Les aéroports canadiens ont vécu une véritable métamorphose depuis 15 ans.

Les aéroports canadiens ont vécu une véritable métamorphose depuis 15 ans.

Voici une visite guidée des quatre plus grands aéroports du Canada. Avec leurs forces et leurs faiblesses.

L'aéroport Montréal-Trudeau: du progrès et des reproches

L'aéroport Montréal-Trudeau est presque désert en ce début d'après-midi neigeux. L'heure de pointe commencera seulement dans quelques heures. Mais à l'extérieur, ça n'arrête pas.

Des centaines de travailleurs s'activent depuis l'aube à construire le nouveau hall des départs transfrontaliers et un hôtel haut de gamme, qui seront prêts au début de 2009.

Cet ajout sera plus que bienvenu. L'aérogare connaît une croissance fulgurante. Beaucoup plus rapide que ce qu'avait anticipé le gestionnaire des installations, Aéroports de Montréal (ADM), quand il a lancé son vaste projet d'agrandissement de 1,2 milliard de dollars il y a huit ans.

À l'époque, ADM prévoyait attirer 12,5 millions de passagers en 2011, puis 15 millions quatre ans plus tard. La barre du 12,4 millions a plutôt été atteinte... l'an dernier!

Et on s'attend à accueillir presque 16 millions de passagers en 2013.

«C'est pour ça qu'on a besoin d'aller un peu plus vite qu'on l'avait anticipé», explique le président-directeur général, Jim Cherry.

L'aéroport de Dorval rebaptisé Montréal-Trudeau il y a quatre ans a déjà subi une véritable métamorphose depuis le tournant du millénaire. Ce n'est pas le grand luxe comme à Singapour, Hong-Kong ou même Toronto, mais l'argent investi a fait le plus grand bien.

Parmi les éléments les plus frappants, on trouve la nouvelle jetée internationale, ouverte en juin 2005, et le complexe des arrivées internationales, inauguré en novembre 2004.

Dans ces deux bâtiments, les architectes ont privilégié les plafonds très hauts et l'utilisation de lumière naturelle. Le design est épuré, moderne.

De nouveaux commerces et restaurants, dont un St-Hubert, ont été ajoutés. Une attention particulière a aussi été portée à certains détails qui irritaient au plus haut point les voyageurs et contribuaient à donner à Dorval la réputation d'aéroport du «tiers-monde».

«Il y a maintenant une seule file d'attente pour les taxis plutôt que deux, et les gens attendent à l'intérieur, explique Henri-Paul Martel, vice-président Ingénierie et construction chez ADM. Avant, ils devaient attendre dehors, même en plein hiver!»

Partout dans l'aérogare, les voyageurs se marchent moins sur les pieds qu'auparavant. La superficie réservée aux passagers est passée de 100 000 m2 à 190 000 m2 depuis 2001, indique Normand Boivin, vice-président de l'exploitation aéroportuaire.

Des problèmes

Les problèmes de Montréal-Trudeau ne sont cependant pas tous réglés, loin de là. Des lignes d'attente interminables aux postes de douanes, photographiées par plusieurs voyageurs frustrés en août dernier (et diffusées dans les médias), ont ravivé les critiques.

«Il faut admettre que ça arrive de temps en temps quand tous les vols arrivent en même temps», dit Jim Cherry, prompt à défendre l'image souvent écorchée de son aéroport.

L'arrivée des vols intérieurs peut aussi s'avérer chaotique. Pendant une visite récente de La Presse Affaires, il a fallu plus de 40 minutes avant que les premiers bagages de voyageurs en provenance de Vancouver aboutissent sur le carrousel.

«Peut-être qu'ils ont oublié de sortir les valises de l'avion», disait, mi-figue, mi-raisin, une touriste néo-zélandaise.

La scène était surréaliste. Pendant que les gens s'agglutinaient en attendant leurs bagages, des employés de l'aéroport venaient continuellement garer des dizaines de chariots juste à côté des carrousels, réduisant encore plus l'espace disponible. L'exaspération pouvait se lire sur bien des visages.

