Atteindre le camp où vivent Jarno et Vicky est une expédition. On y parvient au bout de plusieurs heures de route, suivies d'une demi-journée de bateau.

Atteindre le camp où vivent Jarno et Vicky est une expédition. On y parvient au bout de plusieurs heures de route, suivies d'une demi-journée de bateau.

Le visiteur qui y débarque avec les jambes ankylosées et les pieds mouillés est mûr pour une déception. Tout ça pour ça? Alue Dohong, le coordonnateur du projet, aura beau vous expliquer qu'il a fallu 60 000 sacs de terre pour construire le barrage d'une dizaine de mètres de longueur qui se dresse devant le camp, on ne peut s'empêcher de se faire la remarque: on est loin de Manic 5.

Vous n'insulterez personne, pourtant, en soulignant la simplicité du projet. Pour Marcel Silvius, de Wetlands International, c'est même sa plus grande qualité.

«Si votre objectif est de freiner les changements climatiques, c'est la solution la plus simple, dit-il. C'est le fruit le plus facile à cueillir.»

À l'heure où l'on discute de la possibilité d'aller séquestrer du gaz carbonique dans les fosses sous-marines pour s'en débarrasser, il fait miroiter les coûts de son projet: moins de 25 cents par tonne de carbone récupérée (contre de 100 à 300 $ US par tonne pour la séquestration, selon les chiffres du département américain de l'Énergie).

En incluant les coûts investis pour soutenir les communautés locales qui participent au projet, on peut monter à quelques dollars par tonne.

Ces bas coûts d'exploitation signifient une chose: les profits éventuels seront plus faciles à dégager. Le principe: l'organisme voué à la restauration trouve un investisseur prêt à avancer des fonds.

Il utilise l'argent pour faire des barrages, planter des arbres et éviter des émissions de carbone. Il vend ensuite ces tonnes de carbone sur le marché. Puis il rembourse l'investisseur.

«Ces gens veulent évidemment un retour sur l'investissement. Nous visons à leur donner une marge de 15%. Le reste des profits est investi dans les communautés où se font les projets», dit Marcel Silvius.

Si M. Silvius mentionne les communautés locales, ce n'est pas seulement par charité. C'est aussi pour ne pas faire déraper le processus. Parce qu'ultimement, ce sont elles qui décideront comment aménager le territoire où elles vivent. Si elles ne trouvent pas leur compte dans ces initiatives, personne ne le trouvera.

Pour l'instant, Wetlands International, aidé de partenaires, en est à structurer les choses. Il faudra des courtiers pour vendre le carbone, des vérificateurs pour attester du nombre de tonnes vraiment évitées, des investisseurs prêts à courir des risques.

«Il n'y a pas de garanties. Tout ceci est très innovateur"» avertit M. Silvius. Sans compter qu'économiquement, un tel projet entre en compétition avec une industrie qui carbure à plein régime: celle de l'huile de palme.

«Nous nous battons contre une industrie qui est très lucrative, admet M. Silvius. Mais contre une industrie qui est en train d'apprendre que, quand on plante des palmiers sur des tourbières, on détruit son industrie.»