L'économiste Yves St-Maurice est parfois amusé par les promesses électorales. Mais cette fois-ci, il est carrément médusé devant la promesse de l'ADQ de permettre aux propriétaires québécois de déduire leurs intérêts hypothécaires dans leur déclaration de revenus.

L'économiste Yves St-Maurice est parfois amusé par les promesses électorales. Mais cette fois-ci, il est carrément médusé devant la promesse de l'ADQ de permettre aux propriétaires québécois de déduire leurs intérêts hypothécaires dans leur déclaration de revenus.

«Je ne la catche pas, dit l'économiste en chef adjoint du Mouvement Desjardins. Je ne vois pas le problème avec le marché immobilier québécois. Les gens parlent beaucoup de la crise américaine et ils finissent par transposer ça ici. Pourtant, le prix des maisons est en hausse au Québec. Pourquoi venir en aide à un secteur qui va plutôt bien? Je trouve ça bizarre.»

Yves St-Maurice n'est pas le seul économiste à douter du bien-fondé de la proposition de l'ADQ, qui dit vouloir aider la classe moyenne à faire face à une crise immobilière. Son collègue Carlos Leitao va plus loin. «C'est une proposition irréfléchie, dit l'économiste en chef de la Banque Laurentienne. Il ne faut pas confondre ce qui se passe ici et ce qui se passe aux États-Unis.»

Non seulement le marché immobilier se porte plutôt bien au Québec, mais la solution proposée par l'ADQ a intensifié la crise immobilière aux États-Unis, rappelle l'économiste Pierre Fortin. Bref, au lieu de proposer un remède, l'ADQ pourrait introduire l'une des causes de la crise immobilière américaine au Québec. «Aux États-Unis, l'aide fiscale aux propriétaires a été l'une des causes importantes de la crise immobilière, dit le professeur d'économie à l'UQAM. Au lieu de proposer une telle mesure, il faudrait renforcer les contraintes pour l'achat d'une maison, notamment au niveau de la mise de fonds.»

Pierre Fortin doute que la déduction des intérêts hypothécaires donne des résultats différents au Québec que ceux obtenus aux États-Unis. «Si tu te mets à encourager les gens à acheter des maisons avec des crédits d'impôt, tu vas aller chercher les gens avec un crédit plus risqué, dit-il. Il y a un danger qu'on soit pris avec une conjoncture où la valeur de la maison sera inférieure à celle de l'hypothèque. Il ne faut pas oublier que nous sommes rendus à un sommet dans le secteur de la construction. Le prix des maisons n'a pas connu de baisse marquée depuis une dizaine d'années.»

L'ADQ est en désaccord avec ce raisonnement. À son avis, la crise immobilière n'a rien à voir avec le fait que les Américains peuvent déduire leurs intérêts hypothécaires. «Au contraire, les taux hypothécaires étaient très bas durant la crise, dit le député adéquiste Gilles Taillon. Ce sont plutôt les prêts hypothécaires supérieurs à la valeur de la maison qui ont fait en sorte que les gens se sont illusionnés.»

La proposition de l'ADQ -un crédit d'impôt illimité sur 50% des intérêts hypothécaires- ne vaut que pour deux ans, mais le parti de Mario Dumont ne cache pas son préjugé favorable à rendre cette mesure permanente. «On met le pied dans la porte, dit le député adéquiste Gilles Taillon. C'est un engagement assez important. Si la mesure s'administre bien, on pourrait songer à la continuer.»

Le Parti québécois propose aussi un crédit d'impôt sur les intérêts hypothécaires. Ce crédit de 1000$ sera en vigueur seulement au cours des années financières 2008 et 2009. «C'est une mesure provisoire, dit le député péquiste François Legault. Notre objectif est de rejoindre la classe moyenne pour qu'elle continue de payer son hypothèque et qu'elle ne diminue pas sa consommation.»

Détail important pour les contribuables qui aimeraient profiter du crédit d'impôt hypothécaire péquiste ou adéquiste: aussi agréable soit-il à court terme, il entraînera des conséquences fiscales à la vente de la propriété. «Les Américains sont imposés sur la vente de la maison, dit l'économiste Yves St-Maurice. Le fisc récupère ainsi les déductions qu'il a accordées au fil des ans.»

Le Parti libéral du Québec ne veut rien entendre d'un crédit d'impôt sur les hypothèques. «Le crédit de l'ADQ encourage les gens à prendre des risques qui vont les amener à la faillite, dit le ministre libéral Sam Hamad. C'est ce que les Américains ont fait et c'est que l'ADQ veut faire.» Sur le plan fiscal, les libéraux préfèrent aider les propriétaires qui rénovent leur maison. Le crédit d'impôt libéral à la rénovation est d'un maximum de 2500$, pour autant que la valeur des rénovations varie entre 7500$ et 12 500$.

POUR

Un crédit d'impôt temporaire pourrait permettre aux propriétaires en difficulté financière de passer à travers la tempête;

Un crédit d'impôt à la rénovation stimulerait la consommation.

CONTRE

Le marché immobilier québécois se porte relativement bien;

Un crédit d'impôt sur les intérêts hypothécaires pourrait contribuer à un début de crise immobilière au Québec.