Depuis quelques années, l'univers stable qu'Hélène s'était patiemment construit a été ébranlé jusque dans ses fondations.

Depuis quelques années, l'univers stable qu'Hélène s'était patiemment construit a été ébranlé jusque dans ses fondations.

Il y a cinq ans, elle a essuyé une faillite et une perte de 500 000$. Profondément affecté par cet échec commun, son conjoint l'a alors quittée. "Je me retrouve avec un revenu réduit et seule pour la première fois en 30 ans", indique-t-elle.

Âgée de 58 ans, et depuis peu retraitée de l'enseignement, elle souffre d'insécurité depuis cet échec: "Je ne suis pas dans une situation financière critique, mais je suis devenue tout simplement incapable d'ouvrir ma bourse."

Sa situation n'est pas critique, en effet, comme l'ont démontré les chiffres qu'elle a ensuite communiqués à notre planificateur invité - chiffres qui risquent de faire encore grincer les dents de quelques lecteurs.

Hélène touche une rente de retraite de la fonction publique de 42 000$ par année. Elle a cumulé plusieurs emplois et travaillé intensément pour accumuler 500 000$ dans un portefeuille non enregistré, dont elle tire un revenu annuel approximatif de 15 000$, et 220 000$ en épargnes REER, explique-t-elle.

Il ne semble pas y avoir lieu de s'inquiéter. "Ayant vécu la pauvreté jeune, j'ai des ressacs émotionnels de cette situation", précise néanmoins Hélène. Depuis la faillite subie il y a cinq ans, elle se "serre la ceinture de tous côtés".

Psychologie financière

Tout cela nous amène à faire un peu de psychologie financière avec le planificateur financier Martin Dupras, vice-président chez Aon Conseil.

"Généralement, quand survient la retraite, notre attitude face aux sommes épargnées change", observe-t-il. En effet, le retraité passe alors d'un mode d'accumulation à un mode de décaissement. "Plutôt que de gérer nos épargnes, on doit maintenant gérer une partie plus ou moins importante de nos revenus!"

Or, certains effectuent cette transition avec peine. Deux réactions extrêmes et opposées peuvent s'ensuivre, qui entraînent toutes deux leur cortège de conséquences néfastes. Le retraité qui ne participe à aucun régime de retraite mais qui dispose tout de même d'une certaine épargne - cinq fois son revenu annuel, par exemple - pourrait avoir une fallacieuse impression de richesse.

Fausse pauvreté

À l'inverse, la personne qui se voit "bombardée de toutes parts de recommandations de prudence face aux principaux risques reliés à la retraite" pourrait développer un sentiment de fausse pauvreté.

C'est cette dernière déformation de perspective qui pourrait affecter Hélène, dont les perceptions peuvent être exacerbées par ses expériences antérieures. "Il est intéressant de noter que de telles réactions sont parfois aussi observées chez les particuliers même parmi les mieux nantis", souligne notre planificateur.

Seule solution pour redonner quelque sérénité à Hélène: évaluer objectivement sa situation et établir un plan financier réaliste.

Trois grands risques menacent la retraite. La longévité, d'abord. Vivre à un âge avancé constitue un risque majeur pour la personne qui tire de ses épargnes une portion importante de ses revenus de retraite. Parvenue à 58 ans, Hélène a une espérance de vie d'approximativement 28 ans, ce qui la mène à 86 ans. Pour se prémunir contre le risque de longévité, elle pourrait utiliser une partie de ses actifs pour faire l'acquisition d'une rente viagère auprès d'un assureur vie. Elle peut plutôt planifier l'utilisation de son épargne en ajoutant une marge de sécurité de cinq ans à son espérance de vie, ce qui étale le décaissement sur une période de 33 ans.

Deuxième risque: la volatilité des investissements. "Pour s'en prémunir, une portion plus importante des épargnes devrait être investie en revenus fixes", recommande Martin Dupras. Le montant et l'échéance de ces titres pourraient même être organisés de telle sorte qu'ils répondent aux besoins annuels de retraits pour une période de cinq à dix ans.

Dernier risque, enfin: l'inflation: Si les revenus ne progressent pas au rythme de l'accroissement du coût de la vie, le pouvoir d'achat et le niveau de vie diminuent en pratique. Selon Martin Dupras, les projections de revenus devraient inclure une hypothèse d'inflation raisonnable, de l'ordre de 2% par année. "Dans la mesure où le régime de retraite d'Hélène n'est indexé que partiellement, elle devra compenser par des retraits de ses épargnes de plus en plus importants", ajoute-t-il.

Des coussins

En tenant compte de ces divers risques, comment se présente la retraite d'Hélène? Sa résidence principale et son chalet, qu'elle souhaite conserver le plus longtemps possible, ne seront pas pris en compte, mais serviront de coussins de sécurité de dernier recours.

Martin Dupras a étendu la période de décaissement sur 33 ans et utilise des hypothèses de rendement annuel net de 5% et d'inflation de 2%. Dans ces conditions, il calcule qu'Hélène pourrait effectuer des retraits de son compte non enregistré de 25 000$ en 2008, 26 000$ en 2009, pour ensuite les moduler en fonction des paiements de la RRQ (7430$) en 2010 et de la PSV (6028$) en 2015. Les REER ne seront pas mis à contribution avant 71 ans.

Avec ce programme, Hélène peut compter sur un pouvoir d'achat de 56 000$ par année jusqu'à 91 ans.

Sans inquiétude ni ceinture trop serrée.

LA SITUATIONHélène, retraitée de 58 ans, a subi il y a cinq ans une perte de 500 000$, ce qui lui a coûté son mariage et sa sérénité. Elle est depuis incapable de dépenser sans s'inquiéter. De combien dispose-t-elle réellement pour vivre?

LES CHIFFRES

Rente du RREGOP: 42 000$

Portefeuille hors REER: 500 000$

Portefeuille REER: 220 000$

Condo d'une valeur approximative de 450 000$ (libre de dettes)

Chalet d'une valeur approximative de 125 000$ (libre de dettes)

LA RÉPONSE

Elle peut dépenser 56 000$ par année jusqu'à 91 ans, avec une indexation de 2% par année... et sans vendre ses propriétés.

"À intervalle régulier, on peut refaire l'étude en repoussant quelque peu l'âge d'épuisement du capital, selon l'état de santé." - Martin Dupras

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