En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

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Au printemps dernier, nous avons exposé dans ces pages un premier compte rendu de nos recherches sur les pratiques de gouvernance dans les organismes à but non lucratif (OBNL). Nos observations étaient qu'au moins deux types de profils doivent être recherchés comme administrateurs d'OBNL: des experts de la mission et des gens du monde des affaires pour aider aux fonctions administratives qui doivent soutenir la mission.

Nos travaux de recherche se poursuivent et nous souhaitons aujourd'hui partager avec vous quatre idées ou croyances populaires que nous avons observées au cours de nos nombreux entretiens avec des membres bénévoles de conseils d'administration (CA).

> C'est un honneur d'être invité à siéger sur le CA d'un OBNL:

La réponse est oui et non. S'il est vrai que la personne sollicitée peut, avec raison, se sentir honorée, elle doit, avant d'accepter, effectuer quelques vérifications. Combien de temps dois-je consacrer à ce bénévolat? Qu'est-ce qu'on attend de moi: de la recherche de financement, du temps pour aider aux activités? Quel est l'état de santé organisationnelle de l'organisme? Son personnel est-il stable? Quel est l'état des finances: en équilibre, en surplus ou en déficit? Certaines personnes peuvent travailler facilement dans un environnement instable, mais d'autres ne le souhaitent pas. Il vaut mieux le savoir avant d'être convoqué à la première réunion du CA!

> Il est acceptable pour un CA d'approuver un budget déficitaire:

La réponse est non dans la majorité des cas. Les administrateurs qui endossent régulièrement un budget déficitaire cautionnent jusqu'à un certain point un laxisme de gestion de la part du dirigeant qu'ils embauchent. Nous avons documenté cette pratique qui est mise de l'avant par certains organismes dans le but de revendiquer l'augmentation des subventions gouvernementales. Nous considérons que cette pratique est fort risquée en ces temps de compressions et d'endettement chronique de nos gouvernements. La saine gestion des argents amassés par un organisme relève de la direction générale, qui, elle, relève des membres du CA. Comment réprimander la direction de l'organisme pour des résultats déficitaires si le CA avait déjà donné son aval?

Par ailleurs, il existe des situations ponctuelles où un budget déficitaire peut être entériné par le CA. Par exemple, l'OBNL qui a un surplus accumulé et qui souhaite le dépenser pour un projet spécifique peut supporter un budget annuel déficitaire qui viendra puiser dans la réserve (ou l'actif net) accumulée.

Un autre exemple peut être lié au fait que des subventions ou commandites annoncées ne se matérialisent pas. Inévitablement, le CA sera devant un choix difficile: sabrer des activités qui sont au coeur de la mission ou appuyer une année déficitaire pour se redresser l'année suivante. Dans ce cas, nous privilégions l'appui à un budget déficitaire, car trop couper pour atteindre l'équilibre financier nuit à moyen terme à l'organisme, qui n'aura plus de ressources humaines et matérielles pour réaliser son mandat.

Il est essentiel de mettre en place un comité de vérification qui rend compte au CA de l'état des finances de l'organisme. Dans la foulée des scandales financiers des grandes sociétés cotées en Bourse, les membres bénévoles de CA ou certains bailleurs de fonds ont exigé que soit créé un comité de vérification pour s'assurer d'une gestion efficace et efficiente des deniers de l'OBNL. Mais une mise en garde s'impose: les comités de vérification ne sont pas essentiels pour tous les OBNL. Dans un premier temps, il faut chercher à recruter des administrateurs qui ont les compétences pour comprendre et évaluer les obligations financières des OBNL. Les déductions à la source sont-elles effectuées à temps, pour tous les employés? Les règles de TPS et TVQ sont-elles correctement appliquées? Les déclarations annuelles sont-elles produites? La reddition de comptes demande un suivi rigoureux de la part des administrateurs qui doivent le faire avec ou sans la constitution d'un comité de vérification.

> La mission, c'est l'affaire de la direction générale; si les membres du CA s'y intéressent, c'est de l'ingérence:

Cette idée n'est pas des plus simples à débattre. Les administrateurs ont-ils le droit ou le devoir de revoir la mission? De fait, nous croyons que les administrateurs ont le devoir de s'assurer que celle-ci soit respectée, mais ils n'ont pas à la changer ou à l'influencer. Un CA d'OBNL est le gardien de la mission au sens où il doit veiller à ce que les activités choisies par l'équipe de direction soient en lien avec la mission. Prenons un exemple: un musée qui a comme mission de collectionner et d'exposer des oeuvres contemporaines sera à la recherche d'artistes et d'expositions qui sont en lien avec l'art contemporain. Or, les membres du CA n'ont pas à choisir les artistes ou les expositions, mais ils veilleront, dans le choix des activités, au respect des orientations que le musée s'est données en définissant sa mission.

Ces observations nous permettent de conclure que les membres de CA bénévoles font face à des responsabilités importantes et que la qualité de leur implication aura certainement un impact sur la vie de l'OBNL qu'ils choisissent de servir.

Johanne Turbide est professeure agrégée au Service de l'enseignement des sciences comptables, responsable du Groupe de recherche sur les organismes à but non lucratif, communautaires ou culturels/ARUC. www.hec.ca/profs/johanne.turbide.html