Plusieurs voyageurs déplorent en outre le manque de tapis roulants dans l'aérogare, qui les force à marcher de longues distances. Trois nouveaux tapis seront bientôt ajoutés pour pallier cette situation, a-t-on appris.

Les postes de fouilles pré-embarquement seront par ailleurs agrandis au début de 2009, ce qui devrait réduire les longues files d'attente qui se forment souvent aux heures de pointe.

Des critiques plus rares

Malgré certaines critiques, les plaintes sur l'aménagement intérieur et l'efficacité de l'aéroport se font de plus en plus rares, affirme le PDG Jim Cherry.

Le principal problème de Montréal-Trudeau demeure, et de loin, l'absence de lien ferroviaire vers le centre-ville, dit-il.

À l'heure actuelle, les voyageurs doivent prendre un taxi, leur voiture ou encore un autobus pour atteindre l'aéroport.

Ce qui les place en contact direct avec les alentours peu séduisants de l'aérogare et les force à constater le piètre état des routes, dont le rond-point Dorval. Peu flatteur pour l'image de la métropole.

«Pour les gens qui ne sont pas de Montréal, quand vous partez de l'aéroport pour aller vers le centre-ville, ça fait un peu zone sinistrée», dit Stéphane Dubreuil, premier vice-président Stratégie chez Telus, qui prend l'avion au moins deux fois par semaine.

Le projet d'un lien ferroviaire, dans l'air depuis longtemps, s'est souvent enlisé au fil des années. Mais il semble avoir repris du poil de la bête en 2007, alors que trois nouvelles études de faisabilité ont été lancées.

ADM est si confiante qu'elle a fait bâtir la coquille de la future gare ferroviaire sous le nouveau hall des départs transfrontaliers!

«Pour la première fois, nous avons tous les gens derrière nous», soutient Jim Cherry.

Vancouver: en attendant les Jeux

Le Jeux de Vancouver 2010 approchent à grands pas pour tout le monde, y compris pour les responsables de l'aéroport. "Les deux prochaines années seront très occupées: il faut absolument que tous les travaux soient finis pour les Jeux olympiques", dit Chris Gilliland en pointant la future gare de la Canada Line, un train rapide qui atteindra le centre-ville en 26 minutes.

Le directeur des ventes au détail de l'Administration de l'aéroport de Vancouver (AAV) semble très fier en nous faisant visiter les lieux. Avec raison: l'aérogare est régulièrement couronnée dans les sondages comme l'une des meilleures au monde.

Les voyageurs apprécient l'efficacité des installations et la grande variété de commerces et restaurants. Sans parler de la beauté des montagnes environnantes, visibles de presque partout grâce à la généreuse fenestration.

L'art occupe une place prépondérante. Au milieu du hall des enregistrements, on trouve une gigantesque sculpture amérindienne de l'artiste Bill Reid. Partout dans l'aéroport, des oeuvres, petites et grandes, sont disposées. Pour la plupart réalisées par des artistes de la région.

Les concepteurs de l'aéroport ont cherché à intégrer une couleur résolument locale à l'ensemble. Le bois franc qui recouvre les planchers provient de la Colombie-Britannique. Les poutres du hall de départ ont la forme des arbres qui poussent à proximité.

L'aquarium géant qu'on trouve dans la jetée internationale est rempli de poissons... de la Colombie-Britannique, évidemment!

«Beaucoup de gens disaient qu'on aurait dû utiliser des poissons exotiques, aux couleurs éclatantes, mais ça ne nous ressemblait pas, dit Bob Cowan, premier vice-président à l'ingénierie à l'AAV. Nous sommes ici pour refléter notre communauté et on pense qu'on a une histoire très chouette à raconter.»

Une porte vers l'Asie

L'aéroport de Vancouver est le plus fréquenté au Canada après Toronto. Plus de 17 millions de voyageurs y ont passé l'an dernier, dont une bonne proportion allait ou revenait d'Asie.

