Un administrateur indépendant, c'est bien, mais un administrateur légitime et crédible, c'est encore mieux, selon l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, dans une prise de position qui marque un virage important en matière de gouvernance.

Un administrateur indépendant, c'est bien, mais un administrateur légitime et crédible, c'est encore mieux, selon l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques, dans une prise de position qui marque un virage important en matière de gouvernance.

Les actionnaires importants d'une entreprise, comme la famille Beaudoin de Bombardier, sont des membres du conseil tout à fait légitimes et devraient être reconnus comme tels, estime le signataire du document de 22 pages rendu public hier, Yvan Allaire.

L'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques s'attaque ainsi à une vache sacrée, l'indépendance des administrateurs, qui est devenue la règle à suivre pour les entreprises soucieuses de bonne gouvernance.

Or, selon Yvan Allaire, aucune étude n'a jamais démontré que l'indépendance du conseil d'administration améliore le rendement de l'entreprise. Au contraire, l'expérience indique que les entreprises qui ont un actionnaire important sont souvent mieux gérées.

En matière de gouvernance, le Canada a suivi de trop près les règles américaines, faites pour les entreprises qui n'ont pas d'actionnaires de contrôle, a constaté l'Institut.

Au Canada, toutefois, 53% des firmes du principal indice de la Bourse de Toronto, le S&P/TSX, ont un actionnaire qui détient le contrôle sur 10% ou plus des votes.

Les chefs d'entreprise qui détiennent des actions avec droits de vote multiples sont aussi plus nombreux au Canada, et notamment au Québec où les Bombardier, Transcontinental et Power Corporation y ont recours.

Selon Yvan Allaire, ce n'est pas une raison pour écarter ces dirigeants des conseils d'administration de leurs entreprises, parce que quand le capitaine est aussi le propriétaire du bateau, l'embarcation a plus de chances de se rendre à bon port.

«D'un point de vue historique, il paraîtra curieux que, durant une certaine période de temps, les actionnaires importants, parce que considérés comme non indépendants, aient perdu la légitimité leur permettant de veiller aux affaires des entreprises dans lesquelles ils ont investi tant d'argent, de temps et d'énergie», écrit-il.

Selon lui, «les actionnaires importants qui jouent un rôle actif dans la gestion et la gouvernance de l'entreprise sont des membres du conseil tout à fait légitimes et devraient être reconnus comme tels».

La participation de ces actionnaires de contrôle au conseil et aux comités du conseil devrait être proportionnelle au pourcentage de l'avoir des actionnaires qu'ils détiennent.

Le conseil devrait aussi compter suffisamment de membres indépendants de la direction et des actionnaires importants. "Jamais moins du tiers", estime Yvan Allaire

Celui qui s'est fait le champion des droits des petits actionnaires, Yves Michaud, a aimé ce qu'il a vu dans le document. Il peut être difficile de définir si un administrateur est "légitime" et "crédible", a-t-il noté, mais "ce sont de beaux mots".

«L'idée est bonne, il va falloir creuser ça», a-t-il commenté.

La prise de position de l'Institut sut la gouvernance d'organisations privées et publiques sera sans doute amplement discutée à la conférence organisée par l'Institut des administrateurs de sociétés qui se tient aujourd'hui et demain à Montréal.

Intitulée "Gouvernance et marchés financiers en Amérique du Nord", la conférence accueille une foule de spécialistes et de praticiens de la gouvernance, dont Sherron Watkins, ancienne vice-présidente d'Enron qui a joué un rôle dans la dénonciation des pratiques comptables de l'entreprise.