Trois, deux, un le décompte est commencé.

Trois, deux, un le décompte est commencé.

Dans quelques semaines, le parquet de Montréal lancera la première Bourse climatique au Canada.

Cette initiative, utile aux entreprises et aux investisseurs, est réalisée en partenariat avec la Chicago Climate Exchange.

«La négociation de contrats à terme sur unités de dioxyde de carbone (CO2) devrait débuter comme prévu le 30 mai prochain», confirme Léon Bitton, vice-président R&D de la Bourse de Montréal.

Signe des temps, depuis l'annonce en 2005, le téléphone de la Bourse montréalaise n'arrête pas de sonner, sa boîte de courriels est pleine et les demandes de conférenciers abondent.

C'est dire l'engouement soulevé par la réduction des émissions de CO2, le principal gaz à effet de serre à l'état naturel.

C'est que la Bourse du carbone risque fort d'enclencher une «révolution verte» en favorisant le développement de technologies et de procédés moins polluants.

Ceux-ci se répercuteront directement sur les activités de production et indirectement sur les consommateurs qui verront apparaître, avec les années, des produits de plus en plus écologiques.

Des changements sont aussi à prévoir du côté du transport en commun, des hôtels, des restaurants, des édifices à bureaux, etc.

«Le Marché climatique donnera un «signal de prix» qui sera influencé par l'offre, la demande et la rareté découlant des normes environnementales du gouvernement fédéral, précise M. Bitton. Ce signal permettra aux décideurs d'évaluer s'il vaut la peine d'investir dans des technologies vertes ou s'il est plus économique d'acheter des crédits d'émission de CO2.»

Comment ça fonctionne?

Tout groupe ou entreprise ayant réussi à réduire d'au moins une mégatonne leurs émissions, ou ayant développé une technologie pour ce faire, pourront émettre des contrats à terme.

«Toutefois, le gouvernement ne reconnaîtra pas n'importe quel effort de réduction, prévient M. Bitton. De plus, les organisations devront produire un rapport et le faire valider par des vérificateurs environnementaux.»

Seule la réduction de ces gaz ou leur disparition après le 1er janvier 2008 pourra donner lieu à ces crédits. Et seuls les projets ayant permis l'amorce d'une réduction après le 1er janvier 2000 seront admissibles, précise Environnement Canada.

Le ministère fédéral aura la tâche de répertorier les surplus ou les déficits dans un registre.

Dès lors, le marché entrera en jeu en permettant de compenser les déficits des uns par les surplus des autres.

Ce marché devrait attirer une brochette variée d'acheteurs de contrats à terme: des investisseurs institutionnels désireux de couvrir le risque environnemental de leur portefeuille, des spéculateurs, des écolos, et, plus probablement, des entreprises manufacturières devant se conformer aux quotas de CO2.

Ces quotas toucheront 50% des sociétés industrielles canadiennes, réparties dans 16 secteurs, incluant l'industrie d'exploitation des sables bitumineux, l'industrie pétrolière et gazière, les centrales électriques, les raffineries, les usines de produits chimiques et d'engrais, les pipelines, les cimenteries, les usines de production de métaux, les fonderies et les usines de pâtes et papiers.

«Si l'une de ces entreprises est en dessous de sa cible, notamment parce qu'aucune technologie ne lui permet de réduire ses émissions, elle achètera des crédits afin de rencontrer les normes, explique Léon Bitton, de la Bourse de Montréal. Ce faisant, elle récompensera une organisation qui a amélioré la qualité de l'environnement, peu importe si cette dernière était soumise ou non à des restrictions d'émission.»

Un exemple

Gaz Métro a testé cet échange en juin dernier en achetant 2000 tonnes de CO2 à la Ville de Montréal, au prix de 7$ la tonne.

La métropole québécoise, cliente de Gaz Métro, a réduit ses émissions de gaz à effet de serre en outre grâce au programme d'efficacité énergétique mis en place par le distributeur gazier.

«Cette transaction symbolique nous a permis de mieux comprendre la mécanique du marché, explique Frédéric Krikorian, porte-parole de Gaz Métro. Nous voyons d'un bon oeil l'ouverture d'une Bourse du carbone au Canada et avons l'intention d'y participer, comme acheteur ou vendeur de crédits, selon les stratégies retenues par l'entreprise.»

Comme les quotas de CO2 entreront en vigueur en 2010-2020, les entreprises réglementées planifient déjà ce volet de leurs opérations.

Et leurs efforts seront de longue haleine, car les normes qu'elles doivent respecter se durciront au fur et à mesure qu'une nouvelle période de restriction (2020-2030, 2030-2040, etc.) sera atteinte ce qui augmentera par ricochet le prix des crédits d'émission.

Pour comprendre l'effet des normes gouvernementales sur le prix des contrats à terme, on peut comparer les États-Unis, où la participation au marché climatique est volontaire, à l'Europe, où les pays ont signé l'accord de Kyoto.

Actuellement, une tonne de carbone coûte près de 35$US (22 euros) en Europe, soit 7 fois plus qu'aux États-Unis (5$US).

Fait particulier, au Canada, le prix des contrats à terme subira l'influence d'une autre avenue offerte aux pollueurs: une contribution au fond technologique.

Ce fonds servira à financer des investissements dans les technologies et les infrastructures les plus susceptibles de permettre une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre.

Les entreprises pourront y contribuer l'équivalent de 70% de leurs réductions d'émissions totales en 2010, puis ce taux diminuera d'année en année pour tomber à 0% en 2018.

Comme la valeur de la contribution sera de 15$ la tonne, cette option imposera un plafond temporaire au prix des crédits d'émission de CO2.

À compter de 2018, évidemment, le Marché climatique, dont la taille pourrait s'élever à quelques centaines de mégatonnes de CO2, sera la seule alternative qu'auront les entreprises réglementées.

UN MARCHÉ TRADITIONNEL

La Bourse du carbone fonctionnera comme un marché traditionnel, avec des vendeurs, des acheteurs, des intermédiaires (les courtiers) et des mainteneurs de marché.

La durée des contrats à terme se conformera aux périodes de réduction d'émissions établies par le gouvernement. Les boursicoteurs en herbe pourront négocier des crédits d'émission en ouvrant un compte de contrats à terme chez leur courtier et en y déposant un capital initial.

La négociation se fera durant les heures d'ouverture habituelles des Bourses canadiennes, soit de 9h30 à 16h, du lundi au vendredi. L'information quotidienne sur l'activité du marché sera disponible sur divers sites financiers, dont celui de la Bourse deMontréal.

Notons, cependant, que le Marché climatique de Montréal fonctionnera indépendamment des autres Bourses à travers le monde puisque la variabilité des normes nationales empêche, pour le moment, la mise sur pied d'un marché mondial du carbone.