Depuis la fin de semaine, les magasins qui vendent des systèmes à mains libres permettant de parler au téléphone en conduisant, malgré la nouvelle loi, ont été pris d'assaut par des consommateurs.

Depuis la fin de semaine, les magasins qui vendent des systèmes à mains libres permettant de parler au téléphone en conduisant, malgré la nouvelle loi, ont été pris d'assaut par des consommateurs.

Mais les entreprises sont encore plus à la dernière minute: très souvent, il y a peu ou pas de règles sur l'attribution de mains-libres aux employés qui utilisent un cellulaire d'entreprise.

Hydro-Québec est l'une des rares entreprises ayant une politique claire sur le sujet.

Une nouvelle directive prévoit la distribution de mains-libres aux employés qui travaillent sur la route, rapporte Flavie Côté, relationniste à la société d'État.

Et le sujet sera abordé, pour les autres employés ayant un cellulaire d'Hydro-Québec, au cours de rencontres de routine sur la santé et la sécurité avec le syndicat, dans les prochains jours.

«Nous voulons être certains qu'aucun employé ne sera pénalisé parce qu'il ne répond pas à son téléphone pendant qu'il conduit», précise Macin Kazmierczak, du Syndicat des employés de métiers d'Hydro-Québec.

«Sinon, il faut que tout le monde ait des mains-libres.»

De tels systèmes sont courants pour les employés qui travaillent sur la route, comme les représentants et les chauffeurs de taxi, rapporte Marie Vaillant, directrice des communications à la Fédération canadienne des entreprises indépendantes.

Mais pour les autres, par exemple les cols blancs qui profitent des trajets du matin et du soir pour donner des coups de fil et ainsi diminuer le temps qu'ils doivent passer au bureau, c'est une «zone grise».

«Ça va se régler au cas par cas», dit Mme Vaillant.

Le Conseil du patronat du Québec n'a pas été saisi de la question par ses membres, ce qui indique qu'il n'y a pas de gros problème, selon Norma Kozhaya, directrice de la recherche au CPQ.

Frictions en vue

Un rapide tour d'horizon montre toutefois que la question pourrait causer des frictions.

Un avocat et un banquier interrogés par La Presse ont indiqué qu'ils payaient eux-mêmes leur cellulaire, mais que leur entreprise leur en remboursait l'utilisation.

Un gestionnaire gouvernemental a indiqué qu'il ne voyait pas pourquoi il payerait un système à mains libres aux employés qui ont un cellulaire fourni, mais qui n'ont pas l'obligation de répondre immédiatement si on les appelle.

«S'ils profitent du trajet du matin et du soir pour faire des appels, grand bien leur en fasse, a-t-il dit, demandant l'anonymat. Je n'ai pas à financer ça, même si ça aide la conciliation travail-famille.»

Deux professeurs de gestion d'universités montréalaises ont confirmé que cette zone grise pourrait donner lieu à des tensions.

«D'une manière générale, je pense que les cellulaires et l'accès à l'internet à partir de la maison augmentent le stress des travailleurs et les tensions dans les relations de travail», dit Steven Appelbaum, de Concordia.

Robert Hebdon, de McGill, souligne que fournir un cellulaire à un employé amène souvent ce dernier à travailler en dehors des heures de bureau, et donc augmente sa productivité.

«Les entreprises ne peuvent pas profiter du cellulaire et refuser d'en assumer les coûts sous prétexte que c'est aussi utile pour l'employé», dit M. Hebdon.

Réflexion poussée chez nos voisins

Aux États-Unis, où certains États imposent le mains-libres au volant depuis plusieurs années, la réflexion est beaucoup plus avancée.

Reed Jorgensen, une spécialiste californienne des ressources humaines qui tient un blogue sur son métier, rapporte que la seule manière pour une entreprise de ne pas défrayer les coûts d'un mains-libres, c'est d'avoir une politique écrite interdisant le cellulaire au volant.

Brian Barry, président de l'Association nationale des ressources humaines des États-Unis, va plus loin: de crainte d'avoir des poursuites si des employés ont un accident alors qu'ils parlent au téléphone, de plus en plus d'entreprises interdisent le cellulaire au volant.

«Éventuellement, la seule occupation professionnelle qu'on pourra faire en voiture, c'est la formation, dit M. Barry. Ça sera beaucoup plus sécuritaire et tout aussi utile.»