Les politiciens ne sont pas les seuls à jouer avec les chiffres. Même le vérificateur général, Renaud Lachance, a changé de méthode pour calculer le déficit cumulé du Québec, a constaté La Presse.

Les politiciens ne sont pas les seuls à jouer avec les chiffres. Même le vérificateur général, Renaud Lachance, a changé de méthode pour calculer le déficit cumulé du Québec, a constaté La Presse.

La pirouette comptable du vérificateur général est apparue dans le rapport sur les comptes publics du gouvernement, dévoilé mardi. Seuls les observateurs avisés ont pu se rendre compte de ce «redressement» inattendu.

Essentiellement, le vérificateur a tenu compte cette année des importants surplus du gouvernement pour estimer le déficit cumulé, ce qui ne fut pas le cas l'an passé. Ce changement de méthode a pour effet de réduire considérablement le déficit cumulé, que le vérificateur estime maintenant à 3,3 milliards de dollars.

Dans son rapport, Renaud Lachance est muet sur les raisons précises qui justifient le changement. Et au bureau du vérificateur général, nos questions sont demeurées sans réponse, malgré notre insistance. Ce changement inexpliqué étonne de la part du vérificateur, lui qui demande au gouvernement des justifications pour chaque petite modification.

Voyons les chiffres de plus près. Monique Jérôme-Forget claironne qu'elle a mis de côté une réserve budgétaire de 2,3 milliards de dollars au cours des deux derniers exercices. Dans son rapport publié mardi, le vérificateur général a tenu compte de cette somme et réduit d'autant le déficit cumulé, pour le faire passer à 3,3 milliards.

L'an dernier, le vérificateur avait fermé les yeux sur la réserve, ce qui avait eu pour effet de surestimer le déficit cumulé, alors chiffré à 5,8 milliards.

S'il avait tenu compte de la réserve - qui était alors de 1,3 milliard - le déficit cumulé aurait été de 4,5 milliards au 31 mars 2007 plutôt que 5,8 milliards.

Les deux méthodes de calcul du vérificateur général ne sont pas en contravention avec les principes comptables, nous indique une source au fait du dossier. Contrairement aux normes de l'Institut canadien des comptables agrées (ICCA), la Loi sur l'équilibre budgétaire ne donne pas de balises précises pour le calcul du déficit cumulé.

Seule exigence: le gouvernement doit rembourser ce déficit dans l'année ou les années suivantes, à moins d'une récession. La loi a été adoptée en 1996 puis rénovée en 2001. Elle fait maintenant l'objet d'une nouvelle révision, avec le projet de loi 85.

Malgré certaines critiques, rappelons-le, Renaud Lachance a félicité le gouvernement pour la qualité de l'information présentée dans les états financiers 2007-2008. Depuis deux ans, les livres du gouvernement respectent les «principes comptables généralement reconnus (PCGR)», édictées par l'ICCA.

En respectant ces PCGR, le gouvernement a engrangé des surplus excédant les 2,3 milliards au cours des deux dernières années, surplus qui s'expliquent notamment par la croissance économique. Cette somme, rappelons-le, tient compte des déficits des hôpitaux, des cégeps et des commissions scolaires des deux dernières années.

Selon les comptes publics, le réseau de la santé a cumulé des déficits de 497 millions depuis deux ans, malgré la loi qui contraint les hôpitaux à l'équilibre budgétaire. En additionnant l'ensemble des dernières années - et non seulement les deux dernières - le déficit cumulé des hôpitaux s'élève à 2,6 milliards.

Renaud Lachance inclut seulement 497 millions au déficit cumulé du gouvernement et non 2,6 milliards. Dans son rapport de l'an dernier, le vérificateur a expliqué être incapable, «au prix d'effort raisonnable», d'estimer la part de ces 2,6 milliards qui ont été cumulé après et avant 1996, l'année de départ du calcul des déficits cumulés du gouvernement.

De son côté, le réseau de l'éducation a fait des déficits de 164 millions depuis deux ans, selon les comptes publics du gouvernement. Cette somme, incluse dans le périmètre comptable du gouvernement, comprend une provision de 200 millions pour le fiasco du projet de l'Îlot Voyageur de l'UQAM.

L'ensemble des déficits cumulés des dernières années du réseau de l'éducation se chiffre à 1,3 milliard de dollars. Renauld Lachance n'incorpore pas tout ce montant au déficit cumulé du gouvernement pour les mêmes raisons que celles évoquées pour la santé.

Cela dit, ce débat des déficits cumulés pourrait changer du tout au tout si le nouveau gouvernement adopte la loi 85. Cette loi - dont le cadre a été approuvé par le vérificateur - propose en effet qu'on ramène à zéro le compteur du déficit cumulé à partir du 1er avril 2006.

L'adoption de la loi aurait pour effet de faire passer le Québec d'une situation de déficit cumulé de 3,3 milliards au 31 mars 2008 à une situation de surplus cumulé de 2,3 milliards.