La plaine du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, est le théâtre d'un des plus grands suspenses économiques de l'histoire de la province.

La plaine du Saint-Laurent, entre Montréal et Québec, est le théâtre d'un des plus grands suspenses économiques de l'histoire de la province.

Il s'agit d'une question à 100 G$.

Les sociétés d'exploration pourront-elles extraire le gaz naturel des roches poreuses qui se trouvent dans le sous-sol des basses terres ?

Si elles parviennent à le tirer de façon rentable de cette formation argileuse, qu'on appelle shale de l'Utica, le Québec deviendra un important producteur de gaz naturel dès 2010.

Quelques années plus tard, il pourrait être autosuffisant et même exporter ce précieux combustible.

Ce serait tout à fait exceptionnel puisque le Québec ne produit pas de gaz naturel !

Pour l'instant, la partie n'est pas encore gagnée. Mais on en saura plus en décembre prochain quand on connaîtra les résultats des tests effectués par Forest Oil, Junex, Gastem, Talisman Energy et autres.

Des enjeux importants

Les enjeux financiers et fiscaux sont importants. Les revenus de la vente de gaz, répartis sur plusieurs années, pourraient atteindre des dizaines, voire des centaines, de milliards de dollars.

Selon des estimations, on pourrait libérer au moins 4000 milliards de pieds cubes de gaz. C'est 20 fois plus que la consommation annuelle dans la province ...

«C'est la première fois que le Québec est aussi près d'une production significative de gaz naturel», constate Raymond Savoie.

Le président et chef de la direction de Gastem précise toutefois que l'état des travaux de recherche est exploratoire.

«L'impact économique serait majeur pour l'ensemble de la région des basses terres du Saint-Laurent», rappelle celui qui a été ministre délégué aux Mines et à l'Énergie du Québec de 1985 à 1994.

Jean-Yves Lavoie, président et chef de la direction de Junex, pense qu'il est possible de démarrer une exploitation gazière d'ici deux à trois ans.

«Le travail de défrichage et de géologie est fait, dit-il. C'est maintenant aux comptables de faire leur travail et d'évaluer comment tout ça peut être rentabilisé.»

Attentes et précautions

Les différents spécialistes interrogés par La Presse corroborent, avec les nuances et les précautions nécessaires, les attentes des acteurs de l'industrie.

Spécialiste texane des shales et analyste pour le courtier Canaccord Adams, Irene Haas a étudié à fond l'exploration de l'Utica au Québec.

Elle qualifie les résultats de «favorables». D'autant plus, ajoute-t-elle, que des grandes sociétés comme Forest Oil et Talisman y apportent leur expertise.

«Il ne s'agit que de la première étape, dit-elle. Il faut attendre les résultats de forage d'une trentaine d'autres puits avant de préciser les paramètres de production.»

La spécialiste reconnaît que les volumes en jeux sont importants.

Il y a trois ans, la géante canadienne EnCana a étudié la question. Elle a estimé le volume récupérable des shales du Québec, principalement ceux de l'Utica, à 24 tcf (24 000 milliards de pieds cubes), sur un volume présent dans la roche d'entre 35 et 163 tcf.

Au prix actuel de 7,50$ les 1000 pieds cubes, cela rapporterait plus de 180 milliards de revenus.

«Je pense que 24 tcf est maintenant un chiffre un peu bas pour la partie supérieure de l'estimation de la fourchette du volume de gaz récupérable», estime Irene Haas.

Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec n'est pas en mesure de chiffrer le potentiel des shales.

Son directeur du développement des hydrocarbures, Alain Lefebvre, réfère lui aussi à l'étude d'EnCana comme outil d'estimation primaire.

«Ce que l'on peut dire, c'est que le gaz naturel du Québec est de très grande qualité, soutient-il. Et la présence de pipelines à proximité est un avantage.»

Les prochains mois seront donc déterminants pour l'avenir énergétique de la province.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à lire ce cahier PORTFOLIO portant sur l'exploration de gaz naturel au Québec.