Bon an, mal an, la Commission des normes du travail (CNT) intervient auprès d'employeurs pour les forcer à rembourser à des salariés les 10 millions de dollars d'une rémunération à laquelle ils ont droit.

Bon an, mal an, la Commission des normes du travail (CNT) intervient auprès d'employeurs pour les forcer à rembourser à des salariés les 10 millions de dollars d'une rémunération à laquelle ils ont droit.

En 2007, la Commission a ajouté des dents à ses démarches traditionnelles en amenant les moutons noirs devant les tribunaux.

Si la Corporation Bioviro et ses administrateurs Louis Nadeau, Philippe Lamontagne et Marc Fournier rêvaient d'avoir leurs «15 minutes de gloire», la CNT vient de leur offrir une notoriété quasi éternelle.

Le 23 janvier dernier, l'organisme gouvernemental annonçait dans son site internet qu'ils avaient été condamnés à verser 10 200$ en amendes pour trois infractions à la Loi sur les normes du travail.

L'entreprise de vente de produits pour les animaux et ses trois dirigeants ont tenu un registre de salaires non conforme à la réglementation, remis à leurs salariés un bulletin de paie ne contenant pas les informations prescrites par la loi et ils n'ont pas payé leurs salariés à intervalle régulier.

Les autres fautifs ont écopé d'amendes variant de 850$ par entreprise à 1700$, lorsqu'un administrateur était également condamnés.

Il s'agit de Portes Dollar et Claude Thibert, Lex, Relation Canada, le restaurant Chesters et Nicolas Giannakopooulos ainsi que de l'International Cothiers.

Dans ces cas, les condamnations sont en majorité liées à des refus de remettre aux enquêteurs de la CNT les registres des salaires ainsi que des rapports hebdomadaires et horaires de salariés.

Les recours ont été entrepris au nom des salariés par les procureurs de la CNT. Jusqu'à l'an dernier, ils étaient intentés par le ministère de la Justice, après leur recommandation.

«Ce processus était très lourd et long. Depuis les débuts de la CNT, une vingtaine de poursuites au total avaient été tranchées par des tribunaux. En agissant directement, nous avons complété le processus pour six dossiers en six mois à peine», se réjouit Me Robert Rivest, directeur des affaires juridiques du bureau de Montréal de la CNT.

«Nous avons enclenché des poursuites pour des infractions à d'autres types de règles, comme celles sur le travail des enfants, mais l'essentiel de nos démarches portent sur des enjeux pécuniaires», précise-t-il.

Des millions chaque année

Lors d'un sondage mené auprès de l'ensemble de la population québécoise, la CNT a découvert que l'absence de bulletins de paie détaillés était identifiée par un grand nombre de répondants qui avaient constaté des infractions à la Loi dans leur milieu de travail.

«Sans ce document, les bas salariés n'ont pas la possibilité de vérifier si leurs heures régulières et supplémentaires leur ont été payées correctement», explique l'avocat.

Et l'expérience de la CNT démontre que nombreux sont ceux qui sont ainsi lésés. Bon an, mal an, ses procureurs règlent par des interventions civiles pour environ 3 millions de dollars de réclamations de bas salariés.

Quelque 8 millions sont de plus retournés à des petits salariés à la suite de démarches administratives de son personnel.

Selon Me Rivest, ce magot de plus de 10 millions prive principalement des bas salariés, en majorité des femmes qui occupent des emplois précaires.

«Plusieurs jeunes font également partie des victimes», ajoute-t-il.

En 2005, près de 150 000 personnes gagnaient le salaire minimum, selon des données publiés par l'organisme Au bas de l'échelle.

Les femmes, qui occupaient 49% de tous les emplois sur le marché du travail, occupaient par ailleurs 58% des postes au salaire minimum.

Amendes et célébrité

En accélérant les procédures devant les tribunaux et en diffusant les noms des condamnés dans le cyberespace, la CNT espère que les employeurs y penseront à deux fois avant de fournir à leurs employés des bulletins de paie confus ou de refuser de remettre leurs registres à ses enquêteurs.

«Jusqu'à maintenant, les employeurs profitaient du fait que peu d'amendes avaient été distribuées pour refuser de collaborer avec notre personnel alors qu'ils n'auraient jamais agi ainsi avec des inspecteurs du ministère du Revenu. Nous croyons que notre nouvelle approche va provoquer un respect similaire», note Me Rivest.