Fusions-acquisitions: les industriels au lieu des fonds privés
L'offre publique d'achat de TransAlta (T.TA) annoncée hier illustre à merveille la mutation en train de s'exercer en Occident dans les activités de fusions et acquisitions (F&A). Les acheteurs stratégiques - les grands groupes industriels surtout - remplacent les fonds privés.
Rudy Le Cours
L'offre publique d'achat de TransAlta [[|ticker sym='T.TA'|]] annoncée hier illustre à merveille la mutation en train de s'exercer en Occident dans les activités de fusions et acquisitions (F&A). Les acheteurs stratégiques - les grands groupes industriels surtout - remplacent les fonds privés.
Avant l'assèchement des liquidités, causé par la crise du crédit, les fonds privés avaient la partie belle. Ils s'emparaient de très grandes entreprises par endettement dans le but d'en fermer le capital.
La dernière avant longtemps de ces très grosses sorties de Bourse concoctées par des fonds privés sera peut-être celle de BCE
Pour eux, l'heure est plutôt à la consolidation de leurs proies, comme s'apprête à le faire Teachers. On verra dans les prochains mois combien d'emplois coûtera l'aventure de Teachers dans la téléphonie.
Pour financer la plus grosse sortie de Bourse de l'histoire canadienne, la caisse de retraite ontarienne s'est déjà départie de sa participation majoritaire de 867 millions dans la fiducie de revenus Royal Utilities. Sherrit International, une minière cotée à Toronto, détient désormais la quasi-totalité de l'exploitant de charbon.
Les coûts d'emprunts plus élevés ralentissent considérablement l'activité des fonds privés.
Un vide
Le vide qu'ils laissent est de plus en plus occupé par des acheteurs stratégiques. On entend par là des exploitants qui veulent grossir plutôt que des groupes financiers guidés avant tout par des impératifs de rendement.
L'OPA de TransAlta est la parfaite illustration de la transition vécue par l'industrie. Le consortium des prédateurs appartient à l'ancien et au nouveau testaments, en matière de F&A. LS Power Equity Partners, est un constructeur et exploitant américain de centrales, déjà actionnaire de TransAlta. Global Infrastructure Partners, son partenaire pour cette OPA, est un fonds privé spécialisé dans les aéroports, l'énergie et les eaux usées.
Ce type de transaction se voit de plus en plus ces jours-ci. La pharmaceutique européenne Roche vient d'annoncer une OPA de 43,7 milliards pour acheter l'américaine Genentech, un de ses fournisseurs.
Avec la force de l'euro, les Européens ont d'ailleurs la partie belle. En d'autres temps, jamais la brasserie InBev n'aurait pu allonger 46,35 milliards pour avaler Anheuser-Busch [[|ticker sym='BUD'|]]. Et si elle l'avait pu, peut-être y aurait-il eu des appels au protectionnisme. Après tout, la Budweiser paraît à plusieurs comme un symbole de la gastronomie américaine même si les Tchèques disputent l'appartenance de la marque de commerce.
Selon la firme internationale Mergermarket, basée à Londres, la mise aux enchères de la division d'électroménagers de General Electric [[|ticker sym='GE'|]] illustre à merveille la mutation en cours. Il y a un an, pareille offre aurait suscité des propositions de fonds privés. Pourtant, les offres sont venues de grands groupes manufacturiers, étrangers de surcroît.
Depuis le début de l'année, le nombre et la valeur des F&A diminuent, tant aux États-Unis qu'au Canada, surtout à cause du rôle mineur joué cette année par les fonds privés.
À l'échelle planétaire, les données sont un peu faussées par l'annonce de l'OPA de BHP Billiton sur Rio Tinto [[|ticker sym='RTP'|]], une bagatelle de 211 milliards. La transaction se veut stratégique et n'engage pas pour l'instant de gros fonds privés.
Au Canada, la valeur des F&A est en baisse de 67% après six mois par rapport à la première moitié de 2007, année record, faut-il le rappeler. Le nombre de transactions accuse un retard de 24,7%, sur l'an dernier, selon les relevés de Mergermarket. Ceux de la firme torontoise Crosbie&Co, compilés selon une base de données différente, seront dévoilés dans deux semaines.
La transaction la plus importante à ce jour est de nature stratégique. Elle s'apparente plus à un schisme qu'à une fusion. La direction d'EnCana [[|ticker sym='T.ECA'|]] a choisi de scinder ses activités gazières et ses exploitations dans les sables bitumineux albertains et dans le raffinage aux États-Unis. On estime à 21,5 milliards, la valeur de la division de l'entreprise en deux entités cotées en Bourse.
Cette transaction est la cinquième en importance en Amérique du Nord cette année.
La première est curieusement aussi une défusion. Altria Goup [[|ticker sym='MO'|]] a choisi de redonner à ses actionnaires la propriété de sa filiale Philip Morris International. La nouvelle société avait une capitalisation initiale de 106,8 milliards lors de son inscription en Bourse, le 28 mars.
Les autres grosses transactions impliquant des entreprises canadiennes sont beaucoup plus modestes que celle d'Encana (voir tableau), même si, comme l'an dernier, l'activité se concentre toujours dans les secteurs de l'énergie et des matériaux.