Surplus rime souvent avec baisse de tarif. Ce n'est cependant pas le cas chez Hydro où, malgré l'accumulation d'excédents, la facture du consommateur continue de grimper. Patience, disent les experts. À long terme, les économies d'énergie seront payantes. Hydro-Québec continue donc d'encourager les entreprises à réduire leur consommation... tout en planifiant d'augmenter ses capacités de production.

Surplus rime souvent avec baisse de tarif. Ce n'est cependant pas le cas chez Hydro où, malgré l'accumulation d'excédents, la facture du consommateur continue de grimper. Patience, disent les experts. À long terme, les économies d'énergie seront payantes. Hydro-Québec continue donc d'encourager les entreprises à réduire leur consommation... tout en planifiant d'augmenter ses capacités de production.

Hydro-Québec nage dans les surplus et prévoit avoir trop d'électricité pendant encore quatre ans, soit jusqu'en 2012. En même temps, la société d'État dépense une fortune pour encourager ses clients à réduire leur consommation, ce qui a pour effet d'accroître ces surplus et de pousser les tarifs à la hausse.

Normalement, qui dit surplus dit baisse de tarifs. Mais c'est le contraire qui se passe chez Hydro, dont les surplus engendrent des coûts supplémentaires. La société d'État s'apprête à demander pour une deuxième année à TransCanada Energy de ne pas produire d'électricité à sa centrale de Bécancour. Cette mesure d'exception coûte cher, soit quelque 150 millions par année versés en compensation à l'entreprise de Calgary.

Même sans la production de cette centrale au gaz naturel, Hydro aura beaucoup de surplus à écouler sur les marchés voisins. Devant la Régie de l'énergie, la société d'État a fait la preuve qu'elle peut difficilement revendre à profit une aussi grosse quantité d'énergie.

Les pertes causées par la revente de cette énergie, de même que les paiements à TransCanada Energy gonflent les coûts d'exploitation d'Hydro-Québec qui, devant la Régie, peut ainsi justifier une plus grosse augmentation de tarifs.

Les économies d'énergies, donc, plutôt que de réduire la facture des clients d'Hydro, contribuent plutôt à son augmentation. C'est vrai, mais à court terme seulement, et uniquement à cause de la situation actuelle de surplus, qui est temporaire, dit Philippe Dunsky, consultant en énergie et spécialiste des économies d'énergie.

Long terme

Selon lui, il faut voir les économies d'énergie comme un investissement à long terme, qui peut coûter cher les premières années, mais qui est rentable sur une longue période de temps.

Depuis qu'elle a découvert les vertus des économies d'énergie, en 2004, Hydro a consacré 752 millions à aider ses clients à réduire leur consommation d'énergie. Cette année seulement, ce sont 252 millions qui seront engloutis dans différents programmes. Autrement dit, Hydro dépense plus de 600 000$ par jour pour encourager ses clients à utiliser moins d'électricité et à réduire ses revenus.

Cet argent sert à financer toutes sortes de mesures, comme un petit coup de pouce de 50$ pour se débarrasser d'un vieux frigo énergivore, jusqu'aux millions de dollars donnés aux entreprises pour les encourager à réduire leur facture d'électricité.

En 2008, Hydro prévoit réduire la consommation totale de 745 millions de kilowattheures avec ses 252 millions, pour un coût de 30 cents pour chaque kilowattheure économisé. La question se pose: pourquoi dépenser 30 cents pour économiser un kilowattheure vendu 8 cents aux consommateurs résidentiels et encore moins cher, autour de 4 cents, aux entreprises?

«Parce que ces économies d'énergie vont se reproduire d'année en année et permettre à Hydro-Québec d'éviter de construire de nouvelles capacités de production à des coûts plus élevés», répond Philippe Dunsky.

Pour Hydro, en effet, le vrai coût de son programme d'efficacité énergétique est le suivant: ses investissements, plus les pertes de revenus causées par la réduction de la consommation, moins ce qu'il lui en coûte aujourd'hui pour augmenter sa production.

Ce calcul équivaut à environ 3 cents le kilowattheure, estime le spécialiste, ce qui rend l'investissement rentable pour Hydro, compte tenu que la nouvelle production éolienne ou autre, coûte plus de 10 cents par kilowattheure.

Chaque année, devant la Régie, Hydro dépose des tonnes de chiffres et de statistiques pour prouver la rentabilité de ses programmes d'efficacité énergétique. Certains de ses chiffres sont contestables, estime Jean-François Lefebvre, ancien vice-président du Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME) et spécialiste en énergie, mais il reste qu'il est toujours payant d'économiser l'énergie, selon lui.

«Les économies ne sont pas gratuites et celui qui ne fait aucun effort va être pénalisé. Mais ceux qui réduisent leur consommation en bénéficient», dit-il.

Même si les tarifs augmentent? «On paie l'énergie plus cher mais on consomme moins, répond Jean-François Lefebvre. Les clients sont gagnants.»

Gaz naturel

Selon lui, un surplus d'énergie renouvelable ne devrait jamais être un problème pour Hydro-Québec. Le problème actuel, à son avis, vient du fait que la société d'État a acheté pour 20 ans de l'énergie produite avec du gaz naturel, plus coûteux que l'hydro-électricité et impossible à revendre à profit. «Ça a été une erreur», dit-il.

Selon Philippe Dunsky, par contre, tout surplus important d'électricité, d'où qu'il provienne, sera toujours un problème pour Hydro. Une grosse quantité d'énergie disponible fait baisser les prix qu'Hydro peut obtenir sur les marchés, explique-t-il.

Hydro a d'ailleurs plaidé avec succès devant la Régie qu'il est moins coûteux pour elle de donner 150 millions à TCE pour ne pas prendre livraison de l'électricité produite à Bécancour, plutôt que revendre cette énergie aux États-Unis. TCE, pour sa part, ne perd rien au change puisqu'elle reçoit autant d'argent que si elle produisait de l'électricité à Bécancour.

L'exportation, on le voit, est loin d'être le pactole que le gouvernement nous fait miroiter, estime Philippe Dunsky. Il y a aussi des limites physiques à la quantité d'énergie qu'on peut exporter, compte tenu de la capacité des interconnexions existantes.

La construction de nouveaux liens vers les États-Unis pour exporter plus d'énergie est très peu probable, estime-t-il, en raison de l'opposition de la population, tant américaine que québécoise.