Une quarantaine d'entreprises accueillent actuellement, pour des stages de un à trois jours, des immigrants instruits arrivés au Québec récemment.

Une quarantaine d'entreprises accueillent actuellement, pour des stages de un à trois jours, des immigrants instruits arrivés au Québec récemment.

Verdict des participants: ces quelques heures peuvent changer leur monde.

Christina Chitescu a pris un vol Paris-Montréal le 15 juillet dernier pour s'établir au Québec pour de bon.

Elle a fait ses études d'ingénierie en Roumanie, son pays d'origine. Elle détient un doctorat en génie des systèmes industriels de l'Institut National Polytechnique de Lorraine, en France. Elle y enseignait depuis 2005. Elle parle roumain, français, allemand et anglais.

Si tout se déroule comme prévu, elle devrait être chargée de cours à l'École de technologie supérieure (ETS) pendant le semestre d'hiver 2008. Elle souhaite également travailler sur le terrain, en entreprise.

Elle pense que ce rêve peut devenir réalité. «J'ai fait un stage d'observation de trois jours chez AEER, à Bromont, une jeune firme spécialisée en énergie éolienne. Ils m'ont déjà fait une offre de collaboration», dit-elle.

À la fin des trois jours, un ingénieur d'AEER, dont elle parle déjà comme «d'un collègue québécois», lui a confié: «Christina, ça m'a pris plus de temps que toi à m'intégrer ici.»

Cette nouvelle Montréalaise est loin d'être la seule à avoir ébloui ses hôtes par ses facultés d'adaptation.

Le choc des ressemblances

Quelques heures après avoir mis les pieds pour la première fois chez Optimum relations publiques, une filiale du groupe Cossette, la Mexicaine Paola Pierdant participait à une séance de remue-méninge.

De 2003 à 2007, cette diplômée en communications de l'Université Intercontinentale de Mexico était responsable de comptes chez Publicis Mexique. Elle s'occupait notamment des campagnes publicitaires de Banamex, Whirlpool et Telcel.

«Paola a fait des interventions très intéressantes en réunion. Elle a visiblement d'excellents réflexes en relations publiques.

Ce qui nous a le plus frappé et étonné, mon équipe et elle, c'est la similarité de nos contextes de travail», résume Nancy Turgeon, directrice d'Optimum relations publiques.

Depuis, Optimum a Mme Pierdant en tête pour des collaborations futures. «Elle ne pourrait pas faire des relations de presse demain matin. Elle ne connaît pas nos médias et ne maîtrise pas encore le français. Mais comme elle est très polyvalente, puisqu'elle est aussi graphiste, elle pourrait facilement s'intégrer à d'autres divisions de Cossette», précise Nancy Turgeon.

Depuis les débuts de ces brèves incursions en milieu de travail québécois, quelques stagiaires ont reçu des offres de collaboration et au moins l'un d'eux a déniché un emploi chez son hôte, indique Monique Deviard, coordonnatrice de ce projet mis en oeuvre par Mentorat-Québec.

En chair et en os

Willy Robitaille, directeur de la qualité du laboratoire d'inspection Certispec, a reçu un chimiste algérien pendant une journée.

«Si j'avais eu un poste à combler, je l'aurais embauché», dit ce vieux routier qui affiche fièrement ses 50 ans d'expérience dans l'industrie pétrolière.

Sa petite équipe de six techniciens compte un Chilien et une Bulgare. «Je ne suis pas expert dans l'évaluation des diplômes mais je sais reconnaître la compétence. S'ils veulent bien fonctionner, je les prends», dit-il.

Quand Willy Robitaille a embauché une technicienne bulgare, il avait de la difficulté à comprendre ce qu'elle lui disait. «Après un an avec nous, elle parle bien le français et, en plus, elle travaille comme deux», souligne-t-il.

S'il n'en tenait qu'à sa volonté, il prendrait bien d'autres stagiaires.

«Je ne peux pas mobiliser pendant des jours ma petite équipe. Ça retarde la production. Dans les grandes entreprises, l'accueil d'un stagiaire a moins d'impacts et il y a plus d'ouverture de postes», note-t-il.

Le bureau d'ingénieurs Cogerec reçoit cette semaine Athmane Djahnine, un des nombreux ingénieurs maghrébins interdits de porter ce titre au Québec.

Son CV nous apprend qu'il a été, pendant 13 ans, superviseur des travaux de génie civil à la Société de la sidérurgie et métallurgie Sidem, en Algérie.

Dans ce rôle, il surveillait et inspectait des travaux de construction en béton armé et des charpentes métalliques. Il a aussi collaboré avec plusieurs firmes étrangères, dont ABB. Il aimerait bien travailler à la Ville de Montréal.

Athmane Djahnine a bien vite compris qu'il ne pourrait se présenter comme ingénieur de si tôt. Il postule pour des emplois de technicien et il a allégé son CV, pour ne pas être rejeté pour cause de surqualification.

«En entrevue, les employeurs québécois vérifient les 3 S - savoir, savoir-faire, savoir-être. Mais ça ne leur permet pas de détecter nos compétences techniques. J'espère que le stage chez Cogerec va briser, un peu, ce cercle vicieux. J'aimerais bien qu'il dure plus longtemps», dit-il.

Les stages sont limités à trois jours pour éviter que ces professionnels soient utilisés comme main-d'oeuvre à bon marché.

Un projet conjointCes stages d'observation ont été initiés par le ministère de l'Immigration et des communautés culturelles (MCCI). Ils sont coordonnés par Mentorat Québec, qui tiendra le 6 novembre son cinquième colloque annuel.

Pierre Fortin, vice-président marketing de la Société du Vieux-Port de Montréal, est le mentor d'honneur de cet événement. Il est le premier surpris d'avoir hérité de ce titre.

«Je n'ai jamais été mentor, du moins dans le contexte d'un programme formel. Selon moi, le mentorat est un style de gestion qui intègre au quotidien la transmission de connaissances, d'expériences et de comportements. C'est ce message que je vais livrer le 6 novembre», dit-il.

Quand Monique Deviard, la responsable des stages d'observation pour Mentorat Québec, lui a demandé d'accueillir un nouvel arrivant, il a immédiatement offert de recevoir une femme et de l'intégrer dans une équipe technique.

La candidate retenue est Souad Sellami. Elle passera deux jours au Vieux-Port sous les auspices de l'ingénieur Denis Gouge. Spécialiste en génie hydraulique, elle enseignait jusqu'à tout récemment au département de génie civil de l'Université de Guelma, en Algérie, elle possède huit années d'expériences en gestion de projets de génie civil municipal.

«Mes diplômes et mes qualifications professionnelles ne sont pas reconnus. Je n'ai pas d'expérience canadienne. Ici, la pratique du génie est très segmentée. Je suis polyvalente. Je suis musulmane et je porte le voile. Je me sens coincée», résumait-elle vendredi dernier.

Elle n'attend pas de miracles de son court stage au Vieux-Port. Elle espère seulement que ce bain de réalité québécoise réduira ses appréhensions.

Pour en savoir plus: consulter la section MCCI-Mentorat Québec du site www.mentoratquebec.org.