Manon Poitras est représentante pharmaceutique chez Novartis. Son territoire s'étend de Charlevoix à Portneuf, en passant par le Saguenay. Elle a la garde de son garçon de 13 ans une semaine sur deux. Compliqué?

Très faisable, répond-elle. Être très organisé, c'est la clé quand on travaille sur la route, croit celle qui parcourt 52 000 kilomètres par an en voiture et qui trouve quand même le temps de s'entraîner quatre fois par semaine.

«J'ai réussi à concilier le travail et ma vie personnelle en organisant ma vie, dit-elle. Il faut établir des priorités et les inclure dans son horaire.»

Ainsi, pendant les semaines où elle n'a pas la garde de son fils, la jeune femme s'arrange pour accomplir un maximum de tâches. «Si je dois dormir à l'hôtel, je travaille le soir dans ma chambre sur mon portable.»

Collaboration des proches

La collaboration des proches est aussi essentielle. Quand Manon Poitras revient tard de sa tournée de clients, ce sont ses parents qui amènent son fils au hockey.

En plus d'un sens de l'organisation hors pair, travailler loin de chez soi demande beaucoup de flexibilité et d'adaptation.

Véronique Bergeron en sait quelque chose, elle qui est agent de bord depuis neuf ans.

Son horaire de travail change à chaque mois et elle a voyagé dans plus de 13 pays depuis ses débuts. Il lui a fallu apprendre à s'adapter aux différentes cultures et à accepter les imprévus.

«Je ne sais jamais à l'avance si je serai chez moi. Je ne peux rien prévoir plus que quelques semaines à l'avance», dit-elle. Cela rend complexe l'organisation de soupers, fêtes de famille et rendez-vous chez le médecin. Le plus difficile reste de ne pas voir les gens qu'on aime quand on veut, selon elle.

À moins de travailler avec eux, comme Sandra Doyon. La camionneuse roule 300 000 km et se retrouve à l'extérieur environ 210 jours par an. Heureusement, elle travaille en équipe avec son conjoint, aussi camionneur.

Pour rester en contact avec son réseau social, elle utilise l'internet. L'achat d'un ordinateur portable, il y a quatre ans, a changé sa vie, explique la jeune femme.

«Maintenant, tous les truck stop ont l'internet sans fil et la majorité des camionneurs ont un portable. Je peux communiquer avec mes amis sur Facebook et leur faire savoir quand je serai en ville pour planifier des activités.»

Selon elle, rare sont les camionneurs dont la vie de couple résiste au temps. Bien des épouses se lassent d'attendre seules à la maison.

«Le taux de divorce est assez élevé. Ceux qui travaillent en équipe se séparent quand même, car c'est trop difficile. Quand il y a une friction, tu ne peux pas te sauver!»

Pour Roger Saint-Hilaire, conférencier et instructeur de vente, l'autonomie est la clé pour être heureux dans un métier qui appelle à voyager. Il faut aussi en voir les côtés positifs.

«Quand on revient à la maison, on a toujours quelque chose de nouveau à raconter. Les gens qui ont eu l'occasion de voyager ont plus de maturité et une plus grande ouverture d'esprit.»