Après avoir gagné sa cause contre Kraft en Cour suprême du Canada en juillet, Euro-Excellence, une entreprise montréalaise qui vend des chocolats de marques européennes sans en détenir les droits exclusifs de distribution, est de nouveau poursuivie par Kraft.

Après avoir gagné sa cause contre Kraft en Cour suprême du Canada en juillet, Euro-Excellence, une entreprise montréalaise qui vend des chocolats de marques européennes sans en détenir les droits exclusifs de distribution, est de nouveau poursuivie par Kraft.

Un des plus importants importateurs de chocolats fins européens au Canada, Euro-Excellence vend notamment le chocolat belge Côte d'Or. C'est son président, André Clémence, qui, au début des années 80, les a commercialisées au pays.

Mais ces célèbres marques de chocolat appartiennent à Kraft, et Euro-Excellence a perdu son contrat de distribution exclusif avec Kraft Canada en 2000.

Il a toutefois continué d'en vendre, car Kraft n'offre que neuf variétés de tablettes Côte d'Or au Canada, alors qu'Euro-Excellence, qui se fournit auprès de grossistes européens, propose une gamme plus variée.

«Il en existe plus de 50 variétés en Europe, mais Kraft ne veut pas en offrir autant aux consommateurs, ici, dit M. Clémence. Pourquoi ne pourrais-je pas en offrir une plus large gamme?»

Du coup, Kraft avait entamé des poursuites en invoquant la protection du droit d'auteur du dessin (un éléphant) qui orne l'étiquette.

Le procès s'est terminé en juillet: la Cour suprême, à sept juges contre deux, a considéré que Kraft Canada ne pouvait empêcher Euro-Excellence de vendre ses chocolats puisque, si elle a le permis de distribution, elle n'a pas de droits exclusifs sur le dessin.

Kraft Canada a pris cette décision au pied de la lettre et a obtenu de Kraft Belgique les droits du dessin de Côte d'Or le 30 octobre.

«Maintenant, nous sommes les propriétaires enregistrés des droits et, si nous l'avions été, la Cour suprême aurait rejeté l'appel d'Euro-Excellence», dit Lynne Galia, porte-parole de Kraft Canada, qui poursuit donc de nouveau l'entreprise montréalaise, à qui elle a été obligée de rembourser plus de 350 000$ à cause du jugement de la Cour suprême.

Des arguments contestés

Selon Richard Gold, directeur du Centre des politiques en propriété intellectuelle de l'Université McGill, le Bureau canadien de la concurrence devrait y jeter un oeil, car Kraft ne cherche qu'à maintenir élevé le prix des tablettes Côte d'Or.

«La loi de la concurrence affirme qu'on ne peut pas utiliser les droits de propriété intellectuelle, donc le droit d'auteur, pour diminuer indûment la concurrence. Kraft Canada a tous les droits de protéger ses marques et ses droits d'auteur, mais est-ce qu'il peut utiliser le droit d'auteur pour empêcher d'autres entreprises d'importer d'autres sortes de chocolat? Je ne pense pas», dit M. Gold.

Le Bureau de la concurrence, qui enquête déjà sur le marché du chocolat au Canada, a dit à La Presse qu'il ne peut «confirmer si ce dossier va être considéré».

Mais l'avocat d'Euro-Excellence, François Boscher, compte l'informer de ce qu'il appelle du «harcèlement» de la part de Kraft.

Malgré les coûts judiciaires, Euro-Excellence veut se battre, dit Me Boscher.

«Pour nous, il s'agit d'un détournement de la loi canadienne sur le droit d'auteur et d'une atteinte à la libre concurrence, dit-il. Lors des audiences de la Cour suprême, les juges n'ont pas été dupes et ont demandé à Kraft si ses activités essentielles au Canada étaient de protéger l'art. L'éléphant et l'emballage sont vraiment tout ce qui intéresse Kraft?»

Dans une déclaration sous serment datée du 3 décembre, que La Presse a obtenue, Vanessa Grekov, directrice de la division Chocolats de Kraft à Toronto, affirme qu'il ne serait pas «financièrement viable pour Kraft Canada d'importer toutes les variétés» Côte d'Or vendues en Europe.

«Si c'est financièrement viable pour Euro-Excellence, pourquoi cela ne le serait-il pas pour Kraft Canada?», demande Me Boscher.