Chaque lundi, Dieter monte dans sa voiture pour se rendre de Heidelberg à Berlin, une randonnée de plus de 600 kilomètres. Il travaille toute la semaine à Berlin et ne voit pas sa famille.

Chaque lundi, Dieter monte dans sa voiture pour se rendre de Heidelberg à Berlin, une randonnée de plus de 600 kilomètres. Il travaille toute la semaine à Berlin et ne voit pas sa famille.

Fort heureusement, le gouvernement allemand lui rembourse une partie de ses déplacements, dans le cadre d'un programme de lutte contre le chômage.

Quand les modalités des programmes antichômage allemands ont fait l'objet d'articles dans la presse internationale le mois dernier, le mot d'un sous-ministre allemand à l'économie s'est mérité une place de choix dans les pages économiques des quotidiens anglo-saxons: «Je ne vois rien de mal à aider nos chômeurs à se trouver du travail à l'étranger.»

L'idée est simple: pour éviter de devoir verser de l'assurance-chômage - plus généreuse en Europe qu'au Canada - l'État préfère financer les emplois. Pour les déplacements à l'étranger, des primes pouvant aller jusqu'à 10 000$ peuvent être versées, libres d'impôt.

Pour les emplois qui se trouvent dans une autre ville allemande, les déplacements et le maintien de deux domiciles peuvent être compensés par des allégements fiscaux pendant plusieurs années.

Les quelque 200 autorités locales ont beaucoup de latitude pour l'attribution des primes et des allégements fiscaux, comme le montre le fait que les autorités nationales n'ont pas été capables de fournir des chiffres totaux à l'agence Reuter qui faisait enquête sur la question.

Cette politique permet aux Allemands qui cherchent du travail à l'étranger de publier par exemple des annonces dans les Canaries indiquant que «tous les coûts de voyage et de déménagement seront défrayés par le gouvernement allemand».

Les déménagements vers le Canada sont aussi remboursés. Plus de 150 000 Allemands émigrent chaque année, un taux 10 fois plus élevé qu'au Canada. L'Allemagne a un taux de chômage de 8%, contre 7% pour l'Union européenne.

Le gouvernement allemand a ouvert son «service de placement international» en 2001. Il offre des Mobilitätshilfe et des Mobilitätsprämie, de l'aide et des primes à l'émigration, qui vont des cours de langue aux formations permettant aux plombiers allemands de s'adapter aux marchés étrangers.

Ce mouvement de population est paradoxal, dans un pays qui a connu une massive émigration juive dans les années 1930, puis a importé des centaines de milliers de travailleurs méditerranéens dans les années 1960 et 1970 à cause d'un manque de main-d'oeuvre.

Selon l'Union européenne, aucun autre pays du continent n'a de tels programmes. Seule l'Autriche rembourse une partie des frais de déménagements liés à un emploi, limités à 8000$ et aux mouvements à l'intérieur du pays. La France a envisagé de telles mesures, mais les a rejetées, selon Reuter.

Le Canada aussi a des avantages fiscaux pour les déménagements liés à l'emploi, mais ils ne peuvent être réclamés que pour une seule année. Les allers-retours entre deux domiciles ne sont pas facilités.

«Entre un chômeur et quelqu'un qui travaille et paie des impôts, même avec des allégements qui lui permettent de déduire ses déplacements entre ses deux domiciles, le choix est clair», explique Werner Eichhorst, professeur de politique du travail à l'Institut pour l'étude du travail à Bonn.

«Évidemment, la question est plus compliquée dans le cas d'une personne qui trouve du travail à l'étranger. Il s'agit généralement de travailleurs plus jeunes et plus qualifiés. Mais à court terme, l'impact sur le budget gouvernemental est positif.»

Mais même les démographes pessimistes ont des avis partagés.

Au début de l'année, l'économiste en chef de la Deutsche Bank, qui sonne régulièrement l'alarme sur le problème de la faible croissance démographique du pays, a donné son appui aux programmes favorisant l'émigration des chômeurs, parce qu'il s'agit d'un nombre de personnes trop faible pour avoir un impact démographique important, tout en ayant un effet immédiat sur les dépenses de l'assurance chômage.