Seize ans après la retentissante faillite de la banque d'affaires Castor Holdings, une première condamnation civile a été rendue dans ce dossier.

Seize ans après la retentissante faillite de la banque d'affaires Castor Holdings, une première condamnation civile a été rendue dans ce dossier.

Un jugement rendu public hier tient responsable les administrateurs de l'entreprise d'un versement illégal de dividende de plusieurs millions de dollars, en 1991. La juge Louise Lemelin somme donc cinq des administrateurs à rembourser 9,7 millions de dollars, plus des intérêts.

L'affaire Castor Holdings a été rendu populaire par sa durée et sa complexité. Il s'agit du plus long procès des anales judiciaires canadiennes. Certains comptables et avocats y ont consacré presque toute leur carrière.

Essentiellement, de nombreuses poursuites ont été intentées dans la foulée de la faillite de cette firme de financement immobilier, en 1992. La firme de Montréal doit 1,5 milliard, en dollars d'aujourd'hui. Castor avait son siège social à Montréal, mais l'entreprise faisait affaire par des filiales incorporées en Suisse, aux Antilles néerlandaises, à Chypre et en Irlande, notamment. Plusieurs administrateurs étaient étrangers.

Le principal dirigeant de Castor, Wolfgang Stolzenberg, a été accusé de fraude au terme d'une enquête policière, mais l'homme n'a pas été retrouvé. Pour récupérer leurs billes, les investisseurs et le syndic de faillite ont donc principalement poursuivi la firme qui vérifiait les états financiers, soit Coopers&Lybrand (devenue aujourd'hui PricewaterhouseCoopers).

Cette poursuite est toujours pendante. Hier, c'est une autre poursuite qui a vu son aboutissement dans cette affaire, celle du syndic RSM Richter contre les administrateurs. Depuis 1992, Richter réclame le remboursement d'un dividende de 15,5 millions versés aux quelques actionnaires de Castor. Ce versement était illégal, selon Richter, parce qu'il a été effectué moins de 12 mois avant la faillite, ce qui est illégal.

Depuis le début des procédures, quatre des administrateurs ont réglé à l'amiable, pour une somme de 5,85 millions. Il reste les administrateurs Wolfgang Stolzenberg, Wolfgang Leser, Peter Ochsner, Walther Stromeyer et Marco Gambazzi. La juge les condamne à verser les 9,7 millions manquants au dividende, plus certains intérêts.

Essentiellement, la juge Lemelin a constaté que Castor était insolvable dès décembre 1990, soit bien avant le versement du dividende de septembre 1991. Elle se base sur le rapport de l'expert comptable au dossier, Bernard Goudreau.

Marco Gambazzi soutient qu'il n'était pas au courant, s'en remettant aux vérifications de la firme Coopers&Lybrand. La juge Louise Lemelin ne le croit pas.

Par son statut d'avocat et de dirigeant de certaines filiales de Castor, «l'intimé Gambazi était informé que Castor et/ou M. Stolzenberg se livrait à un exercice de «window dressing», que l'intimé décrit () comme une façon d'améliorer l'aspect financier du bilan», écrit la juge.

Le jugement décrit notamment des transactions circulaires de plusieurs dizaines de millions de dollars ayant pour but de tromper les créanciers. Certaines passent par la Suisse, les Bahamas et le Panama, notamment. «La conduite et l'attitude de l'intimé Gambazzi démontrent un manque d'attention et de diligence et une participation laxiste à plusieurs transactions», écrit la juge.

L'avocat du syndic Richter, Gerald Kandestin, est satisfait du jugement, qui constituerait selon lui une première condamnation dans ce dossier. Il constate cependant qu'il ne sera pas facile de récupérer l'argent, puisque les administrateurs condamnés sont tous des étrangers, principalement des Suisses. «Ce sera une autre bataille de faire exécuter le jugement à l'étranger», dit-il.