À 19 ans, Sébastien travaillait comme forestier pour une entreprise de déboisement.

À 19 ans, Sébastien travaillait comme forestier pour une entreprise de déboisement.

Il avait déjà abattu plusieurs arbres cette journée-là, lorsqu'il décide de s'attaquer à un épinette de plusieurs mètres. Sébastien est seul pour faire le travail d'abattage. Son collègue, qui conduit le porteur forestier, vient de sortir pour aller porter une série d'arbres abattus plus tôt.

Avec sa scie mécanique, Sébastien entame le tronc de l'épinette, mais l'arbre refuse de tomber. Malgré les poussées répétées, rien à faire! Pour gagner du temps, il décide d'ébrancher les arbres déjà tombés au sol. Au même moment, le vent souffle et l'arbre qui avait refusé de tomber s'abat sur le jeune travailleur.

«Lorsque j'ai repris conscience, j'étais couché sur le dos, l'arbre m'écrasait la poitrine et je ne sentais plus mes jambes», raconte-t-il.

Transporté de toute urgence vers l'hôpital, Sébastien est dans un mauvais état: poumons perforés, cage thoracique écrasée, colonne fracturée. Il subit une série d'opérations qui vont lui sauver la vie. Le lendemain, «un médecin est venu me voir pour me dire que je ne marcherais plus jamais».

Lors de son accident, Sébastien en était seulement à sa troisième journée de travail.

Au Québec, au cours des 10 dernières années, une moyenne de 24 000 accidents impliquant des jeunes travailleurs âgés de 15 à 24 ans ont été signalés annuellement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).

Mais selon des données recueillies par l'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), il pourrait y en avoir deux ou trois fois plus. En fait, la majorité des jeunes omettraient de déclarer les accidents dont ils sont victimes considérant que la gravité des lésions qu'ils ont subies ne le justifie pas.

«La proportion d'accident chez les jeunes travailleurs est énorme», dit Pierre Privé, ancien inspecteur et aujourd'hui spécialiste en prévention des lésions professionnelles chez les jeunes. Les travailleurs de moins de 25 ans comptent pour environ 10% de la population active québécoise, mais ils sont impliqués dans 16% de tous les accidents déclarés à la CSST.

Les jeunes travailleurs sont donc une fois et demie plus à risque d'être impliqués dans un accident de travail que leurs aînés.

La formation déficiente

«Les jeunes ne sont pas nécessairement moins conscients, mais leur manque d'expérience et le peu de formation qu'ils reçoivent lors de leur arrivée dans un nouveau travail jouent contre eux», souligne Pierre Privé. Les statistiques montrent que la moitié des accidents chez les jeunes surviennent durant les six premiers mois d'un nouvel emploi.

«De façon générale, les employeurs ne donnent pas de formation à leurs travailleurs ou très peu, et quand on parle de santé et sécurité, c'est encore pire, explique M. Privé. Les jeunes reçoivent une journée d'accueil, suivie d'une visite de l'entreprise, puis très rapidement, on va les lancer dans leur travail.»

Selon une enquête menée en 2003, trois jeunes sur quatre disaient ne pas avoir reçu de formation en santé et sécurité après avoir terminé une semaine de travail.

Le cas de Sébastien est un exemple typique. Avant son accident, il n'avait reçu qu'une journée de formation en compagnie d'un travailleur plus expérimenté. On lui avait ensuite dit qu'il pouvait travailler seul. Il se disait confiant. Mais il dit aussi avoir manqué de jugement dû à son inexpérience. «Si j'avais attendu le retour du porteur forestier, on aurait fait tomber l'arbre et tout ça ne me serait jamais arrivé», confie-t-il.

Trop souvent, les employeurs vont limiter la formation de leurs jeunes travailleurs à un simple parrainage.

«C'est une façon de faire qui n'est pas mauvaise, mais faut-il encore que le travailleur avec qui le jeune est jumelé ait de bonnes méthodes de travail, dit Pierre Privé. Souvent, on leur montre les aspects généraux de leur travail, mais on oublie de leur expliquer quoi faire quand une situation exceptionnelle survient. Par exemple, quoi faire quand la machine se brise ou qu'une pièce se coince.»

«Les jeunes veulent montrer rapidement qu'ils sont capables de faire le travail et hésitent à poser des questions, poursuit-il. Ils vont se placer dans des situations dangereuses en essayant de faire les choses par eux-mêmes.» La supervision qu'ils vont recevoir dans les premiers mois, va donc être déterminante dans la prévention des accidents.

RÉPARTITION DES JEUNES ACCIDENTÉS SELON LES PRINCIPAUX SECTEURS D'ACTIVITÉ 2006<

b>Commerce

4389 accidentés

24,3%

Restauration, hébergement et services pers.

3178 accidentés

17,6%

Services médicaux et sociaux

1352 accidentés

7,5%

Construction et travaux publics

1154 accidentés

6,4%

Industrie des aliments (abattage, boulangerie)

1131 accidentés

6,3%

Fabrication de produits de métal

848 accidentés

4,7%

Industrie du bois (sans scierie)

697 accidentés

3,9%

Transport et entreposage

590 accidentés

3,3%

Industrie du caoutchouc et du plastique

497 accidentés

2,8%

Administration publique

465 accidentés

2,6%

Fabrication d'équipement de transport

391 accidentés

2,2%

RÉPARTITION DES JEUNES ACCIDENTÉS SELON LE TYPE D'ACCIDENT 2006Heurté ou percuté par un objet 22,1 %

Effort excessif 16,1 %

Réaction du corps 12,6 %

Chute 9,1 %

Coincé ou écrasé par un objet 7,0 %

Frottement ou abrasion par friction ou pression 4,8 %

Autres 28,3%

Source: CSST