En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

Les technologies de l'information et des communications (TIC) telles que le courriel, les intranets, les collecticiels, les systèmes de réunion électronique et les systèmes de communication mobile bouleversent en profondeur les modes d'organisation du travail dans les entreprises.

Nous pouvons penser, par exemple, à l'émergence des équipes, des communautés et des entreprises virtuelles et à toutes les formes de télétravail telles que le travail à domicile et le travail mobile.

Ce phénomène touche une proportion importante de travailleurs et d'entreprises. Par exemple, les instituts statistiques estiment qu'aux États-Unis, en 2008, plus de 41 millions de travailleurs américains passent en moyenne au moins une journée de travail à domicile et 100 millions, au moins une journée par mois.

Au Canada, les estimations indiquent que 1,21 millions de travailleurs canadiens passent en moyenne au moins une journée de travail à domicile et 1,87 millions, au moins une journée par mois.

De plus, en 2005, 44% des entreprises américaines et 41% des entreprises canadiennes utilisaient une forme d'organisation du travail qui permet la réalisation du travail à l'extérieur des bureaux "conventionnels".

Les distances géographiques et temporelles qu'engendre le travail à distance influencent profondément la nature des relations interpersonnelles.

Conséquemment, les dirigeants doivent adapter leurs pratiques et leur style de direction. Ces derniers doivent désormais diriger des employés "invisibles", et ce, principalement par l'entremise de TIC.

Dans ce contexte où les occasions de relations interpersonnelles face-à-face deviennent plus rares, comment parvenir à motiver, véhiculer une vision, permettre un sentiment d'appartenance envers l'entreprise, faciliter la communication entre les membres de l'équipe, assurer un contrôle, créer un esprit d'équipe et une culture propice aux échanges d'informations, à la collaboration et à la confiance mutuelle?

Devant cette situation, plusieurs dirigeants adoptent des approches inadaptées. Une de celles que nous observons le plus fréquemment est la mise en place d'un mode d'organisation du travail à distance qui repose sur la croyance que la chose la plus importante est de posséder les bons outils technologiques, d'offrir d'excellentes formations, d'assurer un support technologique de qualité et de mettre en place des politiques de gestion qui incitent à la collaboration et à une utilisation adéquate de ces technologies.

Nos recherches et interventions en entreprises démontrent clairement que ce type d'approche, que nous pouvons qualifier de techno-centrique, n'est en aucun cas suffisant et que, dans plusieurs circonstances, cela engendre des conséquences menant à de multiples difficultés et, ultimement, à l'échec.

L'art de ne pas diriger!

Puisque les TIC jouent un rôle important dans la réalisation du travail dans un mode à distance, les dirigeants les plus performants ont effectivement une préoccupation technologique constante. Toutefois, ces dirigeants adoptent aussi des comportements et possèdent une philosophie de gestion qui place d'abord et avant tout l'individu au coeur de leur réflexion et de leurs pratiques de direction.

Ces derniers sont très proactifs en matière de relations interpersonnelles. Ils font preuve de leadership en prenant de nombreuses initiatives afin de faciliter et de permettre l'éclosion de relations plus personnalisées, autant dans leur relation avec ses subalternes que dans la relation entre eux.

Ainsi, ces dirigeants sollicitent constamment les individus qui les entourent afin de stimuler les échanges et les discussions et supportent l'établissement de moments de socialisation.

Par exemple, plusieurs présentent à l'ensemble du groupe les accomplissements de chacun, même les plus anodins, afin de maintenir des liens, un sentiment d'engagement et de témoigner de la reconnaissance.

De plus, ils déploient beaucoup d'effort afin de sensibiliser et de responsabiliser les membres de leur équipe sur l'importance d'établir et de maintenir de bonnes relations interpersonnelles. Ils parviennent à faire de leurs employés des agents responsables du climat de confiance entre les membres et en font des partenaires dans la réussite de ce mode d'organisation du travail.

À l'image des équipes sportives, le dirigeant à distance performant est avant tout un coach qui place l'équipe à l'avant-scène, qui cherche à supporter chaque individu afin de l'aider à s'améliorer et à atteindre plus facilement ses objectifs personnels.

Il se voit comme étant principalement là pour motiver ses troupes et les mobiliser autour de valeurs communes. Pour y parvenir, des qualités et des compétences relationnelles et interpersonnelles doivent prévaloir.

Pour lui, l'empathie, l'écoute et la confiance envers les autres sont des qualités davantage importantes que d'avoir les technologies les mieux adaptées.

En fait, comme ces derniers le disent, être un dirigeant à distance se présente comme étant un art... celui de ne pas diriger!

Éric Brunelle est professeur adjoint au Service de l'enseignement du management. www.hec.ca/profs/eric.brunelle.html