Les investisseurs de Norshield étaient-ils bien renseignés sur ce qu'on faisait avec leur argent? Hier, le témoignage d'un ex-employé de l'organisation est venu semer un doute à cet égard, devant la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO).

Les investisseurs de Norshield étaient-ils bien renseignés sur ce qu'on faisait avec leur argent? Hier, le témoignage d'un ex-employé de l'organisation est venu semer un doute à cet égard, devant la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO).

En avril 2005, Adam Patterson a démissionné de Norshield lorsqu'il a appris que certains renseignements cruciaux qu'il transmettait à ses clients étaient inexacts. M. Patterson a demandé au PDG, John Xanthoudakis, les raisons de ces faussetés, mais devant ses réponses insatisfaisantes, il a quitté l'organisation.

Adam Patterson était essentiellement un agent de liaison entre la direction et les clients de Norshield, notamment les investisseurs institutionnels. Il a travaillé pour Norshield à Toronto de 2001 à 2005.

Le 18 mars 2005, Adam Patterson a pris connaissance d'une information par l'entremise d'un collègue qui l'a surpris. Contrairement à ce qu'il avait toujours communiqué aux clients, un des principaux fonds d'investissements de Norshield, le Tactical Trading Fund, n'était pas lié aux rendements de fonds externes, mais à un fonds maison appelé Mosaic Composite, des Bahamas. Plus précisément, ce fonds, dont dépendait la valeur des parts de plusieurs investisseurs, était lié à 68% à Mosaic Composite.

En vertu des règles de la CVMO, une telle exposition doit être clairement communiquée aux clients. Cette inexactitude a mis Adam Patterson dans une position très inconfortable face aux clients, lui faisant personnellement craindre des conséquences juridiques et professionnelles. Adam Patterson avait toujours cru que Mosaic était réservée à un nombre limité d'investisseurs ou d'anciens clients. Lorsqu'il a tenté d'avoir des explications de John Xanthoudakis ou de la direction, il n'a pas eu de réponse satisfaisante, ce qui l'a poussé à démissionner, le 6 avril 2005. Un mois plus tard, rappelons-le, la direction de Norshield annonçait que l'entreprise cessait de rembourser les clients. «Nous faisions des choses complètement différentes que ce que nous disions aux investisseurs. C'est extrêmement inadéquat», a dit M. Patterson.

Mosaic Composite est cette entreprise des Bahamas pour laquelle le séquestre RSM Richter a découvert des paiements injustifiés fait à des tiers de 156 millions de dollars, entre 2002 et 2004. Mosaic était contrôlée indirectement par John Xanthoudakis, selon la CVMO. Au cours du procès, les avocats de la CVMO ont l'intention de déposer le témoignage de la firme Grant Thornton, qui a vérifié les livres de Mosaic.

Pour interroger Adam Patterson, l'avocate Pamela Foy, de la CVMO, s'est basée sur une série de courriels datant de mars 2004 à avril 2005. En janvier 2005, un des clients a commencé à poser des questions au sujet du calcul de la valeur de ses parts (Net Asset Value ou NAV).

Jusqu'en décembre 2004, le NAV était calculé par une firme soi-disant indépendante appelée Cardinal International, des Bahamas. Cette firme a fermé ses portes, en décembre, si bien que Norshield a dû trouver un autre évaluateur indépendant. Entre-temps, il appert des échanges courriels que c'est une firme de Norshield, non indépendante, qui calculait la valeur des parts, ce qui a fortement irrité de gros clients. Parmi eux, mentionnons la caisse de retraite des employés de la Banque de Montréal et la Société générale.

Les clients veulent toujours que leurs investissements soient calculés par un tiers pour s'assurer d'avoir une juste valeur, à l'abri de l'humeur des gestionnaires de fonds.

Lundi, en fin de journée, Adam Patterson avait déclaré n'avoir aucune idée d'une entreprise des Bahamas appelée Channel Fund. Or, selon RSM Richter, une grande partie des actifs des investisseurs était placée dans ce fonds. Dans son enquête, RSM Richter a découvert que les actifs de Channel Fund avaient été grossièrement surévalués de 88% en 2003, soit de 300 millions de dollars.

Au cours du procès, les avocates de la CVMO tenteront de déposer le témoignage du vérificateur comptable de Channel Fund. L'an dernier, le témoignage de l'employé qui a vérifié les livres a été mis sous scellé par la Cour supérieure de l'Ontario. La firme comptable en question qui a vérifié les états financiers de Channel aux Bahamas est Brooks Di Santos, de Montréal. Au cours du procès, les avocates de la CVMO devraient également déposer le témoignage de Steven Handcock, principal dirigeant de Cardinal International.