Selon l'adage, quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume.

Selon l'adage, quand les États-Unis toussent, le Canada attrape le rhume.

C'est pourtant faux. Le Canada a échappé aux récessions américaines de 1970, 1975 et 2001, bien qu'elles ne l'aient pas laissé indemne. Par contre, il a vécu plus douloureusement celles de 1981 et surtout de 1991.

Au cours de cette dernière récession canadienne, le marché du travail s'était replié de 1,7%, en 1991, et d'encore 1%, en 1992. L'onde de choc d'une récession se fait sentir longtemps sur l'emploi.

Si pareil drame se répétait, le Canada compterait non pas 1,07 million de chômeurs comme en décembre, mais 1,5 million, dont le tiers environ au Québec.

Presque tous les secteurs seraient touchés. D'abord le manufacturier, puisqu'on exportera moins encore. Puis les services aux entreprises: entretien, livraisons, conseils, publicité, etc.

La confiance des gens serait minée. Ils mangeraient moins souvent au resto, mettraient moins de fleurs dans les plates-bandes au printemps, renonceraient à des vacances au soleil, reporteraient l'achat de la télé à écran plat ou de la souffleuse, etc.

Si elle devait se prolonger, alors le panier de provisions serait moins appétissant, la garde-robe moins garnie tandis que les vendeurs seraient moins nombreux dans les magasins.

Tout de même, le choc ne serait pas aussi brutal qu'en 1990. Juste avant cette récession, le taux de chômage s'élevait à 9,5% au Québec. Il a grimpé jusqu'à 14% en 1993.

Cette fois-ci, le seuil est bien plus bas. Le taux des demandeurs d'emploi était à 7,0% en décembre, tout près de son creux historique.

Des atouts

Le Canada et le Québec disposent de plusieurs atouts pour se tirer d'affaire cette fois-ci.

La Financière Banque Nationale (FBN) s'attend à une légère croissance de l'emploi cette année, malgré son scénario de récession américaine. Chez BMO, on prévoit une croissance nulle de l'emploi au Québec.

«Ça signifie que ce sera un peu plus difficile pour quelqu'un de se trouver du travail», résumait son économiste principal Robert Hogue, venu à Montréal jeudi présenter les sombres perspectives de l'institution financière.

Comme plus de gens vont se retrouver sur le marché du travail à cause de la démographie, le taux de chômage va un peu augmenter.

«La situation canadienne n'a rien d'aussi néfaste qu'en 1991, résume Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la FBN. Notre pays est bien placé pour absorber le choc d'une récession américaine relativement peu profonde.»

En 1990, le Canada était déjà en récession quand les États-Unis y sont entrés à leur tour. La conduite dogmatique de la politique monétaire de la Banque du Canada avait porté les taux d'intérêt à plus de 10% au-dessus de l'inflation.

Les prêts hypothécaires d'un an portaient un taux de 12 à 14%. À ces niveaux, le marché de l'habitation s'est effondré.

Les Canadiens voyaient leurs revenus disponibles rapetisser, car les gouvernements n'indexaient plus les déductions fiscales dans le but de réduire leurs déficits.

Les entreprises peinaient aussi à emprunter au moment où elles devaient s'adapter à un grand choc structurel: l'entrée en vigueur en 1989 de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis.

«À l'époque, le Canada s'est infligé lui-même la plupart des maux dont il a souffert», résume M. Marion.

et des gestes

Pas cette fois-ci.

La Banque du Canada a choisi de prendre les devants. Son taux directeur est tout juste de 2% plus élevé que l'inflation. Et il baissera encore, a-t-elle promis puisque l'inflation va diminuer.

La force de notre monnaie oblige les détaillants à réduire le prix des marchandises importées qui coûtent moins cher au consommateur. La diminution de la TPS aide aussi.

Le marché immobilier reste très sain, tant celui de la maison neuve que de la revente. C'est une différence majeure avec les États-Unis.

Le consommateur canadien est moins endetté que l'américain. Son pouvoir d'achat s'est en outre accru avec la remontée du huard qui lui permet d'encaisser plus facilement le choc pétrolier.

«En 2007, le prix du baril de pétrole a progressé de 88% en dollars américains, contre 55% en dollars canadiens, rappelle François Dupuis, vice-président et économiste en chef chez Desjardins. On peut supposer que les produits tels que l'essence, le mazout et le diesel ont suivi la même tendance.»

Les Américains ne font pas que conduire de plus grosses cylindrées. Ils se chauffent au mazout dans une bien plus grande proportion que nous, Québécois.

Les finances publiques d'Ottawa et des provinces sont encore saines. Cela permet à des gouvernements ingénieux de lancer des programmes structurants après avoir baissé le fardeau fiscal.

Québec pourrait ainsi accélérer le plan de réfection des infrastructures routières. Des ouvriers licenciés en usine pourraient gagner leur vie sur les chantiers, si on met aussi en place des programmes de formation ciblés.

Le financement de la dette de nos gouvernements écrème moins le marché obligataire. Les entreprises pourront s'y financer plus facilement à mesure que se résorbera la crise du crédit.

Enfin, l'économie mondiale paraît encore robuste et maintiendra les prix de l'énergie et des produits de base à des niveaux élevés. Dans un tel contexte, les entreprises productrices voudront poursuivre leurs dépenses en immobilisations.

Leurs fournisseurs canadiens auront encore des débouchés.