C'est devenu presque une tradition. Pour la troisième fois d'affilée l'été dernier, l'économie canadienne a déjoué par sa vigueur les prévisions les plus optimistes, mais ses perspectives s'assombrissent.

C'est devenu presque une tradition. Pour la troisième fois d'affilée l'été dernier, l'économie canadienne a déjoué par sa vigueur les prévisions les plus optimistes, mais ses perspectives s'assombrissent.

En progressant de 2,9% sur une base annuelle, au troisième trimestre, elle a facilement battu les attentes de 2,1% des économistes des institutions financières. Elle a aussi éclipsé le scénario d'octobre de 2,5% de la Banque du Canada.

Tout le monde avait le crayon léger en raison des inquiétudes suscitées par la poussée de notre monnaie qui fait reculer les exportations.

La tâche des autorités monétaires sera d'autant plus difficile mardi lorsqu'elles devront fixer le taux directeur puisque Statistique Canada a aussi révisé à la hausse la croissance du deuxième trimestre, la faisant passer de 3,4 à 3,8%.

Bref, fin septembre, l'économie progressait toujours, malgré l'atteinte par notre monnaie de la parité avec le billet vert. Durant le mois, l'expansion a été de 0,1% seulement, soit moitié moins qu'en août.

"L'activité économique a ralenti, mais elle garde un rythme encore très bon", résume Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Les exportations nettes (exportations moins importations) ont amputé 4,8 points de pourcentage à l'expansion, reflétant l'effet ravageur sur nos échanges commerciaux de la trop rapide poussée du huard.

"Le déficit du commerce extérieur se chiffre maintenant à 69,9 milliards de 2002 (constants), soit 21,5 milliards de plus qu'au deuxième trimestre", s'inquiète Benoit P. Durocher, économiste chez Desjardins.

Cela est de fort mauvais augure pour octobre et novembre où la force du huard a donné le vertige.

"La bonne nouvelle, c'est que le gros de la poussée des importations s'est retrouvé en machines et équipements car l'investissement des entreprises a bondi de 8,9% dont 15,4% en machinerie", nuance toutefois Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux.

Les entreprises ont aussi tiré profit de la devise pour gonfler leurs stocks de 15 milliards, surtout en produits finis. Pour le trimestre courant, elles y puiseront sans doute, ce qui va ralentir l'expansion.

Le consommateur était encore très actif cet été, ayant dépensé 3,0% de plus qu'au printemps. Les gouvernements ont fait leur part tandis que la construction résidentielle affichait encore une jolie robustesse. Bref, la demande intérieure finale qui exclut les exportations et les stocks, a progressé de 4,4%. Elle reflète que l'économie canadienne a encore du ressort.

Les chiffres de septembre par industrie font ressortir cependant que le secteur des services assurait à lui seul l'expansion avec une avancée de 0,2% alors que la production de biens fléchissait de 0,1%.

Fait inquiétant, la production manufacturière accuse un recul de 0,9% alors que la parité avait été atteinte en fin de mois seulement.

Cela présage de nouveaux reculs en octobre et même en novembre où le huard s'est négocié bien au-dessus du billet vert.

La consommation va aussi sûrement ralentir. Non pas tant que les ménages ont moins d'argent, mais parce qu'ils sont nombreux à acheter aux États-Unis en s'y déplaçant ou en magasinant sur le web.

Par bonheur, décembre se présente sous des auspices un peu plus encourageants sur le front des devises.

Hier, le dollar canadien a terminé à parité parfaite, soit 100 cents US, en baisse de 0,28 cents.

Le secteur manufacturier ne sera pas pour autant au bout de ses peines compte tenu de la très rapide dégradation de l'expansion américaine qui avait gonflé de 4,9% au troisième trimestre. "L'économie américaine ne fait pas que flirter avec la récession, résume M. Porter. On dirait qu'elle planifie la date du mariage."

Voilà pourquoi, le rythme d'expansion chez nous passera du galop au petit trot.

"Le PIB va ralentir à 1,4%" prédit Stéfane Marion de la Financière Banque Nationale.

Il n'est pas le plus pessimiste. Ted Carmichael de JP Morgan qui prévoit un hiver orageux aux États-Unis, est d'avis que la croissance canadienne en rythme annualisé sera au mieux de 0,5% au quatrième trimestre. "Et le risque d'un repli de l'expansion grandit."