Des centaines de produits de viande rappelés d'une usine contaminée à la listériose. Plusieurs morts et des dizaines de malades graves qui auraient consommé des charcuteries suspectes.

Des centaines de produits de viande rappelés d'une usine contaminée à la listériose. Plusieurs morts et des dizaines de malades graves qui auraient consommé des charcuteries suspectes.

Pour Aliments Maple Leaf [[|ticker sym='T.MFI'|]], le plus gros transformateur alimentaire au Canada, il s'agit de la pire crise de son histoire centenaire, admet son président et chef de la direction, Michael McCain, membre de la famille milliardaire des frites surgelées.

Et au-delà de la crise sanitaire à court terme - «notre première préoccupation», clament les patrons de Maple Leaf -, la santé financière même de l'entreprise se retrouve encore plus fragilisée qu'elle ne l'était déjà.

À preuve, les investisseurs boursiers ont carrément largué ses actions hier à la Bourse de Toronto. Elles ont terminé la séance en chute de 10% à 8,80$ l'action, sa pire cote depuis mars 2001.

Cette baisse aggrave celle amorcée à la fin de la semaine dernière, au moment des premiers échos à Toronto d'un problème grave à l'usine locale de Maple Leaf.

Le résultat? Cette crise sanitaire qui empire de jour en jour a retranché au moins 200 millions de dollars à la valeur boursière de l'entreprise. Cette déveine rehausse aussi à 41% la baisse de valeur de Maple Leaf en Bourse depuis un an, au fil de résultats mitigés et d'une restructuration encore difficile de sa division des viandes, justement.

En conférence avec les analystes financiers hier, les patrons de Maple Leaf ont estimé à «un peu plus de 20 millions» les coûts immédiats de cette crise.

Mais cette estimation ne comprend que les frais du rappel et de la destruction des produits à risque, ainsi que la fermeture temporaire et le nettoyage complet de l'usine de Toronto.

Cette usine devrait rouvrir dès aujourd'hui. Mais qui voudra de ses produits, et de tous les autres étiquetés Maple Leaf?

Déjà hier, des chaînes de restauration comme Boston Pizza ont annoncé le retrait de charcuteries Maple Leaf de leurs recettes.

Dans l'ouest du Canada, deux sandwicheries industrielles ont rappelé de nombreux produits parce qu'ils contiendraient des charcuteries à risque.

Au Québec, le principal fabricant du genre, Aliments Martel, d'ailleurs acquis par Maple Leaf en janvier dernier, s'estime à l'abri d'un tel problème.

«Nous n'utilisons pas de charcuteries de l'usine de Toronto», a indiqué Ann Nolan, directrice chez Aliments Martel. L'entreprise a deux usines à Lévis et Gatineau, qui regroupent 400 salariés.

Par ailleurs, quels seront les dommages de cette crise de la marque Maple Leaf aux yeux des consommateurs? Et même envers la majorité de ses produits qui n'ont rien à voir avec l'usine contaminée de Toronto?

«Nous sommes incapables à ce moment-ci d'évaluer l'impact de cette crise sur nos ventes prochaines», a admis aux analystes Michael Vels, chef financier des Aliments Maple Leaf.

«Mais nous croyons qu'en étant ouverts et transparents pour corriger la situation, les consommateurs verront nos efforts et qu'ils regagneront confiance envers notre marque.»

Un tel voeu pourrait prendre quelques semaines, sinon quelques mois à se vérifier.

Gestion de crise

Dans l'immédiat, des analystes qui surveillent Maple Leaf lui accordent une bonne note initiale de gestion de crise.

«L'entreprise a réagi au-delà de ce qu'elle était tenue de faire jusqu'à maintenant. Mais comment les consommateurs le verront-ils? Certains remarqueront ces efforts, mais d'autres craindront le risque et décideront d'éviter les produits Maple Leaf», selon Robert Gibson, analyste chez Octagon Capital, à Toronto.

À l'instar d'autres analystes, M. Gibson garde inchangée sa recommandation de «maintien en portefeuille» envers les actions de Maple Leaf.

Toutefois, il a renversé d'un léger profit à une perte nette sa prévision de prochains résultats trimestriels pour Maple Leaf.

Selon ses dirigeants, les frais immédiats de la crise sanitaire à l'usine de Toronto seront inscrits aux résultats du troisième trimestre, qui se termine le 30 septembre.

Quant à l'impact sur les ventes des produits Maple Leaf aux magasins de détail, aux restaurants et aux institutions, les actionnaires et les employés de l'entreprise devront patienter un peu.

La division des viandes compte pour les deux tiers du chiffre d'affaires de 5,1 milliards de Maple Leaf. Mais il s'agit d'activités mises à mal depuis plusieurs trimestres, avec un déclin des ventes de 8% au plus récent rapport annuel.

Aussi, d'un trimestre à l'autre, les frais de restructuration de la division des viandes pèsent encore lourd contre le résultat net de Maple Leaf.

ALIMENTS MAPLE LEAF EN UN COUP D'OEIL

Siège social : Toronto

Activités : transformation alimentaire (viandes, boulangerie)

Filiales : Schneiders, Pain Canada, Aliments Martel, Équarissage Rothsay

Principales marques au Québec :

VIANDES : Coorsh, Hygrade, Maple Leaf, Parma, Roy, Schneiders

BOULANGERIE : Bon Matin, POM, Durivage, Martel

Effectifs : 23 000 dont 1450 au Québec

Principaux actionnaires :

caisse de retraite Teachers' (33%), famille McCain (Wallace, Michael et Scott, 32%)

Sources : Bloomberg, Aliments Maple Leaf et iCriq.com