Si 45 millions de touristes chinois visiteront le monde en 2008, la plupart devront passer devant la porte du Canada, sans s'arrêter, faute d'accord d'Ottawa avec Pékin.

Si 45 millions de touristes chinois visiteront le monde en 2008, la plupart devront passer devant la porte du Canada, sans s'arrêter, faute d'accord d'Ottawa avec Pékin.

«Les États-Unis attendent 500 000 touristes chinois en 2009, soit le double d'il y a trois ans», souligne Michel Archambault, directeur de la chaire de tourisme de l'ESG-UQAM.

Depuis juin dernier, les États-Unis voient ainsi la manne touristique chinoise commencer à déferler sur leurs côtes, dont à New York, comme l'ont constaté des lecteurs. C'est que, malgré des litiges, Washington a obtenu de Pékin, le 11 décembre 2007, le statut de destination approuvée (SDA), souligne Kevin Desjardins, porte-parole de l'Association de l'industrie touristique du Canada (AITC), après une étude de 30 pages. Ce statut permet à tous les touristes chinois intéressés d'obtenir de Pékin une autorisation de visiter un pays.

Et les États-Unis ne sont pas les seuls: 70% des pays, soit 134, ont obtenu le SDA, mais pas le Canada, après 10 ans de tentatives.

Au G8, Stephen Harper a discuté avec Hu Jintao, mais pas du SDA pour le Canada, confirme le porte-parole, Jean-Philippe Payment. Quant à David Emerson, ministre des Affaires étrangères, il séjourne à Pékin, mais pour «y appuyer les athlètes canadiens» seulement.

La Chine a promis dès 2005 d'accorder le SDA au Canada, déclare par ailleurs Renée S. David, porte-parole des Affaires étrangères, mais «l'accord n'est toujours pas en place». David Emerson espère toujours que Pékin amorce les négociations, mais la CCT craint de devoir faire son deuil du SDA dans un proche avenir.

Entre-temps, le Canada accuse un déficit de près de 8 milliards dans les voyages internationaux, souligne Michel Archambault, malgré des dépenses de 70 milliards des touristes au Canada qui donnent du travail à deux millions de Canadiens.

C'est urgent de corriger le tir, selon Kevin Desjardins de l'AITC. «C'est inquiétant. La Chine et les États-Unis montent des réseaux touristiques et le Canada, en retard, devra travailler plus fort».

Ça vaudrait son pesant d'or d'avoir le SDA car 300 millions de Chinois disposent des moyens de voyager, selon la CCT, soit 10 fois la population du Canada, un pays en outre boudé par son principal marché touristique, les États-Unis.

Des gens d'affaires et des étudiants de Chine peuvent venir au Canada et des visites familiales sont permises, mais les autres ne peuvent pas demander un visa pour le Canada, qui ne profite pas ainsi de la manne chinoise, à un moment crucial, qualifié de «crise touristique» par Randy Williams, PDG de l'AITC. Sans les touristes chinois, l'industrie canadienne est «au bord du précipice», dit-il. La visite de Chine augmente malgré tout de 30% depuis 2005, dit Renée S. David.

Les États-Unis prévoient augmenter de plus de 10% leurs touristes chinois grâce au SDA, souligne Michel Archambault. Montréal n'est pas loin de New York, qui peut servir de porte d'entrée au Canada pour les Chinois. Air Canada et Air China ont par ailleurs des vols entre Shanghai et Toronto.

Des hôtels et restaurants s'impatientent, car seulement 156 000 Chinois ont débarqué au Canada l'an dernier, déclare Michel Archambault. Si cette visite a augmenté de 13,6% de janvier à avril 2008, le SDA aurait fait beaucoup mieux, dit-il.

Le Canada trouve près des trois quarts de ses 20 millions de touristes aux États-Unis, mais ils découvrent d'autres destinations et leur nombre a chuté encore de 11,7% de janvier à avril dernier, note Michel Archambault.