Le mouvement qui vise à bannir l'eau en bouteille des édifices publics fait bouillir les embouteilleurs d'eau du Québec.

Le mouvement qui vise à bannir l'eau en bouteille des édifices publics fait bouillir les embouteilleurs d'eau du Québec.

«On se croirait en ex-URSS, où c'est l'État qui décide de tout ce que les gens vont consommer, de tout ce qu'ils vont manger, a lancé le président de l'Association des embouteilleurs d'eau du Québec (AEEQ), Pierre Gagné, en entrevue avec La Presse Affaires. Ça n'a pas de sens.»

Pour sa part, le président et chef de la direction des Eaux Naya, Daniel Cotte, a parlé de «réaction extrême» de la part des pouvoirs publics.

«Les municipalités seraient plus avisées de faire des gestes concrets, comme de mettre des contenants de recyclage sur le bord des rues à côté des poubelles, plutôt que de prendre des mesures un peu démagogiques qui n'ont pas d'impact et qui restreignent la liberté de choix des consommateurs.»

Cette semaine, la municipalité de London, en Ontario, a banni la vente d'eau en bouteille dans les édifices municipaux, ce qui comprend les arénas et les centres communautaires. En novembre, la Ville de Toronto étudiera cette idée dans le cadre d'un vaste programme pour réduire la quantité de déchets qui prend le chemin des dépotoirs. Vancouver, Kitchener et Ottawa ont également montré de l'intérêt vis-à-vis d'une telle interdiction.

Ce n'est toutefois pas la voie que veut suivre Montréal. Le responsable du dossier de l'environnement à la ville, le maire de Saint-Laurent Alan DeSousa, a expliqué que la métropole québécoise préférait l'imposition d'une consigne sur les bouteilles d'eau. M. DeSousa a d'ailleurs officiellement présenté cette demande à l'occasion d'une rencontre de la Commission de l'environnement de l'Assemblée nationale, en février dernier.

Consigne ou bannissement?

«C'est une mesure beaucoup plus puissante que le bannissement de l'eau en bouteille dans quelques bâtiments municipaux, a-t-il fait valoir à La Presse Affaires hier. Une consigne, ça touche toutes les bouteilles vendues, ça incite au recyclage.»

La responsable des dossiers de l'eau et des matières résiduelles du Conseil régional de l'environnement de Montréal, Coralie Deny, a cependant très bien accueilli la décision de London. «C'est une bonne initiative pour deux raisons: cela réduit à la source les matières résiduelles et c'est un message à l'effet que l'eau du robinet est de très bonne qualité», a-t-elle affirmé.

Les embouteilleurs d'eau ne partagent évidemment pas son enthousiasme. Citant une étude de la firme manitobaine Probe Research, M. Cotte a soutenu que la majorité des consommateurs ne faisaient pas un choix entre l'eau embouteillée et l'eau du robinet, mais bien entre l'eau embouteillée et les autres boissons embouteillées, comme les jus et les boissons gazeuses.

«En l'absence d'eau embouteillée, les consommateurs vont se tourner vers des boissons qui ont une forte teneur en sucre, a-t-il affirmé. Les pouvoirs publics prennent donc le risque d'aggraver une question de santé publique, l'obésité.»

Il a soutenu que l'industrie de l'eau embouteillée avait fait davantage que les autres industries pour réduire le poids de ses contenants, réduisant ainsi leur empreinte environnementale.

«Chez Naya, au cours des deux dernières années, nous avons réduit de 16% le poids de nos bouteilles de 500 millilitres et de 28% le poids de nos contenants d'un litre», a-t-il soutenu.

Le président de l'AEEQ, Pierre Gagné, a déclaré de son côté que ce n'était pas le moment de s'attaquer aux embouteilleurs locaux, qui font face à la concurrence américaine et qui craignent de voir des puissances commerciales étrangères comme la Chine envahir ce marché.

«Les embouteilleurs que je représente sont tous en région, nous avons pas loin de 1000 employés, a-t-il fait valoir. Nous offrons notre produit, il y a des gens qui le consomment, ça veut dire qu'il y a une demande.»

M. Cotte a cependant refusé de trop s'inquiéter au sujet des conséquences économiques du mouvement de bannissement des bouteilles d'eau.

«Les consommateurs et les citoyens sont globalement intelligents, ils ne vont pas se laisser imposer cette restriction de liberté de choix, a-t-il affirmé. Ils vont s'organiser pour apporter leur eau embouteillée avec eux. Nous pensons que le bon sens va l'emporter.»