La route des entreprises s'annonce cahoteuse dans les prochains mois. Chacune doit trouver les façons de rester sur le chemin qui la mènera sans trop d'ennuis jusqu'à la reprise économique. Pour les PME, le défi est d'autant plus grand qu'elles ne disposent pas des mêmes ressources que les grandes entreprises. Avec l'aide de spécialistes en gestion, La Presse Affaires a recensé huit stratégies que pourraient mettre à profit les PME qui veulent éviter les licenciements ou les baisses de production.

La route des entreprises s'annonce cahoteuse dans les prochains mois. Chacune doit trouver les façons de rester sur le chemin qui la mènera sans trop d'ennuis jusqu'à la reprise économique. Pour les PME, le défi est d'autant plus grand qu'elles ne disposent pas des mêmes ressources que les grandes entreprises. Avec l'aide de spécialistes en gestion, La Presse Affaires a recensé huit stratégies que pourraient mettre à profit les PME qui veulent éviter les licenciements ou les baisses de production.

Il n'y a pas encore péril en la demeure, mais le «Baromètre des affaires», l'indice de confiance de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, est toujours près de son bas historique, selon la dernière mise à jour publiée jeudi.

Environ 41% des entrepreneurs canadiens s'attendent à des résultats plus faibles dans la prochaine année. En septembre 2007, seuls 14% des entrepreneurs avaient les mêmes attentes négatives.

Encore 16% des entrepreneurs prévoient réduire le nombre d'emplois à temps plein d'ici novembre 2009. En septembre 2007, seulement 7% envisageaient cette option dans un horizon d'un an.

La semaine dernière, dans un dossier sur l'état de santé des PME, La Presse Affaires notait que la crise financière n'avait pas encore frappé de plein fouet les PME québécoises. Et que la baisse du dollar canadien pouvait contrebalancer un éventuel recul des ventes.

Malgré tout, les PME devront s'adapter si les sombres perspectives économiques se concrétisent en 2009.

«Quand les affaires vont mal, il faut être extrêmement stratégique dans ses décisions», conseille Angela Burlton, professeure adjointe au Centre Dobson d'études en entrepreneuriat de l'Université McGill. Question de mettre toutes les chances de son côté.

Et au bout du compte, il est possible d'en sortir gagnant. «Le secret, ce n'est pas de chercher à éviter la crise, mais de chercher à en tirer le positif», dit Brahim Allali, professeur adjoint à HEC Montréal.

1- Miser sur les liquidités

«Dans un climat d'incertitude et de récession, ce sont les liquidités, et non la profitabilité, qui sont déterminantes, dit Angela Burlton, professeure adjointe au Centre Dobson d'études en entrepreneuriat de l'Université McGill. On a plus de chances si on a du cash. Ça prend un plus grand coussin financier quand on est une PME.»

Car en cas de difficultés, les PME ne peuvent vendre de filiales et n'ont souvent pas d'actifs excédentaires, note Micheline Renault, professeure agrégée au département des sciences comptables de l'UQAM.

L'entreprise peut toujours réduire son inventaire au minimum opérationnel, remarque Armand Gaudet, associé à la firme de management stratégique et appliqué Stratmark Integra. «C'est de l'argent qui dort», dit-il.

Mais cela a ses limites, car une réduction trop importante risque de faire rater des ventes.

2- Repenser les dépenses

Pour se donner des liquidités, baisser les coûts est une piste de solution évidente.

«Il faut le moins de frais fixes possible, soutient Angela Burlton. Souvent, on n'a pas besoin d'avoir un gros bureau au centre-ville», illustre la professeure.

Les entrepreneurs peuvent plutôt privilégier un bureau à la maison, se tourner vers les bureaux virtuels ou les services de location de salles de conférence.

Les coûts administratifs sont également à cibler.

«Les coûts administratifs sont souvent regardés avec moins d'attention, mais on y trouve toujours des économies», constate Michel Leroy, associé montréalais de Expense Reduction Analyst Canada, une firme spécialisée en services de réduction de coûts.

M. Leroy aide les entreprises, petites ou grandes, à dégager des économies dans des activités aussi variées que la messagerie, le transport ou l'impression des documents. «Ce qu'on génère comme économie, c'est du profit net», dit-il.

Dans le secteur du transport, par exemple, il dit pouvoir générer jusqu'à 15% d'économies en analysant les routes des fournisseurs, en concentrant le transport ou en vérifiant systématiquement les factures.

La gestion des déchets est un autre secteur auquel on ne pense pas instinctivement, mais où des réductions de coûts sont possibles, par exemple via la revente de certains types de déchets.

Armand Gaudet conseille aussi de «rationaliser les dépenses en vente et marketing là où il n'y a pas d'impact stratégique».

Au contraire, selon M. Gaudet, il faut investir au besoin où les retombées seront positives et rapides, où il y a une occasion d'accroître ses parts de marché.

3- Se rappeler les bonnes pratiques d'affaires

Il est toujours opportun, mais particulièrement lorsqu'on prévoit des temps durs, de se rappeler les bonnes pratiques d'affaires.

La professeure Angela Burlton en évoque quelques-unes: la vérification de crédit des acheteurs, la collection systématique des comptes à recevoir, la création de délais de paiement avec les fournisseurs (sans endommager les relations avec ces derniers), s'assurer d'avoir des termes bancaires qui nous protègent.

