Bernard Letendre est un vice-président pas comme les autres. Certains gestionnaires jouent au golf ou collectionnent les oeuvres d'art. Lui, c'est le judo qui l'inspire depuis 28 ans. Pas seulement au dojo, mais aussi au bureau.

Bernard Letendre est un vice-président pas comme les autres. Certains gestionnaires jouent au golf ou collectionnent les oeuvres d'art. Lui, c'est le judo qui l'inspire depuis 28 ans. Pas seulement au dojo, mais aussi au bureau.

«Les organisations s'améliorent quand les employés qui y travaillent deviennent de meilleures personnes», dit le vice-président et directeur général pour le Québec de la BMO Banque privée Harris depuis quatre ans.

Et selon lui, le judo aide les individus à devenir de meilleures personnes et de meilleurs leaders. «Si on vit ses principes, cela fait de soi un meilleur patron, plus efficace pour diriger son équipe et atteindre ses objectifs», dit-il.

C'était d'ailleurs un objectif du maître japonais Kano, fondateur du judo, lorsqu'il a mis au point cet art martial à la fin du XIXe siècle. Humaniste, il voulait que les adeptes appliquent dans leur vie de tous les jours et au travail les valeurs apprises au combat. Il voulait en faire une discipline physique, mais aussi une discipline de vie.

Des valeurs à transposer

Cette discipline, Bernard Letendre l'applique dans des situations concrètes. Une anecdote sur un conflit survenu entre deux employés en témoigne. «C'était une divergence d'opinions qui avait dégénéré en chicane personnelle, raconte le gestionnaire. Un bon jour, l'un des deux, excédé, a dit à l'autre: d'accord, tu as raison!»

La dispute aurait pu s'arrêter là. Mais le vainqueur a pris plaisir à continuer de «taper» sur son collègue.

«Je l'ai appelé à mon bureau et j'ai fait une analogie avec le judo, se souvient M. Letendre. Quand un des partenaires s'avoue vaincu, tu ne continues pas à le frapper alors qu'il est par terre. C'est déshonorant de poursuivre son attaque quand l'autre a abandonné.»

L'honneur est une valeur fondamentale en judo, comme la politesse, le respect, le courage, la sincérité et l'amitié. Des qualités qui ne font pas de tort dans une entreprise! La modestie est également importante.

«En judo, on n'a jamais fini d'apprendre. Même quand on est ceinture noire comme moi, il y a toujours des gens plus expérimentés, dit-il. On n'atteint jamais un degré de connaissance qui fait qu'on se pourrait se croire au-dessus de ses affaires. C'est une attitude très pertinente en affaires.»

Principes fondamentaux

Au-delà des qualités personnelles que cultivent les judokas, deux grands principes fondamentaux du judo peuvent s'appliquer en affaires. Le premier est d'aspirer à l'utilisation la plus efficace possible de l'énergie du corps et de l'esprit.

Cette efficacité maximale passe par la souplesse et la maîtrise de soi. Quand Bernard Letendre se bat contre un adversaire plus lourd et plus fort, il n'essaie pas de contrer la force par la force.

«C'est plus efficace de me servir de la ruse, de mon esprit, de ma technique, dit-il. De même, c'est plus efficace pour une entreprise d'appliquer une stratégie de souplesse que d'essayer d'écraser ses concurrents. Cela fait de vous un concurrent agile.»

Le second principe est celui du bienfait mutuel entre les partenaires de combat. En judo, l'adversaire est plutôt vu comme un partenaire inestimable sans lequel on ne peut pas grandir.

«Si on applique ce principe en affaires, on essaie de vaincre le concurrent, mais il n'est pas l'ennemi. C'est quelqu'un qu'on estime et qui est nécessaire parce qu'il oblige à être plus créatif. Sans lui, on ne pourrait pas exploiter son plein potentiel.»

Ceux qui ont déjà appris le judo connaissent bien les katas. Ces séquences de mouvements servent à démontrer les principes du judo en essayant de se rapprocher de la perfection.

Selon M. Letendre, l'idée qui veut que l'on puisse concevoir un processus idéal, supérieur et de plus en plus parfait se transpose bien dans la réorganisation des processus dont il est responsable depuis deux ans.

Gymnastique mentale

«Conceptuellement, c'est la même gymnastique mentale. Je pars du principe que, s'il y a 25 façons d'accomplir un processus, elles ne peuvent pas toutes être la meilleure, dit-il. Il existe toujours une meilleure façon de faire, compte tenu des circonstances.»

Cet esprit l'a animé dans l'implantation de cette réorganisation, alors qu'il travaillait avec son équipe à déterminer quelle serait la meilleure façon d'accomplir chaque geste, qu'il s'agisse d'ouvrir un compte ou de répondre aux appels des clients.