Même si Ottawa n'a plus les moyens d'annoncer de nouvelles baisses du fardeau fiscal des particuliers ou des entreprises, il lui serait quand même possible, lors du dépôt du budget mardi prochain, de relancer l'économie qui s'essouffle.

Même si Ottawa n'a plus les moyens d'annoncer de nouvelles baisses du fardeau fiscal des particuliers ou des entreprises, il lui serait quand même possible, lors du dépôt du budget mardi prochain, de relancer l'économie qui s'essouffle.

Il n'aurait qu'à puiser dans les 11 milliards du présent surplus qu'il prévoit affecter au remboursement de la dette.

Le 30 octobre, le ministre des Finances Jim Flaherty avait déjà annoncé des réductions d'impôt évaluées à 60 milliards sur cinq ans.

La diminution de 6% à 5% de la TPS est entrée en vigueur le 1er janvier, tout comme la première tranche de la diminution de l'impôt des sociétés et de la PME.

En revanche, la baisse de 0,5 point de pourcentage du plus bas taux d'impôt des particuliers et le relèvement de près de 700$ de l'exemption personnelle de base était rétroactive au 1er janvier 2007.

Elle ne se matérialisera toutefois qu'au printemps dans le remboursement qui suivra la déclaration de revenus des particuliers.

Malgré tous ces cadeaux, Ottawa pouvait encore allouer 11 milliards au remboursement de la dette à la fin du présent exercice, le 31 mars.

Cela illustre combien sa marge de manoeuvre est plus grande que celle de la plupart des provinces aux prises avec les déboires du secteur manufacturier ou forestier.

La détérioration de l'économie depuis le minibudget met cependant en péril le surplus de 1,5 milliard projeté par Ottawa pour l'exercice 2008-2009. Voilà pourquoi le ministre Flaherty multiplie les rappels à la prudence.

«Politiquement, risquer d'enregistrer le premier déficit budgétaire en plus d'une décennie est inconfortable», note Michael Gregory, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux, dans une analyse prébudgétaire intitulée Le garde-manger fiscal de Flaherty est vide.

L'économiste a passé au peigne fin les projections budgétaires du ministre et ses dernières passes d'armes avec le premier ministre ontarien, le libéral Dalton McGuinty.

Il en arrive à la conclusion que les baisses d'impôt annoncées en octobre ne permettront pas à Ottawa de renouer avant trois ans avec des surplus substantiels, au-delà de la réserve de 3 milliards pour des dépenses impondérables.

Si le ralentissement s'aggrave ou se prolonge, le petit surplus prévu en 2008-2009 peut vite se transformer en déficit.

D'où l'importance de stimuler l'économie.

En faire plus?

En janvier, le premier ministre Harper a annoncé la création d'une fiducie d'un milliard pour le développement des régions, reçue plutôt tièdement par les provinces.

M. Flaherty pourrait faire davantage, sans trop de risques. «Le prix politique de ne pas rembourser la dette autant que prévu est faible comparé à celui de n'avoir rien fait quand le centre du pays entre peut-être en récession», souligne M. Gregory.

En 10 ans, Ottawa a pu rembourser 95,1 milliards de la dette nationale qui s'élève encore à 497 milliards.

Le remboursement n'est pas toujours une panacée. «S'il nous empêche de réaliser des dépenses productives ou d'effectuer des investissements nécessaires pour appuyer notre compétitivité internationale et assurer la prospérité future de notre économie, l'objectif devient moins louable», soulignait plus tôt cette semaine Yves St-Maurice, directeur et économiste en chef adjoint chez Desjardins.

Dans une analyse intitulée Le déséquilibre fiscal semble toujours présent, il a calculé qu'Ottawa a bénéficié, au cours des dix dernières années, d'une marge de manoeuvre de 225 milliards qu'il a toujours eu le loisir d'utiliser comme bon lui semble (baisses d'impôt, augmentation des transferts aux provinces, paiement de la dette, etc.)

M. St-Maurice suggère qu'Ottawa favorise le recyclage et la mobilité de la main-d'oeuvre plutôt que saupoudrer de l'aide aux entreprises dont plusieurs sont condamnées par la concurrence internationale de toute façon.

Luc Godbout, professeur à la chaire en fiscalité et en finances publiques à l'Université de Sherbrooke, propose la mise en place de crédits d'impôt à l'investissement.

«Un amortissement accéléré, ça ne donne pas de chèque comme un crédit d'impôt quand une entreprise déclare des pertes», plaide-t-il.

En plus, ce n'est pas une intervention dans les champs de compétences des provinces.

Celles-ci ne doivent pas s'attendre d'ailleurs à ce qu'Ottawa leur transfère davantage d'argent que ce qu'il avait annoncé l'an dernier.

Après tout, même si ce n'est pas le cas, le gouvernement fédéral considère qu'il a réglé le déséquilibre fiscal. Ses transferts additionnels de l'an dernier ont permis à la plupart des administrations provinciales d'alléger le fardeau fiscal de leurs commettants et d'en réclamer le mérite.

Accusé en pleine campagne d'utiliser une partie de la bonification des paiements de péréquation pour réduire les impôts de quelque 700 millions, le premier ministre Charest avait plaidé à bon droit que l'utilisation de ces paiements relevait de la compétence exclusive des provinces.

Après sa réélection, la nouvelle ministre des Finances Monique Jérôme-Forget avait justifié la décision du gouvernement libéral en ces termes: «Cette année, disait-elle dans son Discours sur le budget, huit autres provinces ont réduit leurs impôts. Toutes ces provinces ont bénéficié de transferts fédéraux plus élevés; cinq d'entre elles reçoivent de la péréquation.»

Dans ces conditions, il faudrait que le ministre Flaherty soit dépourvu de tout instinct politique pour augmenter encore les transferts fédéraux.

Il pourrait cependant améliorer la façon dont il les distribue, croit M. Godbout. Les transferts pour l'enseignement postsecondaire et pour l'aide sociale se font au prorata de la population. Québec a ainsi droit à 23,4% de ces deux enveloppes, l'Alberta à 10,4%.

Cela peut sembler équitable, mais cela masque un grave effet pervers.

Comme le montre le Plan budgétaire du Québec indiqué par le fiscaliste, le Québec comptait l'an dernier 30,8% des assistés sociaux alors que l'Alberta en abritait seulement 3,4%. Ottawa se trouve à verser à Québec 2829$ par assisté social et à Edmonton, 11 508$.

Le présent ralentissement va toucher davantage la société distincte que la province des scheiks aux yeux bleus. Dans un an, Québec comptera malheureusement encore plus d'assistés sociaux pour lesquels Ottawa versera moins.

Avec un peu de flair, M. Flaherty pourrait corriger ce déséquilibre fiscal et se faire des amis au Québec.

A-t-il assez de flair ou d'amis?