Quatre familles prospères de Montréal. Un casino en Grèce. Et un litige de plusieurs millions de dollars. Tels sont les ingrédients d'un procès qui a pris fin, hier, au palais de justice de Montréal.

Quatre familles prospères de Montréal. Un casino en Grèce. Et un litige de plusieurs millions de dollars. Tels sont les ingrédients d'un procès qui a pris fin, hier, au palais de justice de Montréal.

Dans le coin gauche se trouvent Gerald Issenman et Robert Lang, deux promoteurs immobiliers discrets de Montréal. Dans le coin droit, c'est le tandem Thomas Nakos et Socrates Goulakos, qui fait affaire dans la restauration et l'immobilier.

Thomas Nakos est l'ex-copropriétaire de la populaire chaîne Da Giovanni. L'homme de 69 ans possède encore les restos Guido Angelina et Wienstein&Gavinos, notamment, qui font dans la fine cuisine italienne.

Essentiellement, le tandem Issenman-Lang dit avoir investi 2,3 millions de dollars en 1996 et 1997 pour l'acquisition du casino Porto Carras, en Grèce. Cet investissement devait leur donner 23,5% du casino. Le reste devait être détenu par Thomas Nakos (50%) et Socrates Goulakos (26,5%).

Le problème est survenu à la vente du casino, en 2003, pour la fabuleuse somme de 34 millions de dollars. Le clan Issenman-Lang a alors réclamé sa part du butin, soit environ 8 millions, mais Thomas Nakos a refusé. Cette semaine, au cours du procès, Thomas Nakos a affirmé n'avoir jamais eu la preuve que leur argent a bel et bien été investi dans le casino.

Il faut dire qu'à l'origine, l'investissement des quatre partenaires devait être fait par le truchement de Murbec, le holding de Socrates Goulakos. Toutefois, l'agence gouvernementale grecque a refusé, préférant plutôt que l'investissement soit fait directement par des individus.

C'est donc Thomas Nakos et Socrates Goulakos qui ont figuré sur le registre des actionnaires. Cette semaine, Socrates Goulakos a affirmé au tribunal que son investissement incluait celui des Issenman-Lang.

Au tribunal, Thomas Nakos a continué de répéter n'avoir jamais avoir eu la preuve de leur investissement. Après plusieurs questions de l'avocat Nicholas Rodrigo, cependant, il a reconnu leur engagement dans le casino sur la base d'une lettre, où il est brièvement fait mention de leur participation. Il reconnaît avoir signé cette lettre, mais ne l'avait pas lue. Il dit avoir été berné par Socrates Goulakos.

De son côté, M. Goulakos affirme que l'argent a bel et bien été investi, mais aucun document officiel ne le démontre. «Personne ne se souciait de contrats et de noms. La confiance régnait entre chacun», a-t-il dit.

Quoi qu'il en soit, le casino a été officiellement acheté au nom de Thomas Nakos et Socrates Goulakos, en 1996. Le premier détenait 80% de l'affaire et le second 20%.

En fait, Thomas Nakos a reconnu en Cour qu'une entente secrète existait par laquelle l'investissement état de 50-50. Les 30% additionnels qui lui ont été accordés avaient pour but de protéger cet investissement contre «les gens avec qui M. Goulakos avait des problèmes».

Des amendes de 50 millions

En toile de fonds du litige, il a été permis d'apprendre que le casino a eu plusieurs démêlés avec les autorités grecques. À la fin des années 90, des amendes de 50 M$ ont même été imposées par le gouvernement pour non paiement de taxes. Thomas Nakos attribue ces problèmes à Socrates Goulakos, qui était alors directeur général du casino.

À ces embûches se sont ajoutés des problèmes du casino avec le propriétaire de l'hôtel adjacent, qui, à quelques reprises, a bloqué l'accès au site. Ces problèmes ont obligé le casino à fermer ses portes sporadiquement.

Bref, rien n'a été simple dans ce dossier. En 2003, Thomas Nakos a tout de même réussi à vendre le casino pour 34 millions. Mis au fait de cette vente, les Issenman-Lang ont demandé leur part du butin en 2004. Ils réclament d'abord qu'on leur remette les documents financiers du casino faisant état des profits, ce que M. Nakos refuse de faire.

Au cours des prochaines semaines, la juge Chantal Corriveau devra donc trancher: le clan Issenman-Lang peut-il avoir accès aux documents financiers compte tenu de son statut de présumé actionnaire?

Un jugement sévère

Ce n'est pas la première fois que le tandem Nakos-Goulakos se retrouve devant les tribunaux. En juin, l'entreprise de Thomas Nakos a été condamnée à verser 4 millions de dollars à l'entreprise de financement Dorset Trust, d'Israël.

Le juge Jacques Fournier a été très dur à l'endroit de MM. Goulakos et Nakos, qualifiant leurs témoignages de fantaisistes. "Les témoignages de Nakos et Goulakos sont tellement remplis de contradictions et d'illogismes qu'on ne peut pas s'y fier et ils sont une tentative délibérée de tromper la Cour", écrit-il.

Son jugement éclabousse également Dennis Kounadis, alors l'avocat de MM. Nacos et Goulakos. "L'utilisation du compte en fidéicommis d'un avocat (NDLR: Kounadis) pour compliquer les affaires davantage et créer une piste documentée pourrait être une tentative de déformer la réalité, mais il ne dissipera pas l'odeur de fraude", ajoute-t-il.

Hier, nous avons tenté d'avoir des commentaires à ce sujet de Thomas Nakos, mais son avocat, Ross Robbins, de la firme Kounadis Perreault, lui a recommandé de ne pas le faire puisque le dossier a été porté en appel.