Ils ont beau être inondés de pétrodollars, les Albertains ont des tracas financiers comme tout le monde.

Ils ont beau être inondés de pétrodollars, les Albertains ont des tracas financiers comme tout le monde.

Au coeur de leurs problèmes financiers depuis un an: un marché immobilier qui vacille. Au point où les Albertains sont deux fois plus nombreux à être incapables de payer leur hypothèque qu'à pareille date l'an dernier.

À la fin septembre, ils étaient 34 propriétaires albertains sur 10 000 à avoir au moins trois mois de retard sur leur hypothèque, contre 15 sur 10 000 en septembre 2007. Selon les chiffres de l'Association des banquiers canadiens, seuls les propriétaires immobiliers des provinces de l'Atlantique sont moins fiables que les Albertains.

«C'est une hausse rapide, mais le niveau de mauvais payeurs est quand même très bas historiquement», dit Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale. Au milieu des années 90, la proportion de mauvais payeurs hypothécaires avait atteint 69 personnes sur 10 000 en Alberta. La moyenne canadienne était alors de 64 mauvais payeurs sur 10 000 personnes, tandis que la moyenne québécoise était de 104. Actuellement, la moyenne québécoise est de 25 mauvais payeurs sur 10 000 personnes (en hausse de 3 sur 10 000 depuis un an).

Les difficultés du marché immobilier albertain ne touchent pas que les mauvais payeurs. Depuis un an, tous les Albertains voient la valeur de leur propriété diminuer considérablement - jusqu'à 7,0% à Calgary, reine de l'industrie pétrolière au pays. Beaucoup de nouveaux propriétaires albertains se retrouvent ainsi avec une maison qui vaut moins que leur hypothèque. Une situation troublante, mais pas critique comme dans le quartier de Mountain House, en Californie, où neuf propriétaires sur 10 regrettent d'avoir acheté leur maison aussi cher.

«Les Albertains ont peut-être payé trop cher, mais ils sont pour la plupart encore capables de faire leurs paiements hypothécaires, contrairement à plusieurs Américains, qui n'ont pas les moyens de payer leur hypothèque», dit Mathieu D'Anjou, économiste au Mouvement Desjardins.

«Ceux qui ont voulu spéculer et revendre la propriété rapidement se sont faits avoir, dit Marc Pinsonneault, économiste principal à la Banque Nationale. Sinon, les gens qui ont acheté continuent de rester dans la maison. Ce n'est pas parce que ta maison a perdu de la valeur que tu n'es pas capable d'acquitter les paiements mensuels.»

L'Association des banquiers canadiens refuse d'établir des parallèles entre la crise immobilière américaine et la situation préoccupante dans l'ouest du pays. «Les Américains ont un taux de défaut de paiements hypothécaires environ six fois et demi plus élevé que la nôtre, dit Maura Drew-Lytle, présidente de l'Association des banquiers canadiens. Les prêteurs canadiens n'ont pas utilisé les taux variables autant qu'aux États-Unis. Les Canadiens ont donc des hypothèques moins risquées et plus prévisibles que les Américains.»

Une correction qui souffle vers l'est

Les Canadiens ont peut-être été plus sages que leurs voisins du Sud sur le marché immobilier au cours des dernières années, ils ne sont pas sans reproche non plus.

Au cours de la dernière année, environ 22% d'entre eux ont retiré de l'argent de leur hypothèque, parfois pour éponger d'autres dettes, parfois pour rénover la maison, parfois pour financer son rythme de vie de tous les jours. «Les deux premières raisons ne m'inquiètent pas vraiment, dit l'économiste Mathieu D'Anjou. Au contraire, selon les circonstances, il peut être sage de consolider ses dettes ou de payer les rénovations, qui augmentent la valeur de la propriété, avec son hypothèque. Ce sont tous les autres motifs qui me tracassent. Si vous augmentez la valeur de votre hypothèque pour financer votre consommation, c'est bien plus inquiétant.»

Malgré la baisse du marché immobilier canadien, les économistes refusent de parler d'une crise immobilière. «C'est une correction, dit l'économiste Marc Pinsonneault. Vancouver et Calgary sont déjà affectés. À Vancouver, on offre maintenant une auto si vous achetez un condo. Il semble maintenant inévitable que la correction atteigne Toronto.»

Selon l'indice Teranet-Banque Nationale, le prix des propriétés a baissé de 7,0% à Calgary depuis un an. Il est en baisse à Vancouver au cours des trois derniers mois. En novembre dernier, l'indice mensuel est en baisse à Calgary (-2,1%), Toronto (-0,5%), Vancouver (-0,3%) et Halifax (-0,1%), tandis qu'Ottawa (+0,3%) et Montréal (+0,4%) s'en tirent - pour le moment. «On sent un certain ralentissement au Québec, mais les prix sont encore stables», dit l'économiste Mathieu D'Anjou, du Mouvement Desjardins.

Que les Montréalais qui se croient à l'abri d'une correction immobilière ne crient pas victoire trop rapidement. Non seulement il n'est pas dit que la mini-tempête immobilière n'atteindra pas Montréal prochainement, mais les malheurs des propriétaires immobiliers de l'Ouest canadien doivent être mis en contexte. Selon l'indice Teranet-Banque Nationale, la valeur des propriétés a explosé de 63% à Calgary et 50% à Vancouver depuis juin 2005.

Durant la même période, les Montréalais ont vu la valeur de leur propriété augmenter de 23%. »La hausse du prix des maisons a été beaucoup plus forte dans l'Ouest, dit Mathieu D'Anjou. C'est donc normal que la baisse du prix des maisons soit maintenant plus élevée dans cette région du pays. C'est un peu le retour du balancier.»