Quelques précautions, sait-on jamais...

Quelques précautions, sait-on jamais...

Marié depuis 2000, Stéphane sent son couple chanceler. «Il n'est peut-être pas aussi solide qu'il n'y paraît, confie-t-il. Depuis près de cinq ans, il arrive que Madame mentionne la possibilité d'un divorce.»

Pour l'instant, la présence de leur jeune enfant réussit à étayer le fragile édifice. Néanmoins, ajoute-t-il, «je dois gérer la possibilité d'un divorce dans ma planification financière».

Si son ménage était plus solide, il utiliserait son placement non enregistré de 60 000$ pour combler son REER, puis appliquerait le remboursement d'impôt au prêt hypothécaire.

Mais voilà: en cas de divorce, la moitié du REER qu'il aura accumulé sera cédé à sa conjointe. «La maison serait vraisemblablement divisée en deux, alors que mes placements non enregistrés me demeureraient», évalue-t-il.

Si Stéphane croit qu'une partie de ses actifs est soustraite au partage en cas de divorce... il n'a pas tort.

«La Loi sur le patrimoine familial prévoit un partage en parts égales pour des actifs spécifiques comme les régimes de retraite, les REER, la résidence principale, le chalet, les meubles, la voiture et les autres actifs servant principalement à la famille», rappelle le planificateur financier François Morency, président d'Aviso, les conseillers financiers.

Cependant, Stéphane est marié sous le régime de la société d'acquêts. Selon ce régime, tous les biens et actifs acquis durant le mariage sont mis en commun, à l'exception des héritages et des possessions de chacun avant l'union.

Quelles sont les conséquences pour les actifs de Stéphane? François Morency en a parcouru la liste avec Me Claire Champoux, avocate en droit familial.

Le REER et les placements

Les actifs détenus en REER (160 000$) et les placements non enregistrés (60 000$) doivent tous être partagés en deux parts égales.

Une exception est accordée pour les actifs que Stéphane détenait déjà au moment du mariage, soit 28 000$ en REER et 20 000$ en placements non enregistrés.

Encore une nuance, le rendement obtenu sur ces placements durant le mariage doit être partagé. Stéphane a récemment contracté un prêt levier de 35 000$ pour ses investissements: il sera lui aussi soumis au partage.

Le REEE

Stéphane et sa conjointe ont accumulé 5500$ dans un régime enregistré d'épargne-études au nom de leur enfant.

«Ce REEE appartient à l'enfant mais les parents doivent s'entendre pour identifier la personne qui aura la responsabilité de sa gestion et des retraits», observent les deux spécialistes. Il faudra également fixer les futures contributions de chacune des parties au régime.

La résidence

Peu après son mariage, le couple a acheté une maison valant maintenant 310 000$, grevée d'un solde hypothécaire de 139 000$.

Or, une partie de la mise de fonds initiale, soit 55 000$, provient du fruit de la vente de la propriété que Stéphane possédait avant le mariage. En principe, cet apport devrait être déduit de la valeur de la résidence actuelle.

«Mais s'il ne l'a pas exclu des acquêts au moment de la signature du contrat d'achat de la nouvelle résidence, sa conjointe pourrait argumenter qu'il a renoncé à son droit de se réserver ce bien propre», préviennent nos experts.

Les régimes de retraite

Pour sa retraite, Stéphane ne compte que sur ses épargnes, mais sa conjointe bénéficie depuis le milieu des années 90 d'un régime complémentaire de retraite avec son employeur.

La valeur totale accumulée dans ce régime durant le mariage, y compris la contribution de l'employeur, doit être partagée entre les conjoints.

Le même principe pourrait s'appliquer à la valeur des contributions à la RRQ durant le mariage, mais le plus souvent, ces sommes sont exclues du partage.

Pension alimentaire

D'un patrimoine familial de 376 000$, Stéphane garderait donc en propre 103 000$.

Environ 268 000$ seraient mis en partage, desquels il récupérerait 134 000$. Il conserverait donc 63% du patrimoine total, plus sa part de la valeur du régime de sa conjointe, dont la valeur est indéterminée.

Stéphane n'aurait pas à verser de pension à sa conjointe, mais il devra assumer sa part des dépenses de leur enfant. Dans le cas où madame en aurait la garde exclusive, Me Champoux estime la contribution alimentaire totale des deux parents à 10 070$ par année.

Parce qu'il touche un revenu plus élevé, Stéphane aurait à en assumer quelque 6100$, plus une contribution aux dépenses de garderie, de camps de jour et autres. Si la garde est partagée, Stéphane devrait verser une pension alimentaire de 1092$ par année.

On se résume...

En cas de divorce, «tout est négociable et une entente entre les parties vaut mieux que la décision arbitraire d'un juge», insistent les deux experts.

Si Stéphane opte définitivement pour le divorce, «il serait préférable qu'il fasse diligence afin de limiter la valeur du patrimoine qui sera partagé, indiquent-ils. Elle augmente avec le temps et avec ses revenus gagnés.»

Mais s'il préfère accorder du temps à son couple, devrait-il être parcimonieux dans l'utilisation de ses actifs?

Comme on l'a vu, l'essentiel du patrimoine sera soumis au partage. Dans ces circonstances, mieux vaut agir pour le mieux au bénéfice de l'ensemble de ce patrimoine - maximiser les REER et profiter du remboursement d'impôt pour accélérer le paiement de l'hypothèque, par exemple.

Quelle que soit l'issue de leur relation, Stéphane aura sa part de toute amélioration de la situation financière du ménage.

Et puisqu'on parle de finances personnelles, un petit investissement auprès d'un conseiller conjugal apporterait peut-être quelques dividendes à long terme...