Les pourparlers en vue d'une fusion entre Chrysler et General Motors (GM) qui ont lieu à Detroit font craindre une autre importante vague de rationalisations dans l'industrie automobile nord-américaine, qui subit sa pire crise en 15 ans.

Les pourparlers en vue d'une fusion entre Chrysler et General Motors [[|ticker sym='GM'|]] qui ont lieu à Detroit font craindre une autre importante vague de rationalisations dans l'industrie automobile nord-américaine, qui subit sa pire crise en 15 ans.

De ce côté-ci de la frontière, des milliers de salariés d'usines de véhicules et de pièces en Ontario craignent davantage pour leur emploi. Au Québec, ce sont des dizaines de concessionnaires et leurs centaines d'employés qui subiraient le plus l'impact d'une fusion des réseaux de GM et Chrysler.

«Ces deux constructeurs ont les plus gros réseaux de concessions au Québec, dont les affaires vont déjà moins bien que leurs concurrents de Toyota et Honda. Par conséquent, si une fusion de GM et Chrysler a lieu, ce n'est pas difficile de prévoir où aurait lieu la rationalisation de concessionnaires», selon Jacques Béchard, PDG de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec.

Peut-on chiffrer le risque de suppression de concessions et de leurs emplois directs? Jacques Béchard hésite à s'avancer car il avoue douter encore de l'aboutissement d'un tel projet de fusion, en raison de coûts prohibitifs.

«Cette fusion n'a du sens que pour rationaliser des activités. Or, fermer d'autres usines, licencier des employés syndiqués et racheter des contrats de concessionnaires risquent de leur coûter une fortune alors qu'ils sont déjà en crise», selon M. Béchard.

N'empêche, les données de la Corporation des concessionnaires suggèrent que GM et Chrysler sont déjà en surnombre au Québec par rapport à leurs principaux concurrents asiatiques: Toyota/Lexus, Honda/Acura et Mazda.

Selon leurs parts de marché, ce surnombre de concessions GM et Chrysler, après une fusion, atteindrait au moins 30 établissements.

Et la fermeture de ces concessionnaires supprimerait au moins 1350 emplois, selon la moyenne de 45 salariés par établissement recensée par la Corporation.

Pour le moment, GM compte 133 détaillants au Québec et Chrysler, 96. Leur part de marché avoisine les 21% pour GM et 11% pour Chrysler, selon les données de la Corporation des concessionnaires.

Combinés, ces réseaux de GM et Chrysler totalisent 229 établissements pour desservir le tiers (32%) du marché québécois. Ça correspond à 7,1 concessions pour chaque point de part de marché.

En comparaison, chez leurs principaux concurrents (Toyota, Honda et Mazda), la couverture du marché québécois est de 6,2 concessions par point de part de marché.

Un tel multiple, appliqué à un réseau fusionné GM-Chrysler, justifierait 198 concessionnaires au Québec, 31 de moins que le nombre actuel.

Un échange d'actions?

Mais pour qu'un tel scénario se concrétise chez leurs concessionnaires, GM et Chrysler devront d'abord réussir leurs pourparlers de fusion. Selon les informations émanant de Detroit, GM et le propriétaire à 80% de Chrysler, la société d'investissement Cerberus, discuteraient d'une transaction par échange d'actions.

Cerberus céderait Chrysler à GM en échange de 49% des actions de l'affiliée financière GMAC qui lui manque, en plus d'actions émises par GM.

Ensuite, GM intégrerait Chrysler parmi ses autres marques, mais après en avoir tamisé des produits, des usines et des milliers d'emplois.

GM serait surtout intéressée par la gamme Jeep, alors que les gammes Chrysler et Dodge seraient réévaluées en fonction de leurs nombreux dédoublements de véhicules avec les marques GM.

Ainsi, en Ontario, l'usine d'automobiles de Chrysler à Brampton, près de Toronto, serait la plus à risque d'une fusion avec GM. En contrepartie, l'usine de fourgonnettes Chrysler à Windsor bénéficierait de sa production plus spécifique.

Pour le moment, GM et Chrysler totalisent 30 000 employés au Canada, en Ontario surtout.

Leurs centaines de fournisseurs de pièces et de services, déjà très affectés par la crise du marché, regroupent des dizaines de milliers de salariés.

«Nous sommes déjà très inquiets par le mauvais état de l'industrie automobile. Mais ça risque d'empirer avec une fusion de GM et Chrysler, en raison de leurs nombreux dédoublements», a commenté Ken Lewenza, le nouveau président du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA).

Néanmoins, il rejette encore toute concession salariale pour ses membres afin de réduire les risques de fermetures d'usines et de suppressions d'emplois au Canada.

Pourtant, selon Anthony Faria, spécialiste de l'automobile à l'Université de Windsor, les salariés canadiens coûtent maintenant 25$ l'heure de plus à GM, Chrysler et Ford que leurs voisins américains, après les concessions majeures du syndicat UAW (United Auto Workers).