«Le Québec est le paradis du recours collectif», entend-on, pour signifier qu'ils sont trop facilement autorisés et trop nombreux.

«Le Québec est le paradis du recours collectif», entend-on, pour signifier qu'ils sont trop facilement autorisés et trop nombreux.

Il est vrai que le Québec est le pionnier du recours collectif au Canada, avec sa loi entrée en vigueur en 1979. De tous les recours inscrits (facultativement) au répertoire de l'Association du Barreau canadien, entre le 1er janvier et le 30 octobre 2007, quelque 45 % provenait du Québec. Mais pour Pierre-Claude Lafond, professeur au Département des sciences juridiques de l'UQAM, cette réputation de prodigalité est imméritée. «Je pense qu'on fait une tempête dans un verre d'eau, dit-il. Il y a, en moyenne, une centaine de demandes d'autorisation d'exercer le recours collectif au Québec par année. C'est, toute chose étant relative, très peu, surtout si on pense qu'on en avait estimé plus de 500 par année lors de son adoption en 1978... Entend-on qu'il y a trop de procédures intentées par des corporations devant les tribunaux? Jamais. Or, il y en a des milliers. Pourquoi s'attaquer aux recours collectifs?»

Comment sont rémunérés les cabinets?

Autre poncif répandu, semble-t-il, par les avocats des défendeurs: les avocats qui intentent le recours sont les seuls à faire de l'argent dans l'affaire.

«Les avocats des défendeurs en font beaucoup plus à défendre leurs clients avec une pléthore de procédures», réplique encore Pierre-Claude Lafond.

Stéphanie Poulin, responsable des services juridiques d'Option consommateurs, témoigne dans le même sens: «Lors de certaines audition pour autorisation en recours collectif, où il y avait beaucoup d'avocats en défense, j'entendais des discussions de corridor où ils remerciaient Option consommateurs parce qu'on leur fournissait du travail!»

De leur côté, les cabinets spécialisés en recours collectifs sont payés en pourcentage du dédommagement accordé ou convenu.

En Ontario et aux États-Unis, le cabinet des demandeurs touche couramment 25 à 33 % du règlement, voire davantage. Au Québec, une quote-part de 15 à 25 % est considérée raisonnable, selon Reza Dupuis, avocat chez Unterberg, Labelle, Lebeau.

En théorie, ces cabinets ne touchent pas un sou avant un règlement ou un jugement en leur faveur. En pratique, pour les aider à soutenir leurs dépenses - les frais d'expertise, par exemple -, le Fonds d'aide au recours collectif du Québec peut leur verser une avance, qui devra être remboursée avec l'indemnité que paiera (peut-être) l'intimé.

Leurs émoluments seront en définitive fixés par le juge lors de la conclusion de l'affaire. Il comparera ce que le cabinet touchera en vertu de l'entente, avec ce que lui aurait normalement valu les heures travaillées au taux horaire habituel. Le juge établira si ce supplément est raisonnable en regard des risques assumés et des dépenses encourues.

Le résultat n'est jamais garanti. «Dans certains dossiers, on a gagné, mais si on applique la convention d'honoraires, on se retrouve à être payé trois fois moins que notre taux horaire, relate François Lebeau. C'est notre risque»

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Recours collectif: petit précis de procédure

Le recours collectif est une procédure qui permet à une personne d'intenter une action en justice au nom d'un groupe de gens ayant subi les mêmes préjudices.Mais si vous voulez intenter un recours parce que votre beurre de de cacahuètes contient des traces d'arachides, vous ne franchirez même pas l'introduction du début de la première étape. Car le recours doit d'abord être autorisé par un juge, question de filtrer les causes mal fondées, frivoles ou abusives. Le recours obtient cette caution? Dans l'étape suivante, les parties présenteront leurs preuves devant la Cour supérieure. S'il tranche en faveur des demandeurs, le juge ordonnera un recouvrement pour indemniser les membres du groupe. En tout temps avant le jugement, un règlement peut intervenir entre les parties. Des avis sont alors publiés, invitant les membres à faire valoir leur opinion devant le tribunal. Le juge évaluera alors si le dédommagement convenu est équitable.

Les critères d'un bon recours

Du dépôt de la requête à la réception de l'indemnisation par chacun des membres, le délai peut s'étendre de quelques mois à plusieurs années, selon la complexité de la cause et la ténacité des avocats des défendeurs. «J'ai appris à ne jamais essayer de juger combien de temps ça va prendre», énonce l'avocat Paul Unterberg, qui a à son crédit une trentaine d'années d'expérience dans ce domaine. Par contre, indique-t-il, «j'ai appris à évaluer les chances de succès d'un dossier».

Les cinq principaux facteurs:

- Est-ce qu'on peut obtenir un jugement favorable?

- Est-ce qu'il y a suffisamment d'individus qui connaissent le même problème?

- L'intimé est-il solvable?

- La preuve est-elle très complexe à faire?

- Faudra-t-il interminablement plaider devant le tribunal?