Les défis économiques et financiers abondent pour le gouvernement minoritaire du premier ministre conservateur Stephen Harper, au lendemain de sa réélection.

Les défis économiques et financiers abondent pour le gouvernement minoritaire du premier ministre conservateur Stephen Harper, au lendemain de sa réélection.

Mais le plus insidieux pourrait être celui d'un déclin rapide des revenus fiscaux du fédéral, en particulier de l'impôt sur les profits des entreprises. Au point de menacer l'équilibre budgétaire fédéral, au moment où des mesures spéciales pourraient être requises pour stimuler l'économie.

L'impôt sur les profits des entreprises est considéré parmi les revenus les plus vulnérables à la conjoncture économique de tout le budget fédéral.

Il s'élevait à 40,6 milliards ou 20% des revenus fiscaux du gouvernement fédéral, selon ses plus récents états financiers.

Cette somme a presque doublé depuis cinq ans, alors que s'amorçait un important cycle de croissance de l'économie canadienne.

Mais elle avait aussi reculé de 21% en deux ans, de 2000 à 2002, lors du dernier cycle de ralentissement boursier et économique au Canada.

Maintenant, après quelques trimestres record, dans l'énergie et les matières premières surtout, les profits d'entreprises canadiennes amorcent une autre rechute importante.

Cette rechute s'est déjà manifestée à la Bourse de Toronto. Les investisseurs sont frappés d'une dévaluation dramatique des actions d'entreprises dans les secteurs naguère les plus rentables de l'économie canadienne.

«Après la crise du crédit, la récession qui s'amorce risque d'être particulièrement dommageable pour trois secteurs très influents de la bourse canadienne: l'énergie, les matières premières et les entreprises financières», souligne George Vasic, économiste et stratège boursier à Toronto pour le groupe financier européen UBS, dans une récente note à ses clients-investisseurs.

De l'avis d'analystes, la plupart des secteurs d'affaires au Canada ne pourront échapper aux effets de la récession qui débute aux États-Unis et en Europe, et qui ralentira toute l'économie mondiale.

À la Financière Banque Nationale, notamment, on s'attend à une baisse des bénéfices des entreprises d'au moins 8,7% l'an prochain au Canada.

Mais cette rechute serait déjà amorcée pour les derniers mois de 2008, estime Marc Pinsonneault, économiste principal et analyste en finances publiques à la Nationale.

«C'est clair que les bénéfices des entreprises sont en baisse au Canada et, par conséquent, l'impôt qu'en percevra le fédéral lors de la deuxième moitié de son exercice 2008-2009».

Mais peut-on déjà chiffrer ce défi budgétaire pour le gouvernement Harper? Et risque-t-il de provoquer un déficit en cas de mesures ou de dépenses spéciales pour stimuler l'économie?

«Un tel déficit conjoncturel serait acceptable au point de vue économique au Canada. Mais dans un contexte postélectorale, il s'agirait surtout d'une décision politique pour le gouvernement de M. Harper", selon M. Pinsonneault.

Quant à l'impact chiffré, l'économiste préfère s'en tenir pour le moment à la plus récente estimation du ministère fédéral des Finances.

Selon l'énoncé budgétaire de février 2008, une réduction de 1% du taux de croissance de l'économie canadienne provoquerait une réduction de 3,3 milliards du «solde budgétaire» d'Ottawa (les revenus moins les dépenses).

Ce montant correspondait aussi au «surplus budgétaire» anticipé dans le budget fédéral, à quelques centaines de millions près. Or, l'économie canadienne en est justement rendue là en termes de ralentissement: une croissance amputée d'un pour cent par rapport aux prévisions de début d'année.

Les économistes des principales banques prévoient désormais une croissance d'environ 0,7% pour 2008, comparativement à la prévision de 1,7% utilisée dans le budget fédéral de février 2008.

Cette réduction du taux de croissance économique suggère que le budget fédéral serait déjà réduit à l'équilibre, selon Marc Pinsonneault.

Par ailleurs, l'impôt sur les bénéfices des entreprises pesait 40,6 milliards aux derniers états financiers, pour son exercice 2007-2008 terminé le 31 mars.

Mais déjà, ce chiffre publié après le budget de février s'est avéré inférieur de deux milliards aux prévisions contenues dans l'énoncé budgétaire du ministre Flaherty, a constaté La Presse Affaires.

Ce recul pourrait s'accentuer considérablement, si l'on compare ce qui s'est passé lors du dernier gros cycle baissier en Bourse et de l'économie canadienne, de l'année 2000 à 2002.

Durant ces deux années, les revenus fédéraux de l'impôt sur les bénéfices des entreprises s'étaient atrophiés de 21%.

C'était une réduction beaucoup plus prononcée que celle 13% subie par l'ensemble des revenus fiscaux d'Ottawa.

Appliquée sur les récents états financiers du fédéral, une telle baisse de 21% des revenus d'impôt corporatif pourrait représenter un manque à gagner d'au moins huit milliards d'ici deux ans, lors de l'année fiscale 2009-2010.

C'est une période comparable à celle prévue par les économistes pour que l'économie nord-américaine retrouve son élan de croissance.