Le soir du 19 octobre 1987, le président de la Bourse de New York demeure de glace. Il n'y pas eu de krach, mais «une correction significative», déclare un John Phelan péremptoire .

Le soir du 19 octobre 1987, le président de la Bourse de New York demeure de glace. Il n'y pas eu de krach, mais «une correction significative», déclare un John Phelan péremptoire .

Une correction? Tu parles, lui ont rétorqué la plupart des chroniqueurs financiers qui brandissaient les chiffres: 20% de perte contre 10% en 1929 et il n'y aurait pas de krach!

Les chroniqueurs avaient bien raison sur la lettre: une plongée de plus de 10% en une séance, ça s'appelle un krach, un point c'est tout.

Jusque-là toutefois, un krach coïncidait avec une récession. Rien n'indiquait cette fois qu'elle serait au rendez-vous. Elle n'y fut pas.

En revanche, la plupart des observateurs ont refusé d'utiliser le mot krach pour décrire l'éclatement de la technobulle. Ils prétextaient que les indices n'avaient pas plongé de 10% au moins en une seule séance.

Pourtant, la vilaine correction était le symptôme précurseur de la récession américaine de 2001, marquée par une crise de surinvestissement.

Rappelez-vous, le bogue de l'an 2000, ce Bonhomme Sept-Heures de la fin du siècle qui forçait les entreprises à remplacer ou remettre à jour leur système informatique.

Rappelez-vous, la fameuse fusion d'America On Line (AOL), un tigre virtuel, et de Time Warner, un réel géant des communications. Rappelez-vous, les acquisitions folles de Nortel, de JDS Uniphase dont les actions se négociaient à 145 fois les profits en devenir

En fait, l'ampleur des seuls dégâts boursiers du techno-krach de 2000 dépasse de loin celle du krach (ou de la correction significative) d'octobre 1987.

Deux ans après le lundi noir, le Dow Jones et le S&P 500 avaient repris tout le terrain perdu. Durant la récession de 1991, les indices ont reculé, sans descendre jusqu'à leur creux de l'automne 1987.

Par la suite, l'ascension s'est poursuivie jusqu'à la faillite du fonds spéculatif Long Term Management Capital et la banqueroute de la Russie, en 1998. Une petite correction s'ensuivit et la quête de sommets est repartie pendant deux ans encore.

Le techno-krach ne s'est pas fait en un jour. Entre le sommet du cycle, début 2000, et le creux, il s'est écoulé plus de deux ans et demi, avec en prime la récession en 2001.

Le retour au sommet de 2000 a été long, parfois laborieux. Six ans pour le Dow Jones, qui s'était dégonflé tout autant qu'en 1987, plus de sept pour le S&P 500, malmené davantage.

Il est difficile de mesurer la marche de la Bourse de Toronto puisqu'il a fallu refondre son maître-indice, tant la débâcle de Nortel rendait ridicule le parquet de la Ville reine.

Ces jours-ci, le S&P 500, maître indice de l'activité boursière américaine, se négocie dans la zone des 1530 points, soit au niveau de son sommet de mars 2000.

Et dire que les observateurs les plus optimistes croient qu'il existe une chance sur trois que l'économie américaine entre en récession l'an prochain

Quant au NASDAQ, la Bourse des technos, les analystes financiers préfèrent oublier que son indice composite avait fracassé la barre des 5000 points durant ses jours ballonnés de 2000.

Est-ce à dire qu'un nouveau krach (ou une correction significative) nous guette? Peut-être, mais pas forcément.

«Maintenant, les actions se vendent à des ratios cours/bénéfices beaucoup plus raisonnables, croit Pierre Brunet. Et il y a beaucoup plus d'argent disponible. Il y a des secteurs qui vont écoper, mais ça va se faire en silos.»

Ses propos, somme toute optimistes, montrent en revanche que ce n'est pas demain la veille qu'on reverra des gains boursiers aussi appréciables que ceux des années 90.