On connaît le cliché: les marchés boursiers poussent les entreprises qui y sont inscrites à gérer à court terme, de trois mois en trois mois. Chez Van Houtte, sortie de la Bourse il y a 18 mois, on vit l'inverse.

On connaît le cliché: les marchés boursiers poussent les entreprises qui y sont inscrites à gérer à court terme, de trois mois en trois mois. Chez Van Houtte, sortie de la Bourse il y a 18 mois, on vit l'inverse.

Assis dans son bureau de la 19e Avenue, Gérard Geoffrion se rappelle le temps pas si lointain où son agenda était plein: comité des ressources humaines, rencontre avec des analystes financiers et des investisseurs, rapports trimestriels, annuels... «Ça prenait près de la moitié de mon temps», dit-il en parlant des obligations liées au fait que Van Houtte était inscrite en Bourse. «J'ai récupéré une partie de ce temps-là et je peux être plus présent dans la business.»

Horizon de temps

Outre cet horaire différent, les décisions prises diffèrent-elles aussi? «Oui, parce qu'il y a toujours un horizon de temps différent... On a beau dire qu'on gère pour le long terme, mais quand on sait qu'on ne rencontre pas les attentes des analystes, le titre peut chuter de 10% ou 15% et ça, personne n'aime ça.»

Un cas concret? L'ingénieur entré chez Van Houtte en 1994 se met à parler de ses visées hors Québec où le cafetier est présent dans les bureaux, mais encore peu dans les épiceries.

La marque Van Houtte n'y a pas la même résonance qu'ici. «On travaille très fort présentement à développer la marque hors Québec. On l'a toujours fait, mais là, on a décidé de mettre les bouchées doubles.»

Il a donc embauché Sylvain Toutant, l'ex de Kruger, de la SAQ et de Réno-Dépôt. M. Toutant est en train de monter son équipe, de faire faire des études de positionnement.

«À court terme, il y a des coûts associés à ça, mais à moyen terme, il va y avoir des bénéfices.»

Et qui dit coût, dit bénéfice moindre... et une action souvent malmenée en Bourse. «On aurait peut-être voulu le faire, on n'aurait peut-être pas osé le faire», dit-il en parlant de ce déploiement en force dans le reste du Canada, décidé après la vente de Van Houtte au fonds américain Littlejohn pour 600 millions en 2007 (le Fonds de Solidarité FTQ garde une participation de 75 millions et la direction détient «2% à 3%»).

La conquête de l'Ouest

Ainsi donc, un des objectifs de Van Houtte est de faire croître son chiffre d'affaires à l'extérieur du Québec, elle qui vend déjà trois millions de tasses de café par jour dans 80 000 points de distribution, pour des revenus annuel de 400 millions. Pour y arriver, elle a embauché la firme Sid Lee (l'ancienne Diesel) pour positionner la marque.

Dans un passé pas si lointain, les dirigeants de Van Houtte disaient et répétaient qu'il n'était pas question pour eux de lancer d'autres bistros, que leurs 65 étaient suffisants. Aujourd'hui, la position a changé. «On est ouverts à regarder ce que ça prend pour développer la marque de façon intéressante», dit-il du bout des lèvres.

Aucune décision n'est prise, assure-t-il, la réflexion se poursuit. Mais on sait déjà que, si Van Houtte ouvre des bistros dans le reste du Canada, ce ne sera pas seulement un ou deux. «Si on veut le faire, il faut le faire avec une masse critique.»

La logique derrière tout ça: créer cette image de marque qui fera en sorte que, une fois à l'épicerie, les gens voudront faire le plein de café VH. «Ce qu'on veut, c'est créer un attachement, un lien, une émotion.»

Et les États-Unis?

Aux États-Unis, la stratégie de croissance est autre. Là, on mise sur ce qui constitue déjà les trois quarts des ventes de l'entreprise, la pause-café, ces machines distributrices qu'on installe dans les bureaux et autres lieux publics, dans les stations-services de Chevron, notamment.

Dans les marchés de New York et de la Californie, Van Houtte a vu ses ventes diminuer de 3% à 5% ces derniers mois. M. Geoffrion espère compenser cette perte de clientèle en installant des machines distributrices qui peuvent offrir des espressos et des lattes. Au total, avec les autres marchés qu'il développe aux États-Unis, il s'attend quand même à une croissance de 5% en 2009, contre les 8% qu'il anticipait.

Au Canada, où seul le sud de l'Ontario a vu les ventes de café ralentir jusqu'à maintenant, les ventes devraient augmenter de 7% cette année. Et la bonne nouvelle dans tout ça, c'est qu'aucun analyste financier n'appelle Gérard Geoffrion pour lui en parler.