«J'ai 54 ans et je travaille toujours.» Rien ne semble exceptionnel dans l'affirmation de Nicole, jusqu'à ce qu'elle dévoile l'autre pan de l'histoire: «Mon conjoint, âgé de 61 ans, est à la retraite depuis cinq ans.»

«J'ai 54 ans et je travaille toujours.» Rien ne semble exceptionnel dans l'affirmation de Nicole, jusqu'à ce qu'elle dévoile l'autre pan de l'histoire: «Mon conjoint, âgé de 61 ans, est à la retraite depuis cinq ans.»

Ah, voilà...

L'appel de la retraite est d'autant plus pressant que notre conjoint jouit déjà des félicités de cet état. «J'aimerais bien prendre ma retraite avant 60 ans», confie Nicole. Son conjoint Guy sera alors retraité depuis déjà 10 ans.

Mais est-ce réalisable?

Nicole touche un salaire de 27 800$. Elle contribue au régime de retraite de son employeur à raison de 4,9% de son salaire. Elle estime qu'à 60 ans, elle toucherait une rente non indexée de 4000$ par année.

Elle a en outre accumulé des épargnes enregistrées de 37 000$.

Guy reçoit pour sa part près de 54 000$ en revenus de retraite divers. À partir de 65 ans, son revenu se stabilisera à 45 000$ par année, indexé à 2%. Ses REER totalisent 82 000$.

Toutefois, un obstacle doit entre-temps être aplani. Les deux conjoints ont contracté un emprunt personnel de 15 000$ et une marge de crédit de 11 000$, dont ils ne paient pour l'instant que les intérêts. Ils souhaitent se débarrasser de ce fardeau avant la retraite complète.

«Devrais-je contribuer à mon REER plutôt que payer nos dettes?» s'enquiert Nicole à ce propos.

Dette et REER

La planificatrice financière Marguerite Pernice, directrice principale gestion personnalisée à la Banque Nationale, a cherché les réponses.

L'hypothèque du couple sera acquittée en juin, ce qui libérera une somme de 900$ par mois. Ils n'ont qu'un enfant, dont ils assument les droits de scolarité à raison de 2000$ à 2500$ par année.

Leur fils aura terminé ses études en avril et il prévoit quitter alors le domicile familial. Bref, d'ici quelques mois, Nicole et Guy disposeront de 13 000$ de plus par année.

Faut-il consacrer cette somme au REER ou au remboursement des dettes?

«Ils devraient prioriser le remboursement du prêt de 11 000$, répond Marguerite Pernice. Ce prêt est à un taux de 8% et les intérêts ne sont pas déductibles car il s'agit d'un emprunt à des fins personnelles.»

Il est plus rentable d'économiser un intérêt de 8% que de toucher le rendement de 5% correspondant à leur profil d'investisseurs conservateurs.

Par contre, la dette de 15 000$ sur marge de crédit impose un intérêt de 5%. «Il n'y aurait pas vraiment d'avantage à prioriser le remboursement dudit prêt à l'encontre de la contribution REER, poursuit la conseillère, car le rendement espéré sur celui-ci serait également de 5%.»

Le REER présenterait alors l'avantage de soustraire à l'impôt le rendement des sommes investies.

Une fois la dette de 11 000$ acquittée, le couple pourra donc se consacrer au REER de Nicole, qui est encore insuffisamment pourvu. Nicole y versera 11 000$ au cours des cinq prochaines années.

La planificatrice recommande que Guy contribue lui aussi au REER de Nicole, jusqu'à concurrence des 19 000$ de droits de cotisation inutilisés qui lui restent.

«Nicole a des revenus de retraite inférieurs à ceux de Guy», explique Marguerite Pernice. La manoeuvre vise à équilibrer les revenus de retraite du couple et à réduire ainsi les impôts du ménage.

Il est vrai que les nouvelles règles fiscales de fractionnement permettent à un retraité d'attribuer jusqu'à 50% de ses revenus de retraite à son conjoint. Mais avec la contribution de Guy au REER de Nicole, celle-ci pourra déclarer 100% de l'argent investi en son nom.

Les conjoints se prémunissent en outre contre de futures modifications aux règles fiscales.

Les revenus qui peuvent être fractionnés incluent notamment les rentes versées par un régime de retraite d'entreprise, quel que soit l'âge du retraité.

Les retraités de 65 ans et plus peuvent également fractionner les retraits d'un fonds enregistré de revenus de retraite et les sommes provenant d'un fonds de revenu viager.

Par contre, les prestations de la sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, la rente de la RRQ et les retraits d'un REER ne sont pas admissibles au fractionnement.

Et la retraite?

Comment se présente la retraite de Nicole? Dans ses projections, Marguerite Pernice pose l'hypothèse d'un rendement de 5% et d'une inflation de 2%.

Une fois qu'on en a retiré l'argent consacré aux études et à l'hypothèque, les dépenses du couple totalisent 48 000$. C'est le coût de vie, indexé à 2%, que Mme Pernice leur conserve durant leur retraite.

S'ils suivent le régime que leur propose notre conseillère, les deux conjoints auront accumulé un total de 195 000$ en REER au moment où Nicole abordera la retraite.

Toute la question est de savoir jusqu'où peut s'étirer ce capital, si le couple maintient son train de vie de 48 000$. Réponse: il s'épuiserait en 2048, alors que Guy et Nicole atteindraient respectivement 101 ans et 94 ans, «soit au moment où il y a 75% des chances que les deux conjoints soient décédés», précise la planificatrice.

En outre, il leur resterait encore cette police d'assurance que constitue leur propriété, qui vaudrait alors 465 000$, en supposant une appréciation de 1% par année.

Nicole travaille toujours, mais elle sait désormais qu'il ne lui en reste plus que pour six ans.

LA SITUATION

Nicole a 54 ans et aimerait bien rejoindre son mari, déjà retraité. Peut-elle y parvenir à 60 ans ?

Doit-elle se consacrer aux dettes ou à son REER? "J'aimerais bien prendre ma retraite avant 60 ans et que mes dettes soient remboursées." Nicole

LES CHIFFRES

Nicole 54 ans

Revenu: 27 800$

REER: 37 000$

Droits de cotisation inutilisés : 26 000$

Guy 61 ans

Revenus de retraite: 53 700$

REER: 82 000$

Droits de cotisation inutilisés : 19 000$

Propriété: valeur de 375 000$, libre d'hypothèque en juin

Dettes : 26 000$

LA RÉPONSE

Le couple doit rembourser d'abord la dette la plus coûteuse, puis se consacrer au REER de Nicole. Elle pourra alors prendre sa retraite à 60 ans, en toute sérénité.

«En maintenant sensiblement le même coût de vie qu'actuellement, ils pourront se permettre une retraite bien méritée.» Marguerite Pernice