La ville de Detroit se fait belle ces jours-ci. À compter d'aujourd'hui (samedi), la capitale américaine de l'automobile accueille les constructeurs du monde entier à l'occasion de son salon de l'auto, le plus important du monde.

La ville de Detroit se fait belle ces jours-ci. À compter d'aujourd'hui (samedi), la capitale américaine de l'automobile accueille les constructeurs du monde entier à l'occasion de son salon de l'auto, le plus important du monde.

La ville de l'automobile a beau se faire belle pour la visite, le coeur n'y est pas. C'est que son Big Three a les blues.

Avec la hausse du prix du pétrole et la menace d'une récession, les trois constructeurs américains - General Motors, Ford et Chrysler, tous établis à Detroit - s'attendent à une année difficile en 2008.

Pour la huitième année consécutive, les ventes de véhicules devraient diminuer aux États-Unis. L'économiste en chef de Ford prévoit que les ventes totales aux États-Unis passeront de 16,2 à 15,7 millions de véhicules en 2008.

General Motors est plus optimiste à 16 millions de véhicules, mais seulement à condition de consentir des rabais additionnels aux consommateurs.

Les observateurs indépendants sont plus pessimistes. Selon la Financière Banque Nationale, les Américains n'achèteront que 15,5 millions de véhicules en 2008.

«Les ventes de véhicules diminuent habituellement durant une récession», écrit Kelvin Cheung, analyste à la Financière Banque Nationale.

L'an dernier, les ventes ont diminué de 2,5% aux États-Unis, atteignant ainsi leur plus bas niveau depuis 10 ans. Ce sont les ventes du Big Three, en baisse de 7,3%, qui ont été touchées le plus sévèrement.

Pendant ce temps, les constructeurs asiatiques et européens ont vu leurs ventes augmenter respectivement de 3,3% et 2,9%. Signe que les temps changent au pays de l'Oncle Sam, Toyota a dépassé Ford l'an dernier au deuxième rang des constructeurs les plus populaires aux États-Unis.

Avec un portrait aussi sombre, pas étonnant que Detroit ne soit pas d'humeur à la fête durant son salon de l'auto.

«Les constructeurs japonais sont en meilleure position que les constructeurs américains, dit Ephraim Levy, analyste boursier chez Standard & Poor's à New York. Les Américains essaient toutefois de changer la situation, notamment grâce aux ententes conclues l'an dernier avec les employés. Ces ententes ont permis de réduire les coûts d'opération des constructeurs américains.»

Entre le Big Three américain et son équivalent japonais - Nissan, Honda et Toyota - Ephraim Levy préfère les constructeurs étrangers.

Il recommande d'ailleurs d'acheter les actions de Nissan et Honda. Selon lui, les détenteurs des titres de Ford et Toyota devraient les conserver, alors qu'il recommande de vendre les actions de General Motors.

«Les Japonais ont l'avantage d'offrir des véhicules qui consomment moins d'essence, un critère de plus en plus important pour les consommateurs avec la montée du prix de l'essence, explique Ephraim Levy. Toyota et les sociétés japonaises ont tiré des leçons de la crise du pétrole vers la fin des années 70 en développant des petites voitures qui consomment peu. Avant de développer ce créneau, leurs parts de marché étaient très faibles aux États-Unis.»

Le Big Three de Detroit tente de combler son retard face à ses rivaux japonais en matière d'efficacité énergétique.

Dimanche dernier, GM s'est associé à un producteur d'éthanol. Mais encore une fois, les efforts des Américains ont été éclipsés par leurs rivaux japonais: le même jour, Toyota annonçait la création d'une série de véhicules hybrides "plug-in" pour 2010.

Plus que la question environnementale, c'est la crise immobilière qui fera mal aux constructeurs américains cette année.

En effet, les soubresauts de l'économie américaine risquent de diminuer les ventes de camions, un marché dominé à 83% par le Big Three de Detroit.

«La construction résidentielle commence à ralentir, et les entrepreneurs immobiliers sont justement parmi les plus grands acheteurs de camions», dit Ephraim Levy.

Malgré tout, les États-Unis resteront le marché automobile le plus important au monde en 2008.

«Aux États-Unis, la culture de l'automobile est très forte, dit Ephraim Levy. Sauf quelques exceptions comme à New York, les transports en commun ne sont pas assez développés pour que les Américains puissent se passer d'une voiture.»

La prochaine bataille ne se fera toutefois pas au pays de l'Oncle Sam, prévient Ephraim Levy.

«Au cours des prochaines années, la croissance du marché de l'automobile aura lieu dans les marchés émergents comme la Chine, la Russie, l'Inde et l'Amérique latine», dit-il.

La grippe canadienneC'est bien connu: quand les États-Unis toussent, le Canada attrape la grippe. Les difficultés des constructeurs américains ne sont donc pas sans conséquence pour les fabricants de pièces automobiles au Canada.

Devant la menace d'un ralentissement de la production en Amérique du Nord, la Financière Banque Nationale a réduit ses cours cibles sur les titres de Magna International (de 130 $ US à 114 $ US), Linamar (de 30$ à 27$) et de Martinrea International (de 24$ à 18$).

Les fabricants canadiens de pièces automobiles ont vu leur titre subir une forte baisse depuis le début de l'année: -4,9% pour Magna International, -19,3% pour Linamar et -15,1% pour Martinrea International (rendements en date du 16 janvier à la fermeture de la Bourse de Toronto).