Après plus de trois ans d'attente, l'heure est arrivée. Le Groupe financier Norshield, de Montréal, et son PDG, John Xanthoudakis, sont jugés devant un tribunal à partir d'aujourd'hui, à Toronto.

Après plus de trois ans d'attente, l'heure est arrivée. Le Groupe financier Norshield, de Montréal, et son PDG, John Xanthoudakis, sont jugés devant un tribunal à partir d'aujourd'hui, à Toronto.

Non, il ne s'agit pas d'un procès au criminel, même si la police a été saisie du dossier, mais d'audiences devant la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario (CVMO).

En plus du PDG, qui se fait appeler John X, deux autres dirigeants sont au banc des accusés, soit Dale Smith et Peter Kefalas.

Globalement, les investisseurs québécois et ontariens ont englouti 472 millions de dollars dans les fonds de couverture (hedge funds) de Norshield.

Les investisseurs québécois

De cette somme, 159 millions sont réclamés par 1900 particuliers, principalement des Ontariens, ce qui explique que le procès se déroule à Toronto. De leur côté, les investisseurs institutionnels, principalement québécois, ont investi plus de 200 millions.

On trouve parmi eux l'Industrielle Alliance, la Fondation Chagnon et les caisses de retraite des employés de Laval, de Sherbrooke et de Saguenay.

La CVMO accuse les trois dirigeants de ne pas avoir agi «honnêtement et de bonne foi avec leurs clients». Entre autres, John Xanthoudakis et Dale Smith auraient fait de fausses déclarations au personnel de la CVMO dans le but de «cacher des violations à la loi sur les valeurs mobilières».

Cette semaine, la CVMO devrait faire entendre d'anciens employés de Norshield. Par la suite, le séquestre qui a enquêté sur l'affaire, Raymond Massi, de RSM Richter, viendra témoigner. Il faudra deux semaines à la CVMO pour présenter sa preuve. Le procès pourrait s'étirer jusqu'à trois semaines et demie si les défendeurs font également entendre des témoins.

Norshield a commencé à faire les manchettes en 2000 dans la foulée du scandale de Cinar. L'entreprise gérait les fonds transférés sans autorisation aux Bahamas par les dirigeants de Cinar, cette entreprise qui a produit le dessin animé Caillou.

Bien que Norshield ait été la cible du conseil d'administration de Cinar, elle a continué d'avoir la confiance de nombreux investisseurs. En mai 2005, cependant, Norshield et une entreprise affiliée (Olympus Univest) ont cessé de répondre aux demandes de remboursement. Le groupe a alors été mis sous tutelle par les autorités devant l'incapacité ou le refus de son PDG, John Xanthoudakis, de répondre adéquatement aux questions.

Structure d'affaires complexe

Par la suite, la firme RSM Richter a été mandatée pour récupérer les fonds investis dans les paradis fiscaux. Mais la complexité de la structure d'affaires du groupe, la disparition de documents et les nombreuses juridictions en cause ont rendus la tâche du séquestre très difficile. Notamment, des dizaines de boîtes de documents ont été brûlées dans un camp de chasse du Minnesota, en mai 2006. C'est ce qui explique qu'il ait fallu plus de trois ans avant de se rendre à procès.

Dans une poursuite, Richter soutient que John Xanthoudakis et Dale Smith ont élaboré un stratagème pour détourner les fonds des investisseurs. Entre autres, des transactions bidons ont gonflé artificiellement la valeur de certains actifs du groupe, soutient Richter, avec pour but de dissimuler la conduite fautive des dirigeants. La firme évoque une fraude.

Pendant tous ces remous, les dirigeants de Norshield ont toujours affirmé avoir agi correctement, attribuant la crise à la mauvaise presse du Québec à laquelle ils ont fait face dans l'affaire Cinar.

Pour chaque manquement à la loi, chacun des trois dirigeants est passible de l'amende maximale de la CVMO, qui s'élève à 1 million de dollars. La CVMO n'a pas quantifié le nombre de manquements ni l'amende globale possible. Il n'a pas été possible de savoir si les défendeurs seront ou non présents aux audiences ni de parler à l'avocat torontois de John Xanthoudakis.