La forte population asiatique de la région est au coeur du développement de l'aérogare. Tous les panneaux d'affichage sont trilingues anglais, français et chinois. Et bien des commerces ciblent la clientèle orientale, comme cette herboristerie qui vend toute une gamme de médicaments naturels.

Dans la jetée internationale, on trouve une rivière et un bassin artificiels, bordés de fausses roches et de plantes. L'effet est zen et apaisant, surtout avec les chants d'oiseaux diffusés en fond sonore. Mais dès qu'on sort du terminal, des bruits de construction se font toujours entendre.

D'ici aux Jeux olympiques de 2010, il reste notamment à terminer la Canada Line un train léger de 2 milliards de dollars et à finir d'ériger un observatoire panoramique qui sera accessible à tous les passagers.

Bob Cowan est confiant de voir les travaux complétés à temps pour les Jeux. Il faut dire que le gros du travail a déjà été fait, comme en témoigne la somme de 1,8 milliard de dollars investie depuis 1992 dans l'agrandissement et la rénovation de l'aéroport.

Selon M. Cowan, le nouveau train rapide permettra à l'aéroport de Vancouver de se démarquer encore plus sur la scène internationale.

«Hong-Kong peut paraître meilleur, mais ils n'auront pas un train toutes les six minutes comme nous.»

Le train devrait faire son premier trajet en février 2009. Chaque rame pourra transporter 228 passagers.

Calgary: un reflet du boom albertain

Des sculptures de vaches grandeur nature. Des cowboys. Une armée de bénévoles coiffés de l'emblématique chapeau country. L'arrivée à l'aéroport de Calgary ne laisse planer aucun doute: on est bel et bien en Alberta.

Dans les champs qui encerclent l'aéroport, des dizaines de balles de foin géantes attendent d'être ramassées. L'espace est vaste, et c'est tant mieux. Car l'aéroport de Calgary est en voie de devenir le troisième quant

à la fréquentation au Canada devant Montréal , et il devra vite mettre en branle son ambitieux projet d'expansion.

«On veut construire le plus vite possible, parce qu'on est vraiment rendu à pleine capacité vers les États-Unis le matin», dit Bryce Paton, directeur principal des communications et des procédures d'urgence de la Calgary Airport Authority (CAA).

À l'image de la province qu'il dessert, l'aéroport de Calgary vit un véritable boom. Tout le monde veut aller en Alberta ces jours-ci, et les Albertains ont plus d'argent que jamais pour voyager.

L'aéroport a accueilli 12,3 millions de passagers l'an dernier, 52% de plus qu'en 2000. Une ascension rapide qui a toutes les chances de se poursuivre.

«Il n'y a rien qui laisse croire à un ralentissement de la croissance de 9% à 10% par année qu'on a connue depuis trois ans», dit Bryce Paton.

La CAA a investi 800 M$ depuis 1992 pour améliorer et agrandir l'aéroport. Et elle met ces jours-ci la touche finale à un nouveau plan d'expansion, qui culminera en 2013 avec la construction d'une nouvelle piste de décollage de 14 000 pieds (4,3 km), la plus longue au Canada.

Beignets à gogo

L'aéroport de Calgary est compact. On s'y retrouve facilement, ce que les voyageurs apprécient beaucoup. Ils sont aussi assurés de ne jamais manquer de beignets ni de café: le bâtiment compte six Tim Hortons!

Le décor n'a rien d'épuré comme à Toronto. C'est plutôt chargé, avec les statues, photos et installations parfois kitsch exposées un peu partout, mais ça ne manque pas de charme.

En plusieurs endroits, de confortables fauteuils en cuir sont disposés, qui permettent de relaxer en attendant son vol. Les passagers bénéficient presque en tout temps d'une vue dégagée vers l'extérieur grâce aux importantes surfaces vitrées.

L'aéroport a un côté amical, amplifié par l'imposante équipe de bénévoles qui sillonne les lieux en tout temps. Des personnes âgées, surtout, difficiles à rater avec leurs blousons rouges et leurs chapeaux de cowboy blancs.

Ces bénévoles aident les voyageurs égarés à retrouver leur chemin ou envoient un simple «hi!» à ceux qui débarquent de l'avion. «C'est un reflet de Calgary, où le bénévolat est très implanté», dit Bryce Paton.

Et que pense la CAA de la rivalité avec l'aéroport Trudeau, maintenant qu'un maigre nombre de 100 000 passagers les sépare?

«Nous en avons assez, juste à nous occuper de nos affaires pour regarder Montréal, lance M. Paton. Ce n'est pas une partie de football!»

Toronto: 4 G$ plus tard...

La sculpture de Richard Serra qui trône au centre de la jetée F de l'aéroport de Toronto est énorme. Quatorze mètres de long sur cinq de haut. Tellement grosse, en fait, qu'elle a dû être installée par des grues avant qu'on construise le toit du bâtiment!

L'Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (AAGT) ne fait pas les choses à moitié. Environ 70% de l'aéroport a été reconstruit avec grand style depuis 15 ans. Des travaux de 4,4 milliards de dollars.

Il faut dire que l'aéroport Pearson est le plus achalandé au pays, et de loin. Il a accueilli environ 31 millions de passagers l'an dernier, 7 millions de plus qu'en 2001, avant les attentats. "Et on pense atteindre 38 millions d'ici cinq à sept ans", dit Scott Armstrong, de l'AAGT, en marchant dans un terminal tout neuf de l'aérogare.

Au-dessus de nos têtes, le ballet aérien est incessant. Chaque jour, 1200 avions décollent ou atterrissent de Pearson, deux fois plus qu'à Montréal-Trudeau. L'aéroport offre des vols directs vers 153 villes, et de nouveaux transporteurs s'ajoutent chaque année, comme l'ont fait Emirates (Dubaï) et Jet Airways (Inde) en 2007.

La pièce maîtresse de Pearson est sans contredit le terminal 1, inauguré en 2004. "On a passé 10 ans à reconstruire l'aéroport, et l'ouverture de ce terminal a marqué une étape déterminante", dit Scott Armstrong.

Le bâtiment est gigantesque (350 000 mètres carrés), tout en hauteur et en lumière, avec ses murs vitrés.

Les concepteurs de l'aérogare ont tout fait pour faciliter la circulation des passagers. Par exemple en installant un tapis roulant trois fois plus rapide que la norme, le seul du genre en Amérique du Nord.

Le gigantisme de Pearson n'est pas sans causer quelques maux de tête aux voyageurs. Plusieurs se plaignent des longues distances de marche et de la complexité de certains trajets à emprunter pour se rendre à la bonne porte d'embarquement.

Pas de train

Comme à Montréal, un des principaux problèmes est l'accès au centre-ville. Pour l'heure, le moyen le plus efficace demeure le taxi.

Qui coûte plusieurs dizaines de dollars par trajet et n'a rien d'écologique, surtout avec les bouchons monstres qui se forment chaque jour partout à Toronto.

Les dirigeants de l'aéroport rêvent d'un train vers le centre-ville. Les discussions traînent en longueur entre toutes les parties concernées le gouvernement provincial, la Ville, Ottawa.

Malgré cela, l'AAGT a déjà construit les piliers de béton qui soutiendront l'éventuelle ligne de train aux abords de l'aérogare, pour accélérer les choses si le projet aboutit.

L'AAGT compte par ailleurs ajouter plusieurs nouveaux commerces dans l'aéroport au cours des prochaines années, pour ajouter à ses revenus et répondre aux besoins changeants des voyageurs.

«On va installer un spa dans le terminal, et au fur et à mesure que les règles de sécurité amèneront les gens à arriver plus tôt, on va installer d'autres services», explique Janine Gervais, directrice du commerce de détail et du marketing à l'aéroport.