Dix ans plus tard, le plombier Benjamin Falardeau devrait finalement obtenir justice contre un tandem de courtiers qui l'a incité à investir son argent comptant dans le paradis fiscal des Bahamas.

Dix ans plus tard, le plombier Benjamin Falardeau devrait finalement obtenir justice contre un tandem de courtiers qui l'a incité à investir son argent comptant dans le paradis fiscal des Bahamas.

Le 12 décembre, les courtiers Marc-Antoine Beauchamp et André Niding sont convoqués à une audience disciplinaire de l'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). L'enquête de l'OCRCVM a été instituée en février 2007 après un reportage de La Presse faisant état de l'incroyable histoire d'un plombier de la Rive-Sud qui a investi aux Bahamas.

Les faits

Les faits prennent racine en juillet 1998. Dans l'année qui a suivi, le plombier a transmis 336 400$ en petites coupures au tandem Beauchamp-Niding et à un tiers, Marc Beaudoin, expert des transactions outre-mer. Dans l'une des rencontres, il a remis un sac de 100 000$ rempli de billets de banque à M. Beauchamp dans sa BMW, à Mont-Royal. Le tandem Beauchamp-Niding, ainsi que Marc Beaudoin, travaillaient alors pour la firme Midland Walwyn (devenue Merrill Lynch entre-temps).

Les fonds du plombier ont été transférés par voie électronique aux Bahamas, dans un compte de la banque Ansbacher, représentée par Marc Beaudoin. L'argent est instantanément revenu à Montréal dans un compte anonyme de Midland Walwyn. Il a été investi dans des titres technos risqués qui ont fait perdre 158 000$ à M. Falardeau dans la foulée du krach boursier de 2000.

Le 12 décembre prochain, le tribunal de l'OCRCVM se penchera sur un règlement à l'amiable conclu entre l'OCRCVM et les courtiers Beauchamp et Niding. L'entente et les sanctions ne seront dévoilées que si elles sont entérinées par le tribunal.

Évasion fiscale

Dans son avis de convocation, l'OCRCVM soutient que Marc-Antoine Beauchamp a reçu 195 000$ des 336 400$ d'argent liquide, le tout à l'insu de sa firme, manquant aux règles d'éthique élémentaires.

«Il aurait dû savoir que cette façon de faire était contraire à la politique interne et à législation et la réglementation en vigueur relative au recyclage des produits de la criminalité (...) Il aurait dû savoir que de procéder ainsi pouvait constituer un indice d'un stratagème d'évasion fiscale», écrit l'OCRCVM.

L'organisme a des reproches semblables à l'endroit de M. Niding, mais pour une somme moindre (23 750$). Quant à Marc Beaudoin, il ne fait l'objet d'aucun reproche dans les avis publiés hier.

Le plombier Benjamin Falardeau est heureux du dénouement attendu du dossier. «C'est bien, mais je trouve décevant que Marc Beaudoin ne soit pas visé», a dit M. Falardeau (NDLR: son nom a été modifié dans le journal, mais il a consenti à ce qu'on l'identifie auprès des personnes impliquées et des autorités).

Joint au téléphone, Marc Beaudoin soutient ne pas avoir été contacté par l'OCRCVM. À l'époque, dit-il, il faisait affaire avec une vingtaine de courtiers connus de Montréal pour des investissements aux Bahamas. Leurs firmes respectives étaient bien au courant de leurs agissements, soutient-il. À titre de représentant de la banque Ansbacher, Marc Beaudoin affirme qu'il comptait alors quelque 200 clients, dont environ 10% faisait affaire avec du comptant.

Marc Beaudoin a longtemps été un partenaire d'affaires de Martin Tremblay, ce banquier qui a plaidé coupable aux États-Unis d'avoir blanchi 220 000$.

La porte-parole de l'OCRCVM, Claudyne Bienvenue, ne veut pas faire de commentaires sur Marc Beaudoin tant que l'entente à l'amiable du tandem Beauchamp-Niding ne sera pas entérinée.

Les deux courtiers travaillent aujourd'hui pour le compte de Partenaires financiers Richardson, à Montréal. Nous avons été en mesure de joindre M. Beauchamp, hier. «Je ne fais plus affaire d'aucune façon avec Marc Beaudoin. Ce qui se passait en 1998 et, aujourd'hui, c'est deux mondes. Je n'ai plus de clients qui ont des investissements aux Bahamas. Cette affaire est un cas isolé», a dit essentiellement M. Beauchamp.