Vincent Lacroix est finalement sorti de son quasi-mutisme à son procès pénal jeudi matin en commençant à livrer sa version des faits devant le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec.

Vincent Lacroix est finalement sorti de son quasi-mutisme à son procès pénal jeudi matin en commençant à livrer sa version des faits devant le juge Claude Leblond, de la Cour du Québec.

Reconnu coupable d'avoir violé 51 fois la loi sur les valeurs mobilières chez Norbourg, l'ancien PDG a commencé à témoigner lors des représentations sur sentence.

Il a livré le début de son récit à partir de son historique dans le monde financier, alors qu'il était analyste pour la Caisse de dépôt et placement du Québec de 1991 à 1994.

Rapidement, il a raconté avoir travaillé chez Maxima Capital en 1995 et 1996, pour passer chez Cogeva et ensuite fonder Norbourg Services financiers en 1998. Il a dit vouloir donner une explication aux investisseurs.

Ainsi, il a pu récolter le mandat de Desjardins Opvest en l'an 2000, mais que les événements se sont corsés dès le départ.

Norbourg a perdu des centaines de milliers de dollars dans ses placements avec Nortel et le portefeuille initial de 5 M$ d'Opvest a chuté à 4,2 M$.

Mais une erreur dans l'administration du fonds, un travail fait par M. Lacroix et son cousin David Simoneau, s'est glissée pour sous-évaluer un portefeuille qui valait en réalité 3,8 ou 3,9 M$.

Selon Vincent Lacroix, c'est là que le scandale Norbourg a pris racine. Le PDG déchu dit avoir voulu corriger le problème sans en parler. Il voulait faire des transactions et obtenir une subvention afin de boucher ce trou, qui s'est creusé à 500 000 $ à la fin de 2000.

C'est là que M. Lacroix dit avoir eu recours à la «solution» des «vases communicants» qui a engendré des retraits irréguliers mais aussi la tentative d'acheter le courtier (et ancien employeur) Maxima Capital.

Un stratagème a commencé à prendre forme. Le lancement des fonds Norbourg a eu lieu en 2001 et Éric Asselin est arrivé dans le portrait.

M. Asselin travaillait à l'époque pour la Commission des valeurs mobilières du Québec. Norbourg voulait acheter Maxima Capital, empruntant 500 000 $ à titre de mise de fonds.

Eric Asselin posait déjà des questions pour la CVMQ sur cette somme. Si Maxima Capital devait cesser ses opérations, le montant se transformait en perte et rendait déficitaire le fonds de roulement de Norbourg.

M. Lacroix s'est donc adressé au ministère des Finances pour obtenir la preuve que Norbourg se ferait attribuer 900 000 $ en subventions pour le lancement de fonds. Les pressions de la CVMQ commençaient à faire effet sur l'entreprise, qui craignait de devoir fermer ses portes si elle ne pouvait pas prouver qu'elle avait l'argent pour poursuivre ses activités.

Vincent Lacroix a dit avoir commis une «deuxième grande erreur» quand il a voulu attirer les anciens représentants de Maxima Capital. Il leur a versé des sommes d'argent «assez importantes». Il disait être dans une situation «assez problématique» à la fin de 2001.

Au début de 2002, Éric Asselin devenait son chef des finances. Selon Vincent Lacroix, M. Asselin était parfaitement au courant de ce qui se passait chez Norbourg. «Éric Asselin et Vincent Lacroix savaient très bien la profondeur de l'iceberg», précise le PDG déchu.

Avec la CVMQ qui effectuait une inspection dans les bureaux de Norbourg dès octobre 2002, Éric Asselin aurait lancé une stratégie afin de créer des faux revenus dans les états financiers.

M. Asselin lui aurait amené des clients en gestion privée par la voie d'intermédiaires du monde financier. Toutefois, les comptes auraient compris des investissements dans les produits dérivés, des placements que Norbourg n'avait pas l'autorisation de gérer. De faux relevés de Northern Trust auraient été produits afin de camoufler ces dérivés.

Vincent Lacroix a ajouté que les questions de la CVMQ sur les irrégularités représentaient une «épée de Damoclès» sur Norbourg afin de justifier ses activités. Et c'est ce qui l'aurait mené à participer à un stratagème incluant la production de faux,

M. Lacroix a d'ailleurs qualifié Éric Asselin de «magicien» auprès des représentants de la CVMQ. Même si des «erreurs monumentales» se glissaient dans les documents falsifiés aux fins de présentation aux inspecteurs, le chef des finances avait réponse à tout.

«Éric Asselin en menait large», résume l'homme déclaré coupable mardi.

Vers la fin de l'avant-midi, l'ex-PDG a parlé d'une lettre envoyée à la CVMQ afin de détailler son propos. La lettre porte une signature qui s'apparente à la sienne. Pourtant, au cours du procès, une experte en écriture n'a pu authentifier la signature de M. Lacroix.

Dans la lettre, des réponses aux questions des inspecteurs sont «extrêmement compliquées» alors qu'elles auraient pu être simples, dit Vincent Lacroix.

Le procureur Eric Downs, qui représente l'Autorité des marchés financiers dans ce procès, s'est levé pour questionner la pertinence du document qui ne fait pas partie de sa preuve.

Le juge Leblond lui a rétorqué que Vincent Lacroix pouvait, lors d'une défense pleine et entière, lui exposer sa perception des choses et du rôle qu'il jouait dans le stratagème ayant entraîné sa culpabilité.

Claude Leblond a dit avoir compris que le stratagème de Norbourg devait être simple selon les plans de Vincent Lacroix mais qu'il s'est complexifié avec l'intervention d'Eric Asselin. Le magistrat se réserve toutefois l'occasion de croire ou non le témoignage de M. Lacroix avant de prononcer sa sentence.

Vincent Lacroix n'a pas eu le temps d'aller plus loin avant l'ajournement du midi. Toutefois, il a terminé l'audience en affirmant qu'à l'automne 2003, il croyait bien pouvoir combler le «trou» dans les fonds des investisseurs grâce à la création de Norbourg Capital, à l'acquisition de Groupe Futur et à celle d'Investissement BBA.