L'ex-premier ministre Paul Martin pourra vraisemblablement se divertir sur son terrain de golf privé à Lac-Brome en toute quiétude dès le printemps.

L'ex-premier ministre Paul Martin pourra vraisemblablement se divertir sur son terrain de golf privé à Lac-Brome en toute quiétude dès le printemps.

La Commission de protection du territoire agricole a changé d'avis et devrait autoriser ce golf de six trous sur huit hectares d'ici la fin du mois.

La commission, qui avait rendu une «orientation préliminaire défavorable au projet» le 10 septembre dernier, s'est finalement ravisée après avoir entendu les représentants de M. Martin lors d'une rencontre publique tenue le 24 octobre dernier.

À cette occasion, M. Martin était accompagné de sept personnes, dont une biologiste et un ingénieur de l'entreprise Genivar qui ont décrit le secteur où se trouve sa ferme.

Le concepteur, l'arpenteur-géomètre, le gérant de la ferme, le procureur de M. Martin et un représentant de la firme National étaient aussi présents.

Ils ont fait valoir que le terrain où se trouve la propriété de M. Martin et son golf est vallonné, le potentiel agricole y est faible et qu'il s'agit d'un «golf personnel de pratique» réservé à l'ex-premier ministre et ses proches.

Aucun bâtiment n'y sera construit.

M. Darrell Huxham, concepteur de terrains de golf, a fait valoir qu'à sa connaissance, seulement trois terrains de golf de ce type ont été aménagés en 20 ans.

Un argument qui pourrait rassurer la CPTAQ qui s'apprêtait à refuser la demande l'automne dernier de peur qu'une autorisation suscite d'autres demandes semblables «dans le voisinage du site visé» ou «dans des milieux comparables».

Données erronées

Mais le plus étonnant, c'est que lors de cette rencontre les représentants de M. Martin ont mentionné que les travaux d'aménagement du terrain de golf avaient été réalisés «en toute bonne foi après avoir reçu l'approbation de la municipalité». Ce qui n'est pas tout à fait le cas.

La Ville a déjà expédié des constats d'infraction d'une valeur totale de 2200 $ à l'entrepreneur qui a réalisé les travaux pour avoir coupé des arbres en bordure d'un ruisseau sans certificat d'autorisation et pour avoir coupé trop d'arbres sur les rives d'un cours d'eau.

L'inspecteur municipal et urbaniste de la ville de Lac-Brome, Marc Béland, a écrit à la CPTAQ pour faire une mise au point à ce sujet.

«La Ville n'a jamais autorisé la construction du golf, précise-t-il. J'espère que le fait que le golf soit déjà commencé n'est pas une raison pour l'autoriser.»

M. Béland croit qu'une décision favorable de la CPTAQ envers l'ex-premier ministre pourra susciter de la grogne dans la population.

«Il y a des gens qui demandent 5000 mètres pour construire une maison et ils ne l'ont pas. C'est sûr qu'il y a des citoyens qui vont demander comment ça il obtient l'autorisation et pas eux. Il y a un endroit sur le chemin Knowlton où des gens voulaient transformer un étang privé en un étang de pêche pour amener des écoles. Et ils ne l'ont pas eu», continue-t-il.

Plaider l'ignorance

Autre passage pour le moins étonnant... Les représentants de M. Martin ont fait valoir que si les travaux ont été exécutés sans autorisation de la CPTAQ, c'est à cause de la «méconnaissance de la part du demandeur qui prend sur lui toute la responsabilité».

Un demandeur qui est en l'occurrence l'ancien premier ministre du Canada.

Au bureau de Paul Martin, on refuse de commenter la nouvelle en nous référant au concepteur du terrain de golf, M. Martin n'étant pas disponible. Il a été impossible hier d'obtenir des éclaircissements à ce sujet auprès de la compagnie Huxham golf design inc.

Le maire de Lac-Brome, Richard Wisdom, ne remet pas en question la dernière opinion émise par la CPTAQ.

«Ils ont fait une erreur - les gens qui ont exécuté les travaux. Ça n'a pas été bien fait. Mais s'ils peuvent convaincre la CPTAQ, on n'a rien à dire là-dedans», indique-t-il. À Lac-Brome, Paul Martin est un citoyen comme les autres, assure le maire.

«C'est sûr que c'est un ex-premier ministre. Il est un payeur de taxes. Mais il n'a pas de traitements de faveur.»

Le directeur des services professionnels de la CPTAQ, Lévis Yockell indique que les gens mécontents disposaient de 10 jours après le dépôt de cet avis de modification de l'orientation préliminaire pour faire valoir leur point de vue.

La décision aurait pu être révisée si des faits nouveaux avaient été portés à la connaissance de la commission. À l'exception de la lettre de l'urbaniste de la Ville de Lac-Brome, la CPTAQ n'a rien reçu.

Normalement, elle devrait rendre une décision favorable à M. Martin d'ici la fin du mois. Les gens insatisfaits auront ensuite 30 jours pour contester cette décision devant le Tribunal administratif du Québec.

M. Yockell précise qu'il n'est pas exceptionnel que la CPTAQ donne une première évaluation défavorable puis change d'avis. Que le demandeur soit un ex-premier ministre n'y change rien, semble-t-il.

«La CPTAQ évalue chaque demande au mérite selon les critères prévus dans la loi, peu importe qui sont les individus qui la font», assure M. Yockell.