De même, Armand Gaudet suggère de «revoir toutes les activités avec les clients, éliminer les clients non payeurs ou avec une survie douteuse, rechercher de nouveaux clients».

Ces éléments peuvent également faire partie d'un plan d'action qui guidera l'entreprise pendant une période trouble.

4- Avoir un plan d'action

En période de crise, «il faut identifier les éléments de risque et établir les actions à prendre pour gérer ce risque, dit Micheline Renault. Et il n'est jamais trop tard pour établir un plan d'action».

Selon Armand Gaudet, il est bon de mettre à jour le plan d'affaires ou le plan stratégique. «Il faut s'assurer que les objectifs sont toujours pertinents», dit-il.

M. Gaudet recommande aussi d'accroître les contacts avec les fournisseurs «pour s'assurer qu'ils seront encore là demain», ou regarder les solutions de rechange.

La recherche de nouveaux clients peut également faire partie du plan d'action.

«De cette façon, on démontre notre viabilité et la confiance qu'on a en l'avenir de l'entreprise. Au lieu de se replier vers l'interne, on va vers l'externe», dit M. Gaudet.

Le plan d'action est un atout pour s'allier le banquier.

«Exercer le leadership en établissant un plan d'action diminue le risque, soutient Micheline Renault. On montre qu'on est conscient de ce qui se passe, qu'on est conscient des préoccupations de l'institution financière et qu'on est prêt à travailler de façon conjointe.»

5- Créer une cellule de crise

Dans la même veine, il peut être avantageux de mettre en place une cellule de crise, comme le propose Micheline Renault.

«C'est une cellule où il n'y aurait pas uniquement des membres de la direction, explique Mme Renault. J'aurais des représentants de tous les départements, des gens près de la base, qui sont en relation directe avec les clients.»

Selon l'ancienne entrepreneure, cela permettrait d'apporter de nouvelles idées.

Pour les questions de liquidités ou de relations avec la banque, Mme Renault ferait appel à une cellule restreinte. Mais pour des questions d'efficacité, une cellule élargie serait de mise.

«Les idées des employés de la base peuvent nous aider à sortir de notre schème de pensée traditionnel.» Et pousser l'entreprise à améliorer ses façons de faire.

6- Revoir et améliorer les façons de faire

«Les temps difficiles sont une excellente occasion de revoir nos processus d'affaires, dit Micheline Renault. C'est le temps de se questionner.»

«Est-ce qu'on fonctionne de manière traditionnelle, sans remise en question, alors que, par exemple, l'automatisation pourrait permettre une meilleure efficacité à moindre coût? Et je ne parle pas de coupes», précise la spécialiste.

Par exemple, des employés brillants qui font la paie pourraient être affectés à des tâches à valeur ajoutée, alors que le service de la paie pourrait être automatisé ou imparti à des entreprises spécialisées.

7- Créer des réseaux, des alliances

Parmi de nouvelles façons de faire à considérer, la création d'alliances est une avenue prometteuse pour les PME.

«Une PME - qui, presque par définition, manque de ressources - aura beaucoup de mal à braver la tempête toute seule, souligne Brahim Allali, professeur adjoint à HEC Montréal. Il est nécessaire de mettre en commun ses ressources avec d'autres PME, pour s'échanger les informations ou les compétences.»

La création de partenariats pour consolider l'offre de services peut aussi être avantageuse, tant pour les clients que pour les entreprises même.

«En consolidant l'offre de services, il n'y aura qu'un intermédiaire pour le client, qu'une seule gestion de dossier», note Micheline Renault. Ces partenariats peuvent rendre plus attrayantes les offres de services.

«Beaucoup de PME de 40 ou 50 employés travaillent en isolation et ne considèrent pas tellement les partenariats ou les alliances, souligne pourtant Mme Renault. Les grandes entreprises créent des consortiums pour soumissionner sur de grands projets, chose qu'on ne voit pas souvent chez les PME.»

«Les dirigeants des PME européennes ont beaucoup moins de mal à créer des alliances que les dirigeants des PME québécoises, a remarqué Brahim Allali au fil de ses recherches. Ces derniers craignent de perdre du pouvoir.»

Une récession pourrait les pousser à voir autrement.

8- Faire équipe avec les employés

Si des coupes sont inévitables sur le plan des ressources humaines, mieux vaut «partager la douleur avec ses employés», croit Angela Burlton.

«C'est plus facile pour tout le monde quand c'est équitable sur le plan des suppressions. J'ai connu des gens qui, au lieu d'éliminer des postes, ont diminué d'une journée le temps de travail de tout le monde. On peut aussi arrêter les heures supplémentaires. Ça permet à tous les employés de sentir qu'ils font partie d'une équipe.»

«Dans le cas contraire, ça crée un manque de loyauté. Cela ne se fera peut-être pas sentir immédiatement, mais dès que ça ira bien, plusieurs vont aller chercher ailleurs.»

De même, Armand Gaudet suggère de «démontrer son leadership à l'interne par une communication accrue pour rassurer les employés, car la rétention de personnel sera importante».

Et si, malgré toutes les stratégies, malgré tous les efforts, des décisions difficiles finissent par s'imposer, mieux vaut ne pas les retarder, croit Micheline Renault. «Il faut les opérationaliser immédiatement. Parfois, on attend avant de prendre ses décisions, mais on finit par les prendre quand